Hier, au procès de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui à la Cour pénale internationale (CPI), la Chambre préliminaire II a ordonné au Greffe de mettre en place certaines mesures de protection pour les trois témoins de la défense à leur retour en République démocratique du Congo (RDC). Les témoins, qui ont été détenus en RDC pour leur rôle présumé dans l’assassinat de Casques bleus de l’ONU, ont déclaré que le gouvernement congolais, y compris le président Joseph Kabila, est responsable de l’attaque de février 2003 sur Bogoro. Les trois témoins ont fait valoir qu’ils feront face à des risques de sécurité s’ils sont renvoyés en prison en RDC et ont déposé une demande d’asile aux Pays-Bas.
On trouvera la discussion de cette question et son contexte dans les messages précédents, y compris le commentaire du 6 juin 2011.
Suite à une conférence de mise en état tenue le 12 mai 2011 sur la question de l’asile, la Chambre a demandé à l’Unité des victimes et témoins (VWU) si son évaluation des risques des témoins avait changé à la lumière des arguments soulevés lors de la conférence. Le 17 mai, le Greffe a soumis une nouvelle évaluation des risques à la Chambre. Il s’en est tenu à son évaluation précédente de la situation. Suite à des observations de l’équipe de défense de Katanga et de l’avocat des témoins détenus, la Chambre a ordonné au Greffe de prendre contact avec les autorités de RDC pour discuter des mesures de protection qui pourraient être mises en œuvre pour ces témoins. L’évaluation des risques et les réponses à cette évaluation sont discutées plus en détail ici.
Le 7 juin, le Greffe a présenté un rapport sur les résultats de ses consultations avec la RDC, qui est examiné plus en détail ci-dessous. Peu après, le 9 juin, la Chambre a rendu une décision sur la demande d’accès à la procédure d’asile néerlandaise des témoins détenus. Cette décision est discutée ici. La Chambre a conclu que l’évaluation qu’elle est tenue d’effectuer pour protéger les témoins est distincte de celle effectuée par un État dans l’évaluation du risque de persécution au sens de la demande d’asile afin de respecter le principe de non-refoulement.
Il faut également rappeler que selon les représentants du gouvernement néerlandais lors de la conférence de mise en état, la position officielle des autorités néerlandaises d’immigration était que les décisions de la CPI sur la protection et la sécurité des témoins allaient influencer la décision des autorités d’immigration. Les autorités néerlandaises ont déclaré que la demande d’asile ne pouvait être tranchée qu’après la présentation des conclusions de la CPI sur la sécurité des témoins. Selon les avocats représentant les témoins pour leur demande d’asile, cette position est contraire à la loi sur l’asile et la pratique néerlandaises.
Dans la dernière décision, la Chambre de première instance a décidé qu’un certain nombre de mesures de sécurité proposées par le Greffe de la CPI et approuvées par les autorités de RDC constitueraient des mesures de protection suffisantes pour les témoins si on les retourne. Cependant, la Chambre de première instance fait remarquer que les témoins ne seraient retournés à la RDC que si leur demande d’asile aux Pays-Bas est refusée. Le sort de ces témoins est donc entre les mains des autorités néerlandaises d’immigration, qui peuvent s’appuyer sur cette décision lorsqu’elles vont statuer sur la demande d’asile.
La décision de la Chambre est résumée ci-dessous.
Risques courus par les témoins, selon eux
La Chambre a souligné les risques que les témoins affirment qu’ils vont courir s’ils sont retournés à la RDC. Décision de la Chambre :
Le risque allégué par les témoins détenus n’est pas défini avec une grande précision. Ils identifient plusieurs scénarios possibles dans lesquels les autorités de la RDC pourraient leur porter préjudice directement ou indirectement. En résumé, ils prétendent craindre :
(a) que des militants pro-gouvernementaux zélés, échappant apparemment au contrôle des autorités de la RDC, pourraient leur faire du mal ;
(b) qu’ils pourraient être sommairement exécutés ou disparaître, probablement des suites d’une simulation de tentative d’évasion, d’un empoisonnement, d’un crime crapuleux ou de la vengeance par des victimes présumées ou des militants fidèles aux autorités;
(c) qu’ils peuvent faire l’objet d’un simulacre de procès et être condamnés à la peine de mort.
Toutes ces prétendues menaces potentielles sont présumées émaner, directement ou indirectement, des autorités de la RDC.
Mais il serait impossible de décider si un dommage infligé aux témoins était lié à leur témoignage ou a été provoqué par les autorités de la RDC, a déclaré la Chambre.
« Si les témoins doivent être retournés à la RDC, ils doivent donc être protégés contre toute source de danger potentiel pouvant être en rapport avec leur témoignage devant la Cour, » a ajouté la Chambre.
Mesures de protection proposées par le Greffe
La décision a donné le détail des propositions faites par le Greffe en matière de mesures de protection qu’il pourrait mettre en place si les témoins devaient être retournés à la RDC. La Chambre a également noté que les témoins ont jugé ces propositions insuffisantes.
Le 7 juin 2011, le Greffe a soumis un rapport à la Chambre sur le résultat des consultations qu’il a eu avec les autorités de la RDC, y compris le point focal de la RDC pour les questions de coopération et le Directeur du Centre pénitentiaire et de Réhabilitation de Kinshasa (CPRK Makala). Le Greffe a fait plusieurs propositions concernant des mesures de protection pour les trois témoins:
- Logement de tous les trois témoins dans l’« aile 11 » du CPRK Makala
- La possibilité pour la Cour de rendre régulièrement visite aux témoins détenus à la prison pour s’assurer des conditions de leur détention ;
- La possibilité de renforcer les portes des cellules des témoins détenus aux frais de la Cour, notamment en ajoutant des serrures supplémentaires ;
- Recrutement de gardes supplémentaires pour l’« aile 11 » et leur formation en matière de normes de conditions de détention, aux frais de la Cour ;
- L’ajout de 1 à 2 caméras pour surveiller les espaces publics de l’aile 11, aux frais de la Cour ;
- Améliorer l’assainissement de l’« Aile 11 » (le Greffe a noté que ceci n’a pas grand-chose à voir avec une mesure de protection.)
Les autorités congolaises ont également soulevé la possibilité de transférer les trois témoins détenus au quartier des officiers d’un autre centre de détention récemment rénové.
Le Greffe a fait valoir que bien qu’il existe des risques inhérents à la détention dans un environnement carcéral, ces risques n’étaient pas accrus pour les témoins parce qu’ils avaient fait un témoignage devant la CPI. Le Greffe a considéré que « le niveau objectif de risque n’est pas modifié par le témoignage. »
En particulier, le Greffe a également noté que la publicité et l’attention internationale qui entourent ces procédures récentes contribuera à assurer leur sécurité, surtout compte tenu du « nouvel engagement des autorités congolaises à l’égard de la sécurité des témoins détenus. »
Les témoins soutiennent que les mesures de sécurité proposées sont insuffisantes
Cependant, les témoins détenus ne considèrent pas ces mesures de protection comme adéquates. Dans des observations soumises à la Chambre de première instance, ils ont soutenu que des assurances verbales données par les autorités congolaises doivent être considérés avec soin. En particulier, ils ont soutenu que « l’intention réelle » des autorités de la RDC rend les mesures proposées « invraisemblables ».
Les mesures ne vont pas les protéger contre la menace de préjudice de la part des « plus hautes autorités de la RDC », ont-ils affirmé. Ils ont fait remarquer que « l’Aile 11 » est sous l’autorité immédiate du conseiller en sécurité auprès du président de la RDC et est gardée par des soldats de l’agence de renseignement militaire (ex-DEMIAP, Détection Militaire des Activités Anti-Patrie).
Ils ont en outre fait remarquer que rien n’oblige les autorités congolaises à permettre les visites proposées par le Greffe pour s’assurer des conditions de leur détention. Leur statut de civils empêcherait leur transfert vers les autres prisons suggéré par la RDC, ont affirmé les témoins.
La RDC promet de ne pas faire de mal aux témoins
La RDC a toutefois affirmé à la Chambre de première instance que les autorités de la RDC n’ont pas l’intention d’exercer des représailles contre les témoins.
Ils ont affirmé qu’ils « ignoraient totalement le contenu des déclarations faites par les quatre témoins » parce que la Cour avait adopté des « mesures garantissant la plus stricte confidentialité. » Toutefois, la Chambre a fait remarquer que contrairement aux affirmations de la RDC selon lesquelles elle a adopté des mesures strictes de sécurité lors de la déposition des témoins, les trois témoins ont tous fait leur déposition en public. « Les autorités de la RDC sont donc parfaitement capables de connaître le contenu exact des témoignages des trois témoins. »
La RDC a assuré la Chambre que le transfert à une nouvelle prison (Ndolo) serait possible (apparemment indépendamment du statut de civil des témoins). Elle a également affirmé qu’elle acceptait les mesures de protection proposées par le Greffe et affirmé qu’elle était prête à conclure un protocole avec la Cour au sujet des mécanismes de suivi.
La Chambre a la stricte obligation de protéger les témoins
La Chambre a rappelé qu’elle avait une obligation stricte de protéger la sécurité des témoins qui comparaissent devant elle. En tant qu’organe judiciaire, par conséquent, il était nécessaire de peser les droits et les intérêts concurrents des témoins et les intérêts de la RDC découlant de l’accord de coopération entre la RDC et la CPI.
La Chambre a regretté que les autorités de la RDC aient interprété ses efforts pour trouver une solution adéquate et équilibrée comme une violation de son mandat, mais a apprécié les efforts déployés par la RDC pour trouver une solution à une « situation nouvelle et imprévisible impliquant des prescriptions légales apparemment contradictoires. »
Le Ministre congolais de la justice et des droits de l’homme, Son Excellence Luzolo Bambi Lessa s’est engagé personnellement, au nom des « plus hautes autorités de l’État congolais, qu’aucun mal ne touchera les trois témoins, s’ils sont renvoyés à la RDC. » La Chambre a fait remarquer qu’en dépit de ces assurances diplomatiques, il lui fallait encore mener une enquête indépendante d’analyse des risques. Toutefois, la Chambre a considéré que les assurances du Ministre Luzolo Bambi « doivent incontestablement être traitées avec le plus grand respect et être présumées avoir été faites de bonne foi. »
La Chambre a considéré que les assurances formelles données par les autorités de RDC ont un poids significatif, car elles engagent la RDC, non seulement auprès de la Cour, mais aussi devant l’Assemblée des États Parties.
La Chambre a également noté que la RDC a affirmé que le séjour en cours des témoins sous la garde de la CPI fait obstacle à des poursuites judiciaires contre eux en RDC. La Chambre a donc invité les autorités congolaises à communiquer avec le Greffe de la CPI afin de faciliter la participation des témoins à leur procès en RDC sans violer leurs droits à une procédure régulière. La Chambre a déclaré qu’elle allait faciliter la communication des témoins avec leurs avocats congolais, si nécessaire.
Mesures de protection ordonnées par la Chambre
Indépendamment de ces assurances et du poids qu’elles portent, il est nécessaire de protéger les témoins contre les dommages potentiels qu’ils pourraient rencontrer, car ils ont témoigné devant la CPI, a déclaré la Chambre. Par conséquent, elle a ordonné au Greffe de s’assurer que les mesures de protection suivantes ont été mises en place jusqu’à la fin du procès des témoins en RDC:
- Les témoins doivent être détenus dans un centre de détention qui, en termes d’infrastructures et de population, est propice à offrir une protection maximale. La VWU est chargé de consulter les autorités de la RDC afin de déterminer si c’est le CPRK à Kinshasa, la prison de Ndolo, ou tout autre centre de détention où les témoins peuvent être légalement détenus.
- Si les témoins sont transportés ou transférés à un autre endroit, la VWU doit être informée à l’avance.
- Les témoins détenus doivent être mis dans des conditions qui les protègent de toute agression éventuelle par des codétenus. Toutefois, cela ne devrait pas conduire à leur isolement permanent.
- Il y aura une surveillance permanente de la sécurité des témoins détenus par des gardiens spécifiquement sélectionnés et formés à cet effet en étroite concertation entre les autorités pénitentiaires congolaises et la VWU. Ces gardes doivent être joignables à tout moment par la VWU.
- Un membre de la VWU doit être en mesure de rendre visite à chaque témoin détenu deux fois par semaine et doit être autorisé à parler avec eux de façon confidentielle.
- Lorsque les témoins détenus doivent être jugés, un observateur de la Cour doit être autorisé à assister à la procédure. Le Greffe doit donc être informé à l’avance de la date et du lieu de toute procédure judiciaire impliquant l’un des témoins détenus.
Une fois le procès de l’un des témoins détenus terminé, la VWU devra évaluer sa situation sécuritaire et décider à nouveau des mesures de protection appropriées, le cas échéant.
Si la RDC accède à cette demande de coopération et si ces mesures de protection deviennent opérationnelles, a ajouté la Chambre, elle aurait rempli son obligation de protéger les témoins contre les dommages potentiels résultant de leur témoignage. Par conséquent, la Chambre a jugé qu’en principe, les témoins pouvaient être retournés à la RDC dès que la VWU aura confirmé que les mesures sont en place. Toutefois, la Chambre a rappelé sa décision précédente selon laquelle les témoins ne pouvaient être retournés que si leur demande d’asile aux Pays-Bas est rejetée par les autorités néerlandaises.
Le sort des témoins est donc entre les mains des autorités d’immigration néerlandaises. Si la demande d’asile est rejetée, les témoins seront retournés. Si elle est acceptée, et qu’ils se voient accorder l’asile aux Pays-Bas, on ne sait pas ce qui va arriver aux témoins. Ils pourraient être jugés aux Pays-Bas pour les crimes qu’ils sont accusés d’avoir commis en RDC.
La Chambre de première instance ordonne la mise en place de mesures de protection et décide que les témoins pourraient être retournés à la RDC en cas de rejet de leur demande d’asile
Hier, au procès de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui à la Cour pénale internationale (CPI), la Chambre préliminaire II a ordonné au Greffe de mettre en place certaines mesures de protection pour les trois témoins de la défense à leur retour en République démocratique du Congo (RDC). Les témoins, qui ont été détenus en RDC pour leur rôle présumé dans l’assassinat de Casques bleus de l’ONU, ont déclaré que le gouvernement congolais, y compris le président Joseph Kabila, est responsable de l’attaque de février 2003 sur Bogoro. Les trois témoins ont fait valoir qu’ils feront face à des risques de sécurité s’ils sont renvoyés en prison en RDC et ont déposé une demande d’asile aux Pays-Bas.
On trouvera la discussion de cette question et son contexte dans les messages précédents, y compris le commentaire du 6 juin 2011.
Suite à une conférence de mise en état tenue le 12 mai 2011 sur la question de l’asile, la Chambre a demandé à l’Unité des victimes et témoins (VWU) si son évaluation des risques des témoins avait changé à la lumière des arguments soulevés lors de la conférence. Le 17 mai, le Greffe a soumis une nouvelle évaluation des risques à la Chambre. Il s’en est tenu à son évaluation précédente de la situation. Suite à des observations de l’équipe de défense de Katanga et de l’avocat des témoins détenus, la Chambre a ordonné au Greffe de prendre contact avec les autorités de RDC pour discuter des mesures de protection qui pourraient être mises en œuvre pour ces témoins. L’évaluation des risques et les réponses à cette évaluation sont discutées plus en détail ici.
Le 7 juin, le Greffe a présenté un rapport sur les résultats de ses consultations avec la RDC, qui est examiné plus en détail ci-dessous. Peu après, le 9 juin, la Chambre a rendu une décision sur la demande d’accès à la procédure d’asile néerlandaise des témoins détenus. Cette décision est discutée ici. La Chambre a conclu que l’évaluation qu’elle est tenue d’effectuer pour protéger les témoins est distincte de celle effectuée par un État dans l’évaluation du risque de persécution au sens de la demande d’asile afin de respecter le principe de non-refoulement.
Il faut également rappeler que selon les représentants du gouvernement néerlandais lors de la conférence de mise en état, la position officielle des autorités néerlandaises d’immigration était que les décisions de la CPI sur la protection et la sécurité des témoins allaient influencer la décision des autorités d’immigration. Les autorités néerlandaises ont déclaré que la demande d’asile ne pouvait être tranchée qu’après la présentation des conclusions de la CPI sur la sécurité des témoins. Selon les avocats représentant les témoins pour leur demande d’asile, cette position est contraire à la loi sur l’asile et la pratique néerlandaises.
Dans la dernière décision, la Chambre de première instance a décidé qu’un certain nombre de mesures de sécurité proposées par le Greffe de la CPI et approuvées par les autorités de RDC constitueraient des mesures de protection suffisantes pour les témoins si on les retourne. Cependant, la Chambre de première instance fait remarquer que les témoins ne seraient retournés à la RDC que si leur demande d’asile aux Pays-Bas est refusée. Le sort de ces témoins est donc entre les mains des autorités néerlandaises d’immigration, qui peuvent s’appuyer sur cette décision lorsqu’elles vont statuer sur la demande d’asile.
La décision de la Chambre est résumée ci-dessous.
Risques courus par les témoins, selon eux
La Chambre a souligné les risques que les témoins affirment qu’ils vont courir s’ils sont retournés à la RDC. Décision de la Chambre :
Le risque allégué par les témoins détenus n’est pas défini avec une grande précision. Ils identifient plusieurs scénarios possibles dans lesquels les autorités de la RDC pourraient leur porter préjudice directement ou indirectement. En résumé, ils prétendent craindre :
(a) que des militants pro-gouvernementaux zélés, échappant apparemment au contrôle des autorités de la RDC, pourraient leur faire du mal ;
(b) qu’ils pourraient être sommairement exécutés ou disparaître, probablement des suites d’une simulation de tentative d’évasion, d’un empoisonnement, d’un crime crapuleux ou de la vengeance par des victimes présumées ou des militants fidèles aux autorités;
(c) qu’ils peuvent faire l’objet d’un simulacre de procès et être condamnés à la peine de mort.
Toutes ces prétendues menaces potentielles sont présumées émaner, directement ou indirectement, des autorités de la RDC.
Mais il serait impossible de décider si un dommage infligé aux témoins était lié à leur témoignage ou a été provoqué par les autorités de la RDC, a déclaré la Chambre.
« Si les témoins doivent être retournés à la RDC, ils doivent donc être protégés contre toute source de danger potentiel pouvant être en rapport avec leur témoignage devant la Cour, » a ajouté la Chambre.
Mesures de protection proposées par le Greffe
La décision a donné le détail des propositions faites par le Greffe en matière de mesures de protection qu’il pourrait mettre en place si les témoins devaient être retournés à la RDC. La Chambre a également noté que les témoins ont jugé ces propositions insuffisantes.
Le 7 juin 2011, le Greffe a soumis un rapport à la Chambre sur le résultat des consultations qu’il a eu avec les autorités de la RDC, y compris le point focal de la RDC pour les questions de coopération et le Directeur du Centre pénitentiaire et de Réhabilitation de Kinshasa (CPRK Makala). Le Greffe a fait plusieurs propositions concernant des mesures de protection pour les trois témoins:
Les autorités congolaises ont également soulevé la possibilité de transférer les trois témoins détenus au quartier des officiers d’un autre centre de détention récemment rénové.
Le Greffe a fait valoir que bien qu’il existe des risques inhérents à la détention dans un environnement carcéral, ces risques n’étaient pas accrus pour les témoins parce qu’ils avaient fait un témoignage devant la CPI. Le Greffe a considéré que « le niveau objectif de risque n’est pas modifié par le témoignage. »
En particulier, le Greffe a également noté que la publicité et l’attention internationale qui entourent ces procédures récentes contribuera à assurer leur sécurité, surtout compte tenu du « nouvel engagement des autorités congolaises à l’égard de la sécurité des témoins détenus. »
Les témoins soutiennent que les mesures de sécurité proposées sont insuffisantes
Cependant, les témoins détenus ne considèrent pas ces mesures de protection comme adéquates. Dans des observations soumises à la Chambre de première instance, ils ont soutenu que des assurances verbales données par les autorités congolaises doivent être considérés avec soin. En particulier, ils ont soutenu que « l’intention réelle » des autorités de la RDC rend les mesures proposées « invraisemblables ».
Les mesures ne vont pas les protéger contre la menace de préjudice de la part des « plus hautes autorités de la RDC », ont-ils affirmé. Ils ont fait remarquer que « l’Aile 11 » est sous l’autorité immédiate du conseiller en sécurité auprès du président de la RDC et est gardée par des soldats de l’agence de renseignement militaire (ex-DEMIAP, Détection Militaire des Activités Anti-Patrie).
Ils ont en outre fait remarquer que rien n’oblige les autorités congolaises à permettre les visites proposées par le Greffe pour s’assurer des conditions de leur détention. Leur statut de civils empêcherait leur transfert vers les autres prisons suggéré par la RDC, ont affirmé les témoins.
La RDC promet de ne pas faire de mal aux témoins
La RDC a toutefois affirmé à la Chambre de première instance que les autorités de la RDC n’ont pas l’intention d’exercer des représailles contre les témoins.
Ils ont affirmé qu’ils « ignoraient totalement le contenu des déclarations faites par les quatre témoins » parce que la Cour avait adopté des « mesures garantissant la plus stricte confidentialité. » Toutefois, la Chambre a fait remarquer que contrairement aux affirmations de la RDC selon lesquelles elle a adopté des mesures strictes de sécurité lors de la déposition des témoins, les trois témoins ont tous fait leur déposition en public. « Les autorités de la RDC sont donc parfaitement capables de connaître le contenu exact des témoignages des trois témoins. »
La RDC a assuré la Chambre que le transfert à une nouvelle prison (Ndolo) serait possible (apparemment indépendamment du statut de civil des témoins). Elle a également affirmé qu’elle acceptait les mesures de protection proposées par le Greffe et affirmé qu’elle était prête à conclure un protocole avec la Cour au sujet des mécanismes de suivi.
La Chambre a la stricte obligation de protéger les témoins
La Chambre a rappelé qu’elle avait une obligation stricte de protéger la sécurité des témoins qui comparaissent devant elle. En tant qu’organe judiciaire, par conséquent, il était nécessaire de peser les droits et les intérêts concurrents des témoins et les intérêts de la RDC découlant de l’accord de coopération entre la RDC et la CPI.
La Chambre a regretté que les autorités de la RDC aient interprété ses efforts pour trouver une solution adéquate et équilibrée comme une violation de son mandat, mais a apprécié les efforts déployés par la RDC pour trouver une solution à une « situation nouvelle et imprévisible impliquant des prescriptions légales apparemment contradictoires. »
Le Ministre congolais de la justice et des droits de l’homme, Son Excellence Luzolo Bambi Lessa s’est engagé personnellement, au nom des « plus hautes autorités de l’État congolais, qu’aucun mal ne touchera les trois témoins, s’ils sont renvoyés à la RDC. » La Chambre a fait remarquer qu’en dépit de ces assurances diplomatiques, il lui fallait encore mener une enquête indépendante d’analyse des risques. Toutefois, la Chambre a considéré que les assurances du Ministre Luzolo Bambi « doivent incontestablement être traitées avec le plus grand respect et être présumées avoir été faites de bonne foi. »
La Chambre a considéré que les assurances formelles données par les autorités de RDC ont un poids significatif, car elles engagent la RDC, non seulement auprès de la Cour, mais aussi devant l’Assemblée des États Parties.
La Chambre a également noté que la RDC a affirmé que le séjour en cours des témoins sous la garde de la CPI fait obstacle à des poursuites judiciaires contre eux en RDC. La Chambre a donc invité les autorités congolaises à communiquer avec le Greffe de la CPI afin de faciliter la participation des témoins à leur procès en RDC sans violer leurs droits à une procédure régulière. La Chambre a déclaré qu’elle allait faciliter la communication des témoins avec leurs avocats congolais, si nécessaire.
Mesures de protection ordonnées par la Chambre
Indépendamment de ces assurances et du poids qu’elles portent, il est nécessaire de protéger les témoins contre les dommages potentiels qu’ils pourraient rencontrer, car ils ont témoigné devant la CPI, a déclaré la Chambre. Par conséquent, elle a ordonné au Greffe de s’assurer que les mesures de protection suivantes ont été mises en place jusqu’à la fin du procès des témoins en RDC:
Une fois le procès de l’un des témoins détenus terminé, la VWU devra évaluer sa situation sécuritaire et décider à nouveau des mesures de protection appropriées, le cas échéant.
Si la RDC accède à cette demande de coopération et si ces mesures de protection deviennent opérationnelles, a ajouté la Chambre, elle aurait rempli son obligation de protéger les témoins contre les dommages potentiels résultant de leur témoignage. Par conséquent, la Chambre a jugé qu’en principe, les témoins pouvaient être retournés à la RDC dès que la VWU aura confirmé que les mesures sont en place. Toutefois, la Chambre a rappelé sa décision précédente selon laquelle les témoins ne pouvaient être retournés que si leur demande d’asile aux Pays-Bas est rejetée par les autorités néerlandaises.
Le sort des témoins est donc entre les mains des autorités d’immigration néerlandaises. Si la demande d’asile est rejetée, les témoins seront retournés. Si elle est acceptée, et qu’ils se voient accorder l’asile aux Pays-Bas, on ne sait pas ce qui va arriver aux témoins. Ils pourraient être jugés aux Pays-Bas pour les crimes qu’ils sont accusés d’avoir commis en RDC.