Germain Katanga & Mathieu Ngudjolo Chui in court
qui sommes Germain Katanga &
Mathieu Ngudjolo Chui?

Par Jennifer Easterday

Cette semaine, le deuxième procès devant la Cour pénale internationale (CPI) a siégé pour entendre les conclusions respectives des parties en présence. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui sont accusés de crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient été perpétrés au cours d’une attaque contre Bogoro, un village dans l’est de la RDC, en février 2003. Les accusés, qui nient toutes les accusations portées contre eux, ont  passé deux ans à écouter les preuves rassemblées par le procureur contre eux et à présenter des arguments rigoureux pour leur défense. Vous pouvez trouer ici un résumé du procès.

Le présent article présente les plaidoiries faites par l’Accusation. Les articles suivants vont discuter des questions posées par les juges à l’Accusation, les conclusions des représentants légaux des deux groupes de victimes, et celles de chaque équipe de défense.

L’attaque de Bogoro n’était pas un fait isolé

Le Procureur-élu de la CPI, Fatou Bensouda, a ouvert le réquisitoire de l’Accusation, qui constitue la dernière occasion de démontrer aux juges que l’Accusation a prouvé d’une manière qui ne fait pas l’ombre d’un doute, que les accusés sont coupables des faits qui leur sont reprochés. Bensouda a fait valoir que l’Accusation s’était acquittée de cette charge.

Elle a expliqué que l’attaque de Bogoro a eu lieu à la fin de la Deuxième guerre du Congo, à une époque où les conflits politiques et territoriaux se chevauchent avec des tensions ethniques entre groupes armés Hema et Ngiti/Lendu de l’Ituri.

« L’attaque de Bogoro n’était pas un événement isolé », a-t-elle dit. Au contraire, a-t-elle ajouté, elle faisait partie un conflit armé plus large et d’une attaque généralisée et systématique contre des civils Hema.

Bensouda a mis en exergue les preuves présentées par les victimes des attaques, notamment les femmes qui avaient subi des violences sexuelles. En particulier, elle a noté le préjudice durable subi par ces victimes de violences sexuelles, notamment la stigmatisation et le rejet par leurs familles et communautés. C’est la première fois les crimes de violence sexuelle font l’objet de procès devant la CPI, et la décision de la Chambre de première instance sur ce chef d’accusation sera un jalon important pour le tribunal.

L’autorité de Ngudjolo sur les combattants Lendu

Pour établir la culpabilité de Katanga et Ngudjolo, l’Accusation devait prouver qu’ils exerçaient une autorité sur les FRPI (Forces de résistance patriotique en Ituri) et le FNI (Front national pour l’intégration), respectivement.

Sur la question de l’autorité exercée par Ngudjolo sur le FNI, l’Accusation s’est heurtée à l’argument de la défense selon lequel elle n’avait pas réussi à prouver que le nom du groupe qu’il aurait commandé était bien « FNI ». L’accusation a soutenu que la preuve concernant le nom de la milice n’était pas pertinente, que prouver que le groupe s’appelait bien FNI n’était pas un élément essentiel pour asseoir la culpabilité de l’accusé. Pour l’Accusation, ce qui était plus important que cette étiquette, c’est la composition du groupe, et les allégations sur cette composition n’ont pas varié au cours du procès. C’était le même groupe de personnes, des combattants Lendu de Bedu-Ezekere, qui se trouvaient à Bogoro au cours de l’attaque, a soutenu l’Accusation. Pour appuyer ces allégations, l’Accusation s’est appuyée sur des preuves concernant des antécédents militaires et la formation de Ngudjolo ainsi que le témoignage d’un grand nombre de témoins tant à charge qu’à décharge, selon lesquels il était le chef des combattants venant de Bedu-Ezekere.

L’Accusation a fait valoir que Ngudjolo commandait ce groupe et était à Bogoro le jour de l’attaque. Cela a été confirmé par des preuves vidéo, toujours selon l’Accusation.

Ngudjolo a menti dan son témoignage sur l’endroit où il se trouvait le jour de l’attaque, selon l’Accusation. En particulier, l’Accusation a directement réfuté l’allégation de Ngudjolo selon laquelle il aidait une femme à accoucher le jour de l’attaque de Bogoro. Selon le procureur, le témoignage de Mathieu Ngudjolo a été directement réfuté par des contradictions dans le témoignage de ses propres témoins, par exemple un autre travailleur du centre de santé et le mari de la femme qui aurait donné naissance ce jour-là.

L’autorité de Katanga

L’Accusation a également examiné les éléments de preuve concernant l’autorité exercée par Katanga sur les combattants Ngiti de Walendu-Bindi, ou le FRPI. La poursuite a réfuté l’argument de Katanga selon lequel il était le coordinateur d’Aveba au moment de l’attaque et n’est devenu commandant que par la suite, le 3 mars 2003. L’Accusation a soutenu qu’il y avait la preuve que Katanga avait l’autorité et le contrôle des combattants Ngiti militarisées dans la région de Walendu-Bendi, qu’on appelait les FRPI, au moment de l’attaque.

L’Accusation a fait valoir que ses témoins, y compris les P-28, P-219 et P-12, ont tous témoigné à cet effet. Par exemple, selon l’Accusation, P-28 a déclaré que quand il est arrivé à Aveba en novembre 2002, Katanga était connu comme le “colonel” et était le « Président » ou chef du camp. Ceci est corroboré par une preuve écrite, selon l’Accusation.

En tant que leader des FRPI, selon l’Accusation, Katanga a planifié et organisé l’attaque de Bogoro. L’Accusation a également fait valoir qu’il existe des preuves que Katanga était à Bogoro le jour de l’attaque, contrairement à ce que Katanga a soutenu pour sa défense. L’Accusation a qualifié son témoignage d’incohérent, de décousu et de  contradictoire avec ce que l’Accusation avait démontré à travers son témoignage.

L’attaque avait une motivation ethnique

Le premier substitut du procureur Eric MacDonald a discuté du fond du conflit, qui selon lui, oppose les Lendu et Ngiti aux Hema. MacDonald a directement réfuté les arguments de la défense, en particulier de la défense de Ngudjolo, selon lesquels le conflit n’était pas ethnique.

Le conflit avait commencé comme conflit foncier, mais MacDonald a expliqué qu’il a plus tard dégénéré en un conflit armé entre groupes ethniques. Les civils des deux ethnies en ont été les victimes, selon lui. MacDonald a mis en exergue des témoignages sur les différentes attaques par les Hema de l’UPC contre les communautés Lendu et Ngiti. En raison de ces attaques, les communautés Lendu et Ngiti se sont mis à détester les Hema, selon l’Accusation. En particulier, a ajouté MacDonald, Katanga et Ngudjolo ont été poussés par cette haine. L’Accusation a affirmé que, selon des témoins, dans les batailles qui ont suivi, les civils étaient ciblés uniquement en fonction de leur appartenance ethnique.

Un plan commun pour attaque de Bogoro

Une autre allégation cruciale du procès est que Katanga et Ngudjolo avaient un plan commun pour attaquer Bogoro. Cependant, les accusés ont tous deux soutenu qu’ils ne s’étaient pas rencontrés avant l’attaque et qu’ils n’ont jamais ourdi un tel plan en commun.

Toutefois, selon l’accusation, le témoignage de divers témoins à charge et d’un témoin de la défense ont prouvé que la pierre angulaire du plan commun a été posée lors que le Chef Manu de Bedu-Ezekere s’est rendu à Aveba et a logé chez Germain Katanga. Au cours de ce voyage, a ajouté l’Accusation, le chef Manu a rencontré les autorités civiles et militaires, qui, ensemble, ont rédigé une lettre qui a confirmé que les deux communautés avaient des liens.

En outre, l’Accusation a soutenu que les témoignages ont apporté la preuve que la réunion tenue par le chef Manu a eu pour résultat la fourniture d’armes et des munitions aux Ngiti et plus tard aux combattants Lendu par parachutage de vivres et de matériel de guerre. L’Accusation a noté que le chef Manu, un témoin de Ngudjolo, a témoigné qu’il avait reçu des munitions de Katanga.

Une preuve supplémentaire de  l’existence de ce plan commun d’attaque de Bogoro a été fournie à travers les témoignages de P-250 et P-28, selon l’Accusation. L’Accusation s’appuyait en grande partie sur un document qui selon elle, corrobore le témoignage de la présence d’une délégation de Zumbe à Aveba en janvier 2003. L’accusation affirme que cet élément de preuve montre d’une façon indubitable que Katanga et Ngudjolo avaient un plan commun de destruction du village de Bogoro et de sa population Hema.

En ce qui concerne les événements de la journée de l’attaque, l’Accusation a fait valoir que le fait que les combattants de Walendu-Bindi et Bedu-Ezekere aient encerclé Bogoro au moment d’une attaque démontre l’existence d’une préméditation ainsi qu’un plan commun. Il y avait une stratégie militaire, a soutenu l’Accusation, et il était impossible aux combattants UPC et aux civils de sortir de Bogoro.

L’Accusation s’est également tournée vers les suggestions de la défense selon lesquelles les décès de civils ont été des dommages collatéraux résultant du fait qu’ils avaient été pris entre deux feux. Cette théorie n’explique pas les nombreux décès par coups de machette, selon l’Accusation.

En outre, toujours selon l’Accusation, la mort de civils ne peut pas être expliquée par l’argument de la défense que ces crimes étaient le fait de soldats qui se seraient « laissés emporter ». Au contraire, a soutenu l’Accusation, les soldats se sont engagés dans un massacre brutal ciblant délibérément des civils.

Katanga et Ngudjolo ont vu l’horreur se dérouler, mais étaient assis à l’ombre des manguiers et ne sont pas intervenus, a ajouté l’Accusation. L’Accusation a soutenu que les décès n’étaient pas accidentels mais qu’il s’était agi d’attaques délibérées et généralisées contre les Hema, perpétrés parce que Ngudjolo et Katanga étaient mus par une soif de vengeance.

Crimes de violence sexuelle

L’Accusation a également fait des observations détaillées sur les crimes de violence sexuelle. En particulier, l’Accusation a répondu aux arguments de la défense de Katanga concernant une victime, une femme qui selon cette défense, n’a pas été violée parce qu’un témoignage concernant son mariage avec un Ngiti au camp militaire où elle a était détenue constituait la preuve de son consentement.

L’Accusation a prétendu que ces arguments n’étaient pas pertinents et que la question clé lors qu’il s’agit de prouver qu’un viol a bien eu lieu, c’est de savoir si la femme a été détenue contre sa volonté ou pas. Il ne peut être question de consentement, si elle est maintenue dans un environnement coercitif, selon l’Accusation. Toujours selon l’Accusation, l’existence de cet environnement coercitif a été démontrée par l’enlèvement de la femme de Bogoro et avec un fusil, et le fait qu’elle a été maintenue sous surveillance et incapable de s’échapper.

Conflit armé noninternational ou international    

Une grande question posée à la Chambre de première instance est celle de savoir si le conflit armé de l’Ituri était un conflit armé international ou un conflit armé non-international. Au récent verdict du procès Lubanga à la Chambre de première instance, j’ai profité d’une règle spéciale de la CPI (règlement 55) qui leur a permis de changer la qualification juridique du conflit. La Chambre de première instance au procès Lubanga a fait valoir que le conflit était d’un caractère non international, même si la Chambre préliminaire avait soutenu à la confirmation des charges, contrairement aux arguments de l’Accusation, qu’il s’agissait d’un conflit armé international.

Cependant, au procès Katanga et Ngudjolo, l’Accusation a soutenu et la Chambre préliminaire I a confirmé les charges relatives à un conflit armé international. Mais depuis la décision Lubanga, cette position semble avoir changé, et on fait soudainement valoir qu’il y avait un conflit armé non international en Ituri.

Dans ses plaidoiries, l’Accusation a noté qu’il n’y a pas de doute qu’il y avait un conflit armé et soutenu qu’il s’agissait bien d’un conflit armé non international. Toutefois, elle affirme qu’il n’y a aucune différence pour ce qui concerne les crimes en question. En outre, opérer un changement conforme à la Règle 55 était du pouvoir de la Chambre et ne porterait pas préjudice à la défense.

Les audiences vont se poursuivre

Au cours des prochains jours, la Cour entendra les représentants légaux des victimes et chaque équipe de défense avant de se retirer pour délibérer. Katanga et Ngudjolo feront aussi tous les deux une déclaration à la cour.

La détermination de la peine ne sera pas abordée à ce stade, mais s’il y a un verdict de culpabilité, on discutera de la peine plus tard ainsi que des réparations.

1 Commentaire
  1. It is not true,Judge Kuenyehia was on Lubanga pre-trial bench and was a part of the decisions on the arrset warrant and confirmation of charges.In Katanga and Bashir cases Judge Kuenyehia and Judge Usacka played active part both.


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