Germain Katanga & Mathieu Ngudjolo Chui in court
qui sommes Germain Katanga &
Mathieu Ngudjolo Chui?

Contexte historique du procès

Noms : Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui
Nationalité : République Démocratique du Congo (RDC)
Date de l’arrestation : Germain Katanga a été arrêté le 10 mars 2005 et détenu par les autorités congolais dans le cadre d’un autre incident. Il était encore détenu sans charge lorsque la Cour Pénale Internationale (CPI) a lancé un mandat d’arrêt contre lui et il a ainsi été directement livré à la Cour. Mathieu Ngudjolo Chui a été arrêté le 3 février 2008.
Date de transfert à la Cour Pénale Internationale : le 17 octobre 2007 (Katanga) et le 7 février 2008 (Ngudjolo).
Chefs d’accusation : sept chefs d’accusation de crimes de guerre (utilisation d’enfants de moins de quinze ans pour prendre une part active à des hostilités, attaques dirigée contre des civils, homicide volontaire, destruction de  propriété, pillage, esclavage sexuel, et viol) et trois chefs d’accusation de crimes contre l’humanité (meurtre, viol, et esclavage sexuel) qui auraient été commis à Bogoro, village de la province de l’Ituri à l’est de la RDC, de janvier à mars 2003.
Date d’ouverture du procès :24 novembre 2009
Date de clôture du procès : 23 mai 2012
Sentence Ngudjolo : 18 décembre 2012; Acquitté de toutes les charges.
Sentence Katanga : Pas encore prononcée.

Le procès des chefs de guerre congolais Germain Katanga, présumé commandant de la milice des Forces de résistance patriotique en Ituri (FRPI), et Mathieu Ngudjolo Chui, présumé ancien dirigeant de la milice du Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI), s’est ouvert le 24 novembre 2009. Il a été décidé que les deux accusés seraient jugés conjointement car ils faisaient face aux mêmes charges de crimes et crimes contre l’humanité en rapport avec la même attaque contre le village de Bogoro, Province de l’Ituri, RDC. Le procès de Katanga et Ngudjolo est le deuxième jamais tenu à la CPI. Le premier porte aussi sur des crimes commis au cours du conflit de l’Ituri à l’est de la RDC.

Voici une vue générale du contexte historique de l’affaire.

Comment la CPI s’est engagée en RDC

La République Démocratique du Congo est devenue État partie au traité fondateur de la Cour Pénale Internationale, le Statut de Rome, lorsqu’elle a signé le traité le 8 septembre 2000, et l’a ratifié le 11 avril 2002, ce qui a donné à la CPI compétence sur les crimes de guerre, crimes contre l’humanité, et génocide commis sur le territoire congolais ou par des citoyens congolais après le 1er juillet 2002 – date d’entrée en vigueur du Statut de Rome. Cependant la CPI n’est compétente que pour les affaires où le gouvernement n’est pas désireux ou capable d’enquêter sur ou de poursuivre ces crimes. C’est ainsi que l’enquête de la CPI sur des crimes commis en RDC n’a commencé qu’après que le gouvernement congolais eu formellement référé la situation dans le pays à la CPI le 19 avril 2004. Le Procureur de la CPI a décidé de focaliser son enquête sur la situation en Ituri en raison de la gravité des crimes  commis au cours du conflit de l’Ituri.

Enquête du procureur de la CPI et arrestation de Katanga et Ngudjolo

L’enquête du Procureur de la CPI sur la situation dans la province de l’Ituri dans l’est de la RDC a officiellement débuté en juin 2004. L’enquête a mis en lumière assez de preuves pour montrer qu’au cours du conflit de l’Ituri, les milices FPRI et FNI ont conjointement mené des opérations militaires ciblant des civils de l’ethnie Hema, et qu’au cours d’une attaque sur le village de Bogoro en février 2003, des membres du FPRI et du FNI ont commis des actes criminels, dont le meurtre de civils, le pillage, et l’esclavage sexuel des femmes et des filles, entre autres crimes. Le FNI et le FPRI auraient également utilisé des enfants de moins de quinze ans pour une participation active à cette attaque. De tels actes constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Un mandat d’arrêt contre le présumé commandant du FPRI, Germain Katanga a d’abord été lancé le 2 juillet 2007. Katanga avait entre temps été élevé au rang de Brigadier-General des Forces Armées Nationales de la République Démocratique du Congo (FARDC) en début 2004, mais en mars 2005, il  été arrêté pour un autre crime présumé. Étant donné que Katanga était déjà détenu par les autorités congolaises au moment la CPI  a lancé le mandat d’arrêt le concernant, il a été livré à la CPI et directement transféré à La Haye le 17 octobre 2007 ;  son mandat d’arrêt a été décacheté le lendemain.

Un mandat d’arrêt contre le présumé ancien commandant du FNI, Mathieu Ngudjolo Chui a été lancé le 6 juillet 2007. Ngudjolo et sa milice FNI avaient déjà été intégrés dans les FARDC nationales, et Ngudjolo suivait une formation militaire à Kinshasa comme colonel des FARDC au moment de son arrestation le 6 février 2008. Son mandat d’arrêt, décacheté le lendemain, contenait la même liste de chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité que le mandat d’arrêt de Katanga. Il a été livré à la CPI par les autorités congolaises et transféré à La Haye le 7 février 2008.

L’arrivée de Katanga et Ngudjolo à la CPI et la raison de la jonction de leurs procès

Germain Katanga a été transféré à La Haye le 17 octobre 2007, et il a comparu pour la première fois devant la Chambre préliminaire le 22 octobre 2007. Mathieu Ngudjolo Chui a été transféré le 7 février 2008 et a comparu devant la Chambre préliminaire le 11 février 2008.

Le 10 mars 2008, la Chambre a rendu publique la décision de jonction des affaires Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, decision largement basée sur leur présumée responsabilité partagée pour des crimes commis au cours d’une attaque conjointe contre le village de Bogoro. Toutes les preuves de ces crimes portaient sur les deux suspects. On a estimé que la jonction était de l’intérêt des victimes et des témoins, qu’elle garantissait la conduite du procès d’une manière équitable et efficace ainsi que la protection des droits des prévenus, y compris le droit à un procès sans retard excessif. Elle allait également garantir l’économie judicaire de la procédure. La Chambre a décidé que la jonction des affaires n’allait pas être préjudiciable aux prévenus ou contraire aux intérêts de la justice. Elle a aussi décidé que les affaires pourraient être séparées ultérieurement le cas échéant.

Une audience de confirmation des charges s’est tenue pour les deux accusés du 27 juin au 18 juillet 18, 2008. Cette audience a été renvoyée deux fois pour donner aux parties plus de temps pour se préparer. Au cours de cette audience, les juges ont entendu les arguments de l’accusation, de la défense, et des représentants légaux de 57 victimes. La Chambre a ensuite statué sur la confirmation des charges le 26 septembre 2008. Elle a approuvé sept chefs d’accusation de crimes de guerre (utilisation d’enfants de moins de quinze ans pour prendre une part active à des hostilités, attaques dirigée contre des civils, homicide volontaire, destruction de  propriété, pillage, esclavage sexuel, et viol) et trois chefs d’accusation de crimes contre l’humanité (meurtre, viol, et esclavage sexuel). Cependant elle a rejeté trois chefs d’accusation pour insuffisance de preuve : les chefs d’accusation de traitement inhumain et d’atteinte à l’intégrité corporelle (crimes de guerre), et les actes inhumains (crime contre l’humanité). La Chambre a ensuite décidé de mettre les prévenus en accusation. Le procès s’est ouvert le 24 novembre 2009, après un renvoi.

POURQUOI LES DEUX PROCÈS ONT ÉTÉ DISJOINTS AVANT LE JUGEMENT

Le 21 novembre 2012, la majorité de la Chambre d’instance II, avec comme seule opinion divergente celle du Juge Christine Van Den Wyngaert, a informé les parties qu’elle était en train d’examiner la requalification des faits dans l’affaire concernant le mode de responsabilité applicable à Germain Katanga. La majorité a reconnu que ces changes allaient prolonger le procès de Katanga et a décidé qu’il n’était pas nécessaire de retarder le jugement dans l’affaire Ngudjolo. La majorité a donc décidé de disjoindre les charges pour éviter la violation potentielle du droit de Ngudjolo à un procès sans retard indu.

SENTENCE DE L’AFFAIRE NGUDJOLO

Les 18 décembre 2012, la Chambre d’instance Ii a  acquitté Mathieu Ngudjolo de toutes les charges retenues contre lui. Les juges ont conclu qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes pour prouver au delà de tout doute raisonnable que Ngudjolo était le commandant du FNI à l’époque de l’attaque sur Bogoro. Ngudjolo était accusé d’avoir commis des crimes par « co-perpétration indirecte » en se servant du FNI pour perpétrer les crimes. Cependant, les juges ont conclu qu’il y avait un manque de preuves crédibles fournies par le procureur en vue de soutenir l’accusation, et que les témoignages des témoins clés de l’Accusation n’avaient pas assez de crédibilité pour prouver que Ngudjolo était le commandant des combattants.  En outre, Ngudjolo était directement accusé d’utilisation d’enfants-soldats en vue d’une participation à des hostilités, mais les juges n’ont pas trouvé suffisamment de preuves pour établir un lien entre ces crimes et lui.

Qui s’acquitte des frais de défense de Katanga et Ngudjolo?

La CPI supporte les frais de la défense de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, selon son système d’assistance judiciaire. Les prévenus ont été à titre provisoire considérés comme indigents par le Greffier de la Cour, en attendant vérification des informations contenues dans leurs demandes respectives.

Quelles réparations ont-elles été accordées ?

Le 24 mars 2017, la Chambre de première instance II a émis une ordonnance accordant des réparations individuelles et collectives aux victimes des crimes commis par M. Katanga. Les juges ont accordé à 297 victimes une compensation symbolique de 250 dollars US ainsi qu’une compensation collective sous la forme d’aides au logement, d’aides aux activités‑génératrices de revenus, d’aides à l’éducation et d’aide psychologique. La chambre a examiné l’indigence de M. Katanga et a invité le Fonds au profit des victimes à envisager d’utiliser ses ressources pour les réparations et à présenter un plan de mise en œuvre d’ici le 27 juin 2017. Le Fonds au profit des victimes a soumis sa version préliminaire du plan de mise en œuvre à la Chambre de première instance le 25 juillet 2017.

Katanga a fait appel pour diminuer le montant de sa responsabilité financière.

Contexte du conflit de la RDC

Le conflit de la région de l’Ituri au nord est de la RDC, le long de la frontière avec l’Ouganda, mettait aux prises les ethnies Hema et Lendu. Il y avait eu des tensions et des combats entre les deux groups depuis plusieurs années pour cause de problèmes fonciers. Cependant en 1996, cette compétition séculaire s’est emmêlée dans une série plus vaste et plus compliquée de conflits dont l’escalade  a conduit à une violence accrue.

A la suite du génocide de 1994 au Rwanda voisin, des combattants Hutu rwandais qui avaient pris part au massacre des Tutsi en 1994 se sont enfuis à l’est du Zaïre  (maintenant la RDC), et certains d’entre eux sont allés dans des camps de réfugiés. A partir de l’est du Zaire, ces combattants Hutu ont lancé des attaques contre le Rwanda avec l’appui du président du Zaire, Mobutu Sese Seko.

En 1996, des troupes du Rwanda et de l’Ouganda sont entrées à l’est du Zaire pour soutenir une insurrection dirigée par Laurent-Désiré Kabila. Ces troupes sont descendues sur le vaste pays, balayant tout sur leur passage, tuant non seulement des combattants Hutu, mais aussi 200 à 300.000 civils Hutu. En mai 1997, les forces rwandaises et ougandaises et le rebelles de Kabila ont battu les forces de Mobutu et leurs allies rebelles angolais, mettant ainsi fin à la dictature de Mobutu vieille de 32 ans. Laurent Kabila s’est proclamé président et a changé le nom du pays de Zaire à la République Démocratique du Congo.

Voulant prouver son indépendance, Kabila s’est retourné contre les rwandais qui l’avaient aidé à accéder au pouvoir en 1998. Le Rwanda a alors immédiatement tenté de renverser Kabila, mais les soldats angolais ont repoussé les troupes rwandaises dans la capitale, Kinshasa. Le Zimbabwe et la Namibie se sont joints à Kabila, alors que le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi étaient dans le camp opposé à Kabila. Les Tutsis congolais, appelés Banyamulenge, s’allièrent au Rwanda et à ses troupes. Quant à l’Ouganda, elle soutenait des milices différentes. Des milices congolaises anti-Tutsi appelées Mayi-Mayi ont reçu le soutien de Kabila.

Le conflit, qui était le plus intense à l’est de la RDC, a été connu sous le nom de Première Guerre Mondiale de l’Afrique. En plus des divisions ethniques, le conflit était compliqué par la richesse en ressources naturelles de la RDC. Les forces combattantes ont tenté de contrôler des terres et d’exploiter les richesses minérales et le bois. Le conflit autour du centre diamantifère de Kisangani a poussé les troupes allies rwandaises et ougandaises à se battre entre elles. Au cours du conflit, beaucoup de factions combattantes se sont subdivisées en groupes rivaux compliqués. Dans une situation où on avait à rendre compte à personne, beaucoup d’atrocités ont été commises contre des civils de tous bords, y compris un grand nombre de meurtres et des niveaux horribles de violence sexuelle. En 2004, près quatre million de personnes avaient trouvé la mort du fait du conflit, de maladie, de faim et directement dans les massacres.

En 2000, les Nations Unies ont entamé une mission de maintien de la paix en RDC. Cependant, les combats se sont poursuivis. Laurent Kabila a été assassiné en 2001, et son fils Joseph Kabila est devenu président. Les négociations de paix ont continué et en avril 2003, tous les pays voisins ont accepté de retirer leurs forces de la RDC. Des représentants de plusieurs factions de rebelles congolais sont entrés dans le gouvernement de Joseph Kabila. Après un accroissement du nombre des troupes internationales de maintien de la paix en RDC, des élections parlementaires et présidentielles ont été organisées en 2006. Joseph Kabila l’a emporté sur Jean-Pierre Bemba au deuxième tour et a été officiellement élu président. Les partisans de Bemba se sont heurtés aux troupes gouvernementales à Kinshasa, ensuite les troupes de maintien de la paix ont mis fin aux violences.

Tout au long de cet interminable conflit, les vieilles tensions entre Lendu et Hema sont devenues beaucoup plus mortelles. Alors que les Lendu se sont mis à s’identifier aux Hutu, et les Hema aux Tutsi, la guerre généralisée a été liée au conflit régional Lendu-Hema dans l’est et a contribué à son aggravation.

Au début de la guerre de RDC, l’Ouganda avait soutenu une milice congolaise contenant aussi bien des Hema que des Lendu. Cependant, cette milice s’est fracturée le long de lignes ethniques et les Lendu ont commencé à considérer l’Ouganda comme étant du côté des Hema. A la fin, six différentes milices se battaient pour le contrôle de la province de l’Ituri, et l’Ouganda y est resté profondément engagée. L’Ituri est riche en minéraux, en particulier l’or, et les milices se sont battues en compagnie de l’armée ougandaise pour le contrôle des mines. Le conflit a enrichi les chefs militaires et leur a donné une raison de continuer la guerre. Ils ont joint leurs forces à des gens pleins de haine raciale pour poursuivre la guerre à leur avantage. Il y a eu d’horribles massacres de civils en 2002.

Les troupes françaises de maintien de la paix sont intervenues en 2003 et les troupes de maintien de la paix de l’ONU ont été augmentées en Ituri au début de 2004. La mission de l’ONU a arrêté plusieurs chefs de milice en mars 2005, y compris Thomas Lubanga, chef de la milice Hema UPC, qui a été transféré à la CPI en mars 2006. La CPI a depuis lors lancé un mandat d’arrêt contre un autre chef militaire Hema, Bosco Ntaganda, qui reste toujours en fuite. Elle a également inculpé deux chefs de milice Lendu, Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui. Plus récemment, l’Hutu rwandais chef de la milice FDLR Callixte Mbarushimana a été arrêté en France et extradé vers la Cour en janvier 2011.

On estime que le conflit de l’Ituri a causé la mort d’au moins 50.000 personnes et le déplacement de centaines de milliers de civils. Il reste encore une certaine violence de basse intensité en Ituri jusqu’à ce jour, en partie due aux activités de groupes armés étrangers dans la province. Des tensions persistent encore entre Hema et Lendu, malgré des efforts en vue de la promotion de la paix et de la réconciliation entre les groupes.


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