Germain Katanga & Mathieu Ngudjolo Chui in court
qui sommes Germain Katanga &
Mathieu Ngudjolo Chui?

Par Jennifer Easterday

La semaine dernière, l’accusé Germain Katanga a poursuivi son témoignage pour sa propre défense. Katanga est le premier accusé à témoigner devant la Cour pénale internationale (CPI).Son co-accusé, Mathieu Ngudjolo, témoignera ensuite. Les deux hommes sont accusés de crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient été commis lors d’une attaque sur le village de Bogoro dans l’est de l’Ituri, en RDC le 24 février 2003.

Pendant la deuxième semaine du témoignage de Katanga, il a parlé de la structure de commandement des combattants en provenance d’Aveba. Selon son témoignage, des soldats de l’Armée populaire congolaise (APC) ont planifié l’attaque de Bogoro. Les témoignages sur les divers commandants et les groupes armés opérant en Ituri ont fait ressortir la responsabilité et le rôle des groupes comme l’APC (la branche armée du RCD-K/ML (Rassemblement Congolais pour la Démocratie – Mouvement de Libération)), Emoi (Etat-major Opérationnel Intégré), et l’UPDF (Forces de défense populaires de l’Ouganda).

Cette semaine, le témoignage de Katanga a également porté sur l’attaque elle-même. Katanga a nié avoir participé à l’attaque ou su quand elle allait se produire. Katanga a également nié avoir eu connaissance des crimes commis à Bogoro.

Le témoignage de Katanga l’éloigne des crimes qui auraient été commis à Bogoro, puisqu’il prétend s’être trouvé à Aveba le jour de l’attaque. Fait important, bien qu’il admette avoir été un dirigeant parmi les combattants d’Aveba, Katanga a témoigné qu’il n’avait pas de commandement ou de contrôle direct sur les combattants au moment de l’attaque. Cela contredit les accusations du Procureur concernant la responsabilité de commandement pour les crimes qui auraient été commis à Bogoro le 24 février 2003.

Le témoignage de Katanga fait l’objet d’une discussion plus détaillée ci-dessous. Lorsque Katanga aura terminé son interrogatoire direct, il sera interrogé par l’équipe de défense de Mathieu Ngudjolo et soumis au contre-interrogatoire de l’Accusation avant de répondre aux questions des représentants des victimes et des juges.

L’EMOI

Katanga a témoigné que le président de la RDC, Joseph Kabila a créé l’EMOI dans le but de coordonner et de contrôler les groupes armés opérant en Ituri. Il a affirmé que le colonel Aguru a été envoyé en l’Ituri pour conquérir des zones qui avaient été occupées par les forces rebelles et intégrer les autres groupes de résistance de la région. L’EMOI avait beaucoup de ressources selon lui, y compris des munitions, des armes et des médicaments. Selon Katanga, les commandants de l’EMOI agissaient au nom de l’armée congolaise et avaient une bonne compréhension de la stratégie militaire.

L’EMOI a armé l’APC, selon le témoignage de Katanga. Il dit avoir vu les livraisons d’armes arrivant pour l’APC à Aveba, avec des roquettes, des fusils, des mortiers, et du matériel d’artillerie lourde. Avant l’arrivée de ce matériel, a-t-il dit, il n’y avait pas de mitrailleuses à Aveba, même s’il y avait quelques AK47.

Bien que les armes aient été destinées à l’APC, les combattants du village en ont aussi profité, selon Katanga. Il a ajouté que l’APC donnait aux combattants des caisses de munitions, à la veille d’une bataille. Ils n’en donnaient pas beaucoup, selon Katanga, car l’APC savait que les combattants pouvaient « se retourner contre eux le lendemain. » Il a dit que Mike Fore (orthographe phonétique) était la personne qui décidait de la manière de distribuer les armes.

La direction exercée par Katanga sur les combattants d’Aveba

Katanga a minimisé la direction et le contrôle qu’il exerçait sur les combattants d’Aveba. Il a expliqué que son nom s’est répandu au Nord-Kivu où les combattants sont allés se battre au sud de Beni et ont utilisé comme couverture la version selon laquelle ils venaient de la part du « commandant Germain » à Aveba.

Il a expliqué que le camp BCA a été d’abord appelé le « Bureau des combattants d’Aveba », où il était commandant. Cependant, il a indiqué qu’il a changé son rôle de commandant à coordonnateur à Aveba au début de décembre 2002. A cette époque, selon lui, le camp d’Aveba a pris le nom de Bureau de coordination avec Aveba (BCA).

Katanga a d’abord entendu parler du FRPI (Front de résistance patriotique de l’Ituri, le groupe que Katanga aurait commandé) quand il s’est rendu à Bunia en novembre 2002. Il a dit qu’il était là pour des réunions avec l’APC et le FRPI pour discuter de la façon dont l’APC et les combattants pourraient travailler ensemble et de la situation à Bogoro.

Plus tard, les combattants d’Aveba se sont approprié le nom du FRPI, dit-il, afin de promouvoir un sentiment d’identité. Toutefois, Katanga a fait valoir qu’à l’époque ce n’était pas une organisation officielle qui avait un président. Selon son témoignage, il n’a commencé à se faire appeler président du FRPI qu’après février 2004. De décembre 2002 jusqu’au moment de l’attaque de Bogoro, il n’y avait pas de hiérarchie formelle dans le groupe, a-t-il dit.

En plus de nier qu’il y ait eu une hiérarchie formelle et qu’il ait été en charge des combattants, il a expliqué qu’il y avait une utilisation excessive du terme « commandant ». Les gens créaient des noms pour eux-mêmes, dit-il, et « donnaient libre cours à leur imagination… en s’imaginant qu’ils étaient des hommes forts. »

Selon Katanga, à la veille de l’attaque de Bogoro, il était le coordinateur à Aveba. Il a témoigné que son travail consistait à rapprocher les combattants de l’APC et à transmettre les instructions données par leurs alliés. Il servait à titre de médiateur entre les soldats du camp et les gens de la ville, a-t-il ajouté.

Selon Katanga, le commandant des combattants à Aveba était le commandant Mbadu du BCA, et au-dessus de Mbadu il y avait Kasaki. Katanga a expliqué qu’en termes de hiérarchie entre les deux il était entre Mbadu et Kasaki, mais qu’il ne pouvait pas donner d’ordres à Mbadu.

Katanga a nié avoir exercé un quelconque contrôle sur un combattant. Le Commandant Mbadu exerçait un commandement total sur ses combattants, selon le témoignage de Katanga. Cependant, Katanga a admis qu’il avait une soixantaine d’hommes dans son camp à proximité qui lui étaient fidèles et loyaux.

Environ un mois avant l’attaque de Bogoro, selon Katanga, l’autorité de Mbadu a commencé à s’effriter et Katanga a commencé à avoir plus d’autorité sur le BCA. Au moment de l’attaque de Bogoro, Mbadu était encore le commandant et Katanga visitait le BCA à l’occasion.

Katanga a témoigné que Blaise Koka est arrivé à Aveba au début de 2003 avec une force de 150 soldats. Koka était commandé directement par l’APC, selon Katanga. Il a également témoigné que les forces EMOI sont arrivées à Aveba pour avoir un aperçu des combattants et fournir des experts en matière d’opérations militaires.

Planification de l’attaque de Bogoro

Dans son témoignage, Katanga a maintenu que c’était l’APC qui planifiait les attaques militaires dans la région.

Katanga distinguait soigneusement entre les soldats, ceux qui ont combattu pour des milices armées organisées comme l’APC et l’UPDF, et les « combattants », qui étaient des villageois locaux combattant pour l’auto-défense. Son témoignage a expliqué que l’APC et l’EMOI étaient en charge de groupes militaires avec qui les combattants coopéraient.

Par exemple, parlant des attaques menées par les soldats APC et les combattants à la fin de décembre 2002, Katanga a expliqué que les soldats de l’APC ont été avec les combattants et leur ont précisément indiqué où attaquer. Selon lui, l’APC commandait les combattants.

Katanga a expliqué que Bogoro était stratégiquement importante parce que l’UPC recevait ses armes de l’Ouganda, et parce qu’elle était située sur la route par où passaient ce matériel de l’Ouganda pour aller à Bunia. Il a dit qu’il leur fallait bloquer Bogoro pour empêcher l’UPC de se procurer des armes.

L’attaque du 10 février contre Bogoro

Selon Katanga, Blaise Koka effectué une première attaque sur Bogoro le 10 février 2003, deux semaines seulement avant l’attaque qui a fait l’objet d’accusations contre Katanga. Cette attaque a été conçue comme une mission de reconnaissance, a-t-il expliqué. Katanga a admis qu’il avait participé à cette attaque. Il a dit qu’il s’agissait d’une catastrophe et qu’ils ont subi plus de pertes ce jour-là que jamais auparavant.

Après l’attaque, Katanga dit qu’il est retourné à Aveba. Peu après, Adirodu est arrivé avec des armes et des munitions. On soupçonne qu’Adirodu a ordonné à Koka de revenir attaquer Bogoro immédiatement, avant que l’UPC ne puisse se regrouper et rassembler des renforts supplémentaires.

Katanga a ensuite décrit une altercation entre Adirodu et Kisoro, un voyou ex soldat de l’APC avec une forte popularité chez les combattants basés dans un village voisin, Kiswara. Kisoro a attaqué Adirodu alors qu’il tentait de décoller de la piste d’atterrissage d’Aveba, a dit Katanga. Pour apaiser momentanément Kisoro, a expliqué Katanga, ils lui ont donné des armes et des munitions, mais afin de s’assurer que Kisoro n’allait pas les attaquer avec les armes, ils lui ont donné des mauvaises munitions.

Katanga a témoigné que lorsque Kisoro a appris qu’il avait été dupé par les combattants d’Aveba, il est revenu pour les attaquer. Ils ont repoussé l’attaque, selon Katanga, mais à partir de là ils ont eu peur de laisser Aveba sans défense.

L’attaque du 24 février sur Bogoro

Katanga a nié qu’il y ait eu des réunions entre les commandants à Aveba ou Medu dans les jours précédant l’attaque du 24 février sur Bogoro.

Katanga a déclaré que les détails de l’attaque de Bogoro figuraient sur un document qui avait été préparé par l’EMOI. Le commandant de l’attaque était Blaise Koka, a déclaré Katanga.

Blaise Koka a mené ses troupes à Bogoro le 20 février. Garimbaya suivi avec plus d’hommes le lendemain. Ils sont d’abord allés à Kagaba pour préparer leurs armes et effectuer des cérémonies traditionnelles d’avant bataille. En dehors de ces troupes, Katanga a déclaré ne pas connaître d’autre habitant d’Aveba ayant participé à l’attaque. Il a dit qu’il était possible que d’autres combattants l’aient fait, mais que cela aurait été risqué et aurait entraîné des conséquences négatives.

Cependant, Katanga a affirmé que des officiers de l’armée nationale avaient été stationnés à Aveba, et qu’ils ont participé à l’attaque de Bogoro. Il a dit qu’il n’était pas sûr que les Ougandais aient participé, mais qu’il a plus tard vu des Ougandais dans un camp de l’UPDF à Bogoro.

Katanga a nié avoir participé à l’attaque du 24 février 2003 sur Bogoro. Il a dit qu’il ne pouvait pas quitter Aveba pour trois raisons. D’abord, il avait peur d’une attaque de représailles de Kisoro. Deuxièmement, Kasaki lui avait interdit de partir parce qu’il avait été incapable d’accomplir une cérémonie pour les morts laissés à Bogoro après l’attaque du 10 février. Troisièmement, Katanga a dit qu’il lui fallait rester pour protéger les munitions stockées à Aveba. Selon son témoignage, sans ces raisons, il aurait participé à l’attaque.

Il a dit que bien qu’il ait été au courant d’une attaque imminente contre Bogoro, il ne savait pas que c’était prévu pour le 24.

Le jour de l’attaque, il a dit avoir entendu des explosions de la maison de son père. Il a pris une moto pour se rendre au centre de santé pour se renseigner sur la situation à Kagaba. Au centre de santé, Katanga a dit qu’il avait appris que Bogoro faisait l’objet d’une attaque depuis les premières heures de la matinée. Autour de 10h00 ou 10h30, Yuda est arrivé à Aveba, blessé à la main gauche et la poitrine, selon Katanga.

Katanga a déclaré qu’après la blessure de Yuda, son adjoint l’a automatiquement remplacé pour poursuivre l’attaque de Bogoro. Ainsi, lorsque Bogoro a été prise, Androzo Zaba Dark est resté en tant que commandant. « Il était en charge de toute la situation », a déclaré Katanga.

Crimes commis pendant l’attaque

Katanga a témoigné que l’on enseignait aux combattants d’agir selon les 10 Commandements de Moïse 10 et de ne pas commettre des crimes pendant la bataille.

« Nous suivions la Bible. Mais en fait, nous allions à la guerre, nous allions tuer l’ennemi », a-t-il dit.

Interrogé sur la mort de civils lors de l’attaque de Bogoro, Katanga a répondu : « Un soldat ne peut pas s’accuser lui-même. » Il a dit que la mort de civils pourrait avoir été la conséquence de feu mal dirigé ou d’un obus qui a raté sa cible. Cependant, il a affirmé que les soldats qui ont pris part à l’attaque étaient des soldats professionnels.

Il a nié avoir entendu parler de morts civils jusqu’à son arrivée à Bunia plus tard cette année pour signer l’accord de paix. Bien qu’il ait été normal qu’on lui fasse le rapport de décès des soldats, a-t-il dit, il n’aurait pas entendu parler de la mort de civils au cours des débriefings, puisque les soldats « ne voulaient pas entendre dire que des civils avaient été tués. »

Il a également nié qu’il ait pu y avoir du pillage à Bogoro, car il n’y avait rien à piller là. Il a expliqué que les Hema ne se livraient pas à l’agriculture, et qu’il n’y avait pas de pâturages à Bogoro pour garder les troupeaux de bétail. Il a dit qu’il ne voyait pas de bovins quitter Bogoro et passer à travers Aveba, ce qui aurait été l’itinéraire emprunté par des pillards espérant vendre le bétail.

Mathieu Ngudjolo

Katanga a nié avoir rencontré Ngudjolo avant l’attaque de Bogoro. Outre la visite du Chef Manu à Aveba en novembre 2002, il n’y avait aucune délégation de Zumbe ou Bedu-Ezekere. Il a également nié qu’il y ait eu un contact radio entre les deux localités, et que les armes aient été transportées à partir d’Aveba vers Bedu-Ezekere.

Voyage à Bunia

Après l’attaque, Katanga s’est rendu à Dele, en passant par Bogoro le 8 mars. Il a d’abord rencontré Ngudjolo à Dele le huit, a-t-il dit. Katanga a témoigné que lui et Ngudjolo ont pris le café ensemble le matin du neuf, puis se sont séparés.

Le témoignage du Katanga se poursuit au cours de la semaine du 10 octobre 2011.

 


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