Germain Katanga & Mathieu Ngudjolo Chui in court
qui sommes Germain Katanga &
Mathieu Ngudjolo Chui?

Par Jennifer Easterday

Dans le cadre des préparatifs pour le début de la phase défense du procès Katanga et Ngudjolo, les juges ont tenu des conférences de mise en l’état les 9 et 10 mars 2011. Lors de ces conférences de mise en l’état, il s’est surtout agi d’une demande faite par l’Accusation à la défense et concernant des informations supplémentaires sur les témoins que les équipes ont l’intention de faire comparaître. Un autre problème majeur touchait à la durée de la phase défense du procès. Enfin, les juges ont demandé aux parties de s’entendre sur des faits acceptés par tout le monde.

Après avoir discuté de ces questions, la Chambre de première instance a ajourné la séance jusqu’au 23 mars 2011, jour où l’équipe de défense de Katanga doit appeler son premier témoin. Après la défense de Katanga, l’équipe de Ngudjolo appellera ses témoins.

Divulgation de la Défense

Avant de commencer leur plaidoyer, les équipes de la défense étaient tenues de soumettre une liste des témoins qu’ils prévoyaient d’appeler à la barre. Les équipes doivent également indiquer l’ordre dans lequel elles appellent les témoins, et fournir un résumé des faits dont les témoins vont parler ainsi que les preuves documentaires que les équipes envisagent de produire. Cette information aide l’Accusation, les représentants légaux des victimes, et les juges à préparer pour la phase défense du procès.

Cependant, l’accusation a fait valoir que les renseignements fournis par les équipes de défense étaient inadéquats. L’accusation a affirmé que le résumé de ce dont les témoins vont discuter n’était pas suffisamment détaillé pour permettre à l’Accusation de préparer adéquatement son contre-interrogatoire. Les représentants légaux des victimes ont également demandé des détails complémentaires aux équipes de la défense.

En particulier, l’Accusation et les représentants légaux des victimes ont demandé des informations supplémentaires sur les antécédents personnels des témoins, comme le jour anniversaire, l’origine ethnique, ou la profession.

La Chambre a également noté qu’il y avait certaines lacunes dans les résumés et a demandé plus de détails sur un certain nombre de témoins.

Le conseil principal pour Katanga, David Hooper, a noté que dans le procès de Lubanga, les équipes de défense n’étaient pas tenues de divulguer des informations aux représentants légaux des victimes. Selon Hooper, ce serait aller « trop loin » si les représentants des victimes devaient enquêter sur les témoins de la défense. Toutefois, Hooper n’a pas fait d’objection à la fourniture de précisions complémentaires sur le contexte.

L’avocat de Mathieu Ngudjolo, Jean-Pierre Kilenda Kakengi Basila, a fait valoir que son équipe s’était pleinement et de bonne foi conformée à l’arrêt concernant la divulgation. « Nous avons absolument rien caché … notre équipe de défense n’a rien à cacher », a-t-il soutenu. Kilenda a contesté les conclusions de l’Accusation au terme desquelles les résumés de la défense de Ngudjolo étaient faibles et trop courts.

« Quand nous lisons, par exemple, que le témoin 14 est le père biologique d’un autre témoin, et va témoigner sur la situation de cette autre personne pendant la durée des infractions alléguées … qu’est-ce que l’Accusation ne comprend pas ici? Qu’est-ce qu’ils ont du mal à comprendre? » a demandé Kilenda.

Toutefois, Kilenda n’avait aucune objection à la fournitures d’informations supplémentaires sur les quatre témoins qui selon la Chambre avaient besoin de détails supplémentaires.

La Chambre a accédé à la demande de l’Accusation et ordonné à la défense de divulguer des preuves supplémentaires d’ici le lundi 14 mars (ordre auquel la défense a depuis lors obéi).

Longueur du plaidoyer de la défense

Dans leurs observations à la Chambre de première instance, les équipes de la défense ont indiqué combien de temps vont durer leur plaidoyer, selon eux. L’équipe de la défense de Katanga a estimé qu’il faudrait 122 heures pour examiner 23 témoins et l’équipe de Ngudjolo 200 heures pour 18 témoins.

Il est normal que la partie adverse, dans ce cas l’Accusation, dispose du même temps pour les contre-interrogatoires.

Cela signifie que la phase de défense de l’affaire pourrait prendre 644 heures ou un an et quatre mois de temps d’audience, sans compter le temps réservé aux représentants légaux des victimes et celui réservé aux juges pour poser des questions aux témoins, ou celui réservé aux témoins que la Chambre de première instance souhaitera peut-être appeler avant la fin du procès.

Notant que, bien que la Chambre de première instance veuille permettre aux équipes de la défense de faire pleinement usage de leurs droits en présentant un plaidoyer, la Chambre a rappelé aux parties qu’elle conserve le pouvoir discrétionnaire de limiter le nombre de témoins pour éviter les retards et assurer l’utilisation efficace du temps du procès.

“[L] a Chambre est soumise à une quadruple obligation. Nous devons veiller au respect des droits de la défense … Il nous faut éviter les retards et garantir une utilisation optimale du temps. La Chambre doit veiller à ce que la procédure, qui est publique, [soit] lisible, cohérente et compréhensible. La Chambre doit veiller à ce que le procès soit équitable », a noté le juge président.

Le juge président a également rappelé que, s’appuyant sur la jurisprudence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, la Chambre avait exigé que l’Accusation réduise la longueur de son plaidoyer des 300 heures proposées à 120 heures. L’Accusation a déféré à cette décision, et la Chambre a fait des demandes similaires aux équipes de défense.

En particulier, la Cour a suggéré que la défense réduise le nombre d’heures consacrées à l’interrogatoire direct des témoins et le nombre et l’ordre de comparution des témoins de la défense. Le conseil principal de Katanga a suggéré que la réduction du nombre d’heures de témoignages ne devrait pas constituer un problème. La défense du Katanga a réduit le nombre d’heures consacrées à l’interrogatoire des témoins à 90. L’équipe de Ngudjolo a réduit de moitié le nombre d’heures proposées, à 100 heures pour l’interrogatoire principal.

Cela signifie que l’affaire pourrait encore prendre 380 heures pour les témoins de la défense, soit environ 10 mois, sans compter le temps nécessaire pour poser des questions aux représentants légaux, les juges ou les témoins appelés par les juges. Le procès pourrait donc durer jusqu’au début de 2012.

Ordre des témoins de la défense

Les témoins des deux équipes de défense se répartissent généralement en trois catégories générales : les témoins qui vont remettre en cause la crédibilité des témoins à charge (c’est la catégorie la plus importante), les témoins qui occupent des postes de responsabilité, et quatre témoins actuellement détenus en RDC (regroupés en raison de difficultés logistiques pour l’obtention de leur transfert vers les Pays-Bas). La défense de Ngudjolo appellera également un témoin expert et la défense de Katanga appellera un témoin qui est un enquêteur de la défense. Enfin, Ngudjolo va témoigner, et il est possible que Katanga témoigne.

La Chambre de première instance a fait une proposition de calendrier pour la comparution des témoins de la défense, calendrier selon lequel l’enquêteur de Katanga allait témoigner en premier, suivi par les quatre témoins qui sont actuellement en détention en RDC. Les témoins crédibilité de Katanga et Ngudjolo allaient témoigner à la même période (normalement, une équipe de défense pourrait appeler l’ensemble de ses témoins, puis l’autre accusé pourrait appeler ses témoins), avec les témoins crédibilité de Katanga comparaissant en premier. Cela serait suivi par des témoins responsabilité de Katanga, et puis des témoins responsabilité de Ngudjolo. Puis l’expert de Ngudjolo allait témoigner, suivi du témoignage possible de Katanga et enfin Ngudjolo.

Les équipes de la défense se sont vivement opposées à ce projet de calendrier.

Hooper a contesté l’idée que les témoins des deux équipes soient mélangés à certains stades. « Je représente Germain Katanga … Il se trouve qu’il y a un autre procès, celui de Mathieu Ngudjolo, qui se déroule en même temps. Ce n’était pas ni notre requête ni notre souhait. On a procédé de cette façon pour des raisons de commodité », a déclaré Hooper.

« Je ne connais pas d’autre procès dans l’une des diverses institutions ad hoc et, bien sûr, il ya peu de précédents, où on a cherché à mélanger les témoins de cette façon », a dit Hooper.

En outre, a soutenu Hooper, la défense a le droit d’organiser sa propre argumentation et fait face à des difficultés logistiques dans la planification de la comparution de ses témoins. L’équipe de la défense a suggéré qu’il serait difficile de se conformer à la demande des juges et cela pourrait entraîner des retards dans la présentation de ses arguments.

Cependant en fin de compte, après avoir effectué un examen détaillé du calendrier proposé par les juges, la défense de Katanga a affirmé, « nous avons réussi à accepter que [la proposition des juges] soit une solution viable. »

L’équipe de défense de Ngudjolo est aussi en désaccord avec l’ordre proposé par les juges de faire comparaître des témoins, pour les mêmes raisons que la défense de Katanga. L’équipe Ngudjolo n’a pas admis que le calendrier pourrait être une solution viable.

Dans une décision après les conférences de mise en l’état, les juges ont abandonné leur proposition d’ordre des témoins, ce qui permet aux équipes de défense de présenter leurs arguments l’un après l’autre (Katanga va appeler tous ses témoins et Ngudjolo tous les siens). Les juges ont bien demandé que les deux équipes de défense présentent une nouvelle liste de l’ordre des témoins d’ici mars 2011, en demandant notamment aux parties de regrouper ensemble des témoins crédibilité et des témoins responsabilité, dans un souci de cohérence.

Est-ce que Katanga va témoigner?

La Chambre de première instance a demandé à l’équipe de défense de Katanga de dire si Katanga va témoigner.

Hooper a fait objection à cette question. Il a fait valoir que la décision de témoigner peut être prise à tout moment pendant le procès. Il a rappelé aux juges que le Katanga n’a pas l’obligation de témoigner, mais devrait réserver son droit de témoigner jusqu’au moment où il aura entendu la déposition de ses propres témoins et seulement sur les conseils de son avocat.

L’équipe de défense de Katanga n’a pas non plus été en mesure d’indiquer si Katanga allait témoigner pour sa propre défense. La défense a insisté pour que Katanga puisse entendre la déposition de ses témoins avant de décider s’il allait témoigner ou pas.

Les faits acceptés

Les juges ont également demandé aux parties de s’entendre sur les faits au sujet desquels il n’y a plus de « désaccord réel. »

Le juge président a invité les parties à conclure un tel accord afin que la Chambre puisse limiter les questions qu’elle doit trancher.

« Étant donné qu’un certain nombre de faits ne semblent pas faire l’objet de contestation », un tel accord « nous donnera la possibilité de nous concentrer sur la question clé de la responsabilité pénale des deux accusés », a expliqué le juge président Cotte.

Les parties ont été invitées à soumettre des faits sur lesquels un accord a été trouvé d’ici le 30 mars 2011.

Après avoir entendu les observations des parties sur ces questions, les juges ont ajourné le procès, qui doit reprendre le 23 mars 2011. Dans une ordonnance de la Cour déposée le 15 mars 2011, les cinq premiers témoins seront le 134, le 136, le 236 / 11 (un témoin commun aux deux équipes de défense), le 228 et le 350.


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