Germain Katanga & Mathieu Ngudjolo Chui in court
qui sommes Germain Katanga &
Mathieu Ngudjolo Chui?

Par Jennifer Easterday

Á compter d’aujourd’hui et pendant une semaine, la chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale (CPI) entendra les plaidoiries dans le procès de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui. Ce n’est que la seconde affaire jugée devant la CPI à atteindre cette étape et elle est l’occasion de nombreuses « nouveautés » pour la Cour. Des informations sur les plaidoiries peuvent être consultées ici.

Germain Katanga est le commandant présumé de la Force de Résistance Patriotique en Ituri (FRPI) et Mathieu Ngudjolo Chui est l’ancien chef présumé du Front des Nationalistes et Intégrationnistes (FNI). Les deux milices armées, issues en grande partie des ethnies Ngiti (FRPI) et Lendu (FNI), combattaient dans la région d’Ituri de la République démocratique du Congo (RDC). Katanga et Ngudjolo sont accusés de sept chefs de crimes de guerre et de trois chefs de crimes contre l’humanité qui auraient été commis lors de l’attaque par le FRPI et le FNI du village de Bogoro le 24 février 2003.

Bogoro accueillait de nombreuses ethnies Hema et abritait une base de l’UPC rivale (Union des patriotes congolais, un groupe armé dirigé par Thomas Lubanga, reconnu récemment coupable). L’accusation affirme que l’attaque avait des motivations ethniques, hormis le fait de s’inscrire dans le cadre d’une stratégie militaire pour prendre le contrôle des principaux carrefours routiers d’Ituri.

Questions juridiques soulevées par l’accusation

Ce procès a soulevé un grand nombre de questions juridiques inédites. Pour la première fois devant la CPI, les actions engagées contre deux accusés ont été réunies en un seul procès. La Chambre a considéré que cette démarche serait plus efficace étant donné le fait que la plupart des preuves témoignages retenus à leur encontre se chevauchent partiellement et qu’elle ne violerait aucunement les droits à un procès équitable.

Cette affaire est également importante parce qu’elle implique un mode de responsabilité connu sous le nom de « co-perpétration indirecte ». L’accusation ne prétend pas que Katanga et Ngudjolo ont commis physiquement tous les crimes. L’accusation les accuse plutôt d’avoir utilisé leurs groupes armés respectifs pour mettre en œuvre leur plan conjoint pour « balayer » le village de Bogoro. Par conséquent, l’accusation doit prouver que les accusés ont perpétré les crimes « par le biais d’autres personnes » qui étaient sous leur commandement.

Il s’agit également du premier procès de la CPI à traiter des poursuites pour violence sexuelle. Pendant l’attaque, les membres des groupes armés du FNI et du FRPI auraient violé des civils. Il a été également allégué qu’ils auraient fait subir à des civils un esclavage sexuel par la force, la menace de violence ou de mort et / ou d’emprisonnement. Des femmes auraient été kidnappées à Bogoro et emmenées dans les camps du FNI et du FRPI où on les aurait forcées à devenir les « femmes » des combattants. Ces femmes auraient été obligées de cuisiner pour eux et d’obéir aux ordres des combattants.

Dans sa plaidoirie, l’accusation devrait faire valoir que ses témoins ont démontré hors de tout doute raisonnable que Katanga et Ngudjolo sont conjointement responsables de ces crimes. L’accusation mettra probablement en avant le rôle de premier plan des deux accusés dans leur organisation respective et fera valoir que les témoignages indiquent qu’ils ont joué un rôle essentiel dans l’exécution de l’attaque de Bogoro. L’accusation soulignera probablement l’aspect ethnique du conflit et mettra en avant le plan destiné à « anéantir » Bogoro et sa population Hema.

La plaidoirie de la défense

Les accusés ont tout deux nié l’ensemble des charges retenues à leur encontre. Ils n’ont pas nié les atrocités perpétrées à Bogoro. Ils ont cependant nié avoir commandé les forces lors de l’attaque et ont soutenu qu’ils n’étaient pas présents à Bogoro le jour de cette attaque.

Ils ont également nié avoir un plan commun pour détruire Bogoro et ont soutenu qu’ils ne s’étaient rencontrés qu’après que l’attaque ait eu lieu. Ils affirment que d’autres groupes armés, appuyés par le gouvernement de la RDC, avaient planifié l’attaque de Bogoro.

De plus, ils ont tous deux fait valoir qu’ils n’avaient pas personnellement assisté à des violences sexuelles et ont soutenu qu’aucune de leurs milices n’avait utilisé d’enfants soldats. Katanga a admis qu’il n’y avait qu’un seul enfant soldat dans son camp d’Aveba et que, selon lui, ils l’avaient aidé à être démobilisé.

Katanga et Ngudjolo ont également affirmé pour leur défense que l’attaque n’avait pas de motivation ethnique. Ils ont également fait une nette distinction entre les groupes de défense communautaires locaux, tels que le FNI et les FRPI, et les groupes militaires armés (tels que l’APC), qui étaient soutenus par les armées ougandaises, rwandaises ou congolaises. Ils ont fait valoir que les forces de défense locales n’étaient impliquées que dans de la légitime défense et non dans une stratégie militaire d’ensemble.

Comment suivre les plaidoiries

Lors des plaidoiries, les équipes de défense insisteront probablement sur le fait que Katanga et Ngudjolo n’avaient ni planifié l’attaque ni joué un rôle essentiel dans son exécution. En outre, il est probable qu’ils affirmeront que les civils n’étaient pas la cible de cette attaque qui a été entreprise, d’après eux, contre une base militaire de l’UPC pour des raisons militaires.

Le calendrier des audiences est le suivant :

Mardi 15 mai 2012 9:00-11:00; 11:30-13:00 Plaidoirie de l’accusation
Mercredi 16 mai 2012 9:00-11:00; 11:30-13:30 Questions à l’accusation ; Plaidoirie du représentant légal des victimes
Lundi 21 mai 2012 9:00-11:00; 11:30-13:00 Plaidoirie de la défense
Mardi 22 mai 2012 9:00-11:00; 11:30-13:00 Plaidoirie de la défense
{Mercredi 23 mai 2012 9:00-11:00; 11:30-13:30 Questions à la défense ; Réponses éventuelles de l’accusation et la défense

Une retransmission vidéo, avec un retard de 30 minutes, sera disponible en anglais et en français. Nous publierons des mises à jour des plaidoiries présentées par les parties dans les jours à venir.


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