Germain Katanga & Mathieu Ngudjolo Chui in court
qui sommes Germain Katanga &
Mathieu Ngudjolo Chui?

Par Jennifer Easterday

Le présent rapport couvre le témoignage du 10 au 21 octobre au procès de Germain Katanga and Mathieu Ngudjolo Chui à la Cour pénale internationale (CPI).

Le premier accusé de la CPI à prendre la barre pour assurer sa propre défense a conclu son témoignage. Germain Katanga a terminé son témoignage après avoir été soumis à un contre-interrogatoire par l’Accusation et répondu aux questions des représentants légaux des victimes et des juges. Le jeudi 27 octobre, Mathieu Ngudjolo, le co-accusé de Katanga sera probablement le dernier témoin à comparaître dans ce procès.

Katanga et Ngudjolo sont accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis lors d’une attaque sur le village de Bogoro dans l’est de l’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC). Selon le parquet, Katanga était le chef du FRPI (Front de résistance patriotique de l’Ituri) et, en collaboration avec Mathieu Ngudjolo, le chef présumé du FNI (Front nationaliste et intégrationniste), a monté une attaque sur Bogoro le 24 février 2003. Les deux hommes ont plaidé non coupable de tous les chefs d’accusation.

L’attaque s’est effectuée dans le cadre du plus grand conflit de la RDC. Selon Germain Katanga, le gouvernement de la RDC et d’autres groupes armés, comme l’APC (Armée du peuple congolais) était derrière l’attaque de Bogoro. Katanga a déclaré que l’APC a planifié et ordonné l’attaque de Bogoro en vue d’éradiquer la base militaire de l’UPC (Union des patriotes congolais). Il a prétendu que c’était pour raisons militaires et stratégiques que le gouvernement de la RDC a contribué à armer l’APC.

Il a affirmé que les groupes locaux de combattants, comme le groupe de son village d’Aveba, se battaient pour la défense de leurs villages.

Katanga a également minimisé la dimension ethnique du conflit, alors que l’Accusation en a fait le point central de son argumentation. L’Accusation soutient que le FRPI, une force largement Ngiti, et le FNI, une force largement Lendu, ont voulu « effacer » le village de Bogoro et sa population principalement Hema, ce que Katanga a démenti.

Contre-interrogatoire

Conflit ethnique

L’Accusation a mis à l’épreuve le témoignage présenté par Katanga durant le contre-interrogatoire. L’Accusation a commencé son contre-interrogatoire en interrogeant Katanga sur les aspects ethniques du conflit, l’une des questions centrales de l’Accusation.

Katanga a témoigné que les attaques de l’UPC (une milice largement Hema) ne sont pas ethniquement motivées, mais visaient des bases militaires APC.

L’Accusation a laissé entendre que Katanga induisait délibérément en erreur la Chambre lors qu’il parlait de l’APC. En particulier, l’Accusation a affirmé que Katanga a menti lors qu’il a affirmé que le chef de l’APC Blaise Koka était à Aveba juste avant l’attaque de Bogoro. L’Accusation a également laissé entendre que les soldats de l’APC qui étaient à Aveba étaient des Ngitis qui avaient déserté des forces de l’APC.

Katanga a rejeté ces affirmations. Cependant il s’en est tenu à son témoignage selon lequel les cibles des attaques étaient militaires et non ethniques. Il a admis que bien qu’il y ait eu quelques attaques à motivation ethnique, ce n’était pas la cause principale du conflit.

En fait, selon Katanga, de nombreux réfugiés Hema on fui Bogoro pour se rendre à Aveba, où ils ont été protégés et n’ont pas été livrés par la population largement Ngiti d’Aveba.

Victimes civiles

L’Accusation a également interrogé Katanga sur les crimes qui auraient été commis pendant l’attaque de Bogoro. Katanga a reconnu que des civils ont été tués durant le conflit en Ituri, y compris au cours de l’attaque du 24 février sur Bogoro.

Toutefois, toujours selon son témoignage, l’APC était une armée professionnelle, et les soldats ne prenaient pas délibérément pour cible des civils. Certains civils ont été tués dans le cadre des dommages collatéraux, a-t-il ajouté, mais il s’est demandé pourquoi il y avait tant de morts parmi les civils, étant donné que les commandants étaient des soldats professionnels.

Les enfants soldats

Répondant aux questions de l’Accusation sur les enfants soldats, Katanga a déclaré que les combattants étaient heureux d’aider les enfants qui vivaient dans les camps militaires sans les membres de leur famille.

Il a dit que les soldats se rendaient aux centres de transit pour la démobilisation des enfants venant des camps afin que les enfants puissent être démobilisés. Les combattants appelaient les enfants « enfants soldats » afin qu’ils puissent se qualifier pour la démobilisation, a-t-il dit. Cependant, il a nié que des enfants à la base d’Aveba aient reçu un entraînement militaire et a affirmé que les enfants n’étaient pas considérés comme des combattants.

Il a expliqué que les combattants ont donné à Karido, un enfant vivant dans le camp, un AK47, afin qu’il puisse être démobilisé.

« Il fallait avoir une arme pour être démobilisé », a-t-il expliqué.

Il a décrit comment les enfants démobilisés pouvaient amener un AK47 au centre de transit et recevoir 150 $. « Vous pouvez prendre tous ces AK-47, les rendre, et obtenir de l’argent », a-t-il dit.

L’Accusation a demandé si les enfants ont reçu des kits ou 150 $ en espèces. Les témoins précédents, y compris les témoins de la défense de Katanga, ont témoigné que des enfants recevaient des ‘kits’ de démobilisation, contenant des couvertures, des vêtements et autres fournitures.

Katanga a déclaré que la position officielle était que les enfants devaient recevoir des kits, et non pas de l’argent. Toutefois, il a affirmé que la situation sur le terrain était différente, ce qui implique que, dans la pratique, les enfants ont reçu de l’argent.

L’attaque du 24 février sur Bogoro

Dans son contre-interrogatoire, Katanga a répété que l’APC a planifié l’attaque du 24 février 2003 sur Bogoro. Il a dit qu’il n’a pas participé à l’attaque et qu’à l’époque il était à Aveba.

Katanga a témoigné qu’il ne pouvait pas quitter Aveba pour attaquer Bogoro le 24 parce qu’il avait peur que Kisoro, un autre commandant local, n’attaque Aveba.

Selon Katanga ce n’est que le 3 mars qu’il s’est finalement rendu compte que Kisoro n’était pas une menace. Toutefois, Katanga a témoigné qu’il avait quitté Aveba au moins deux autres fois entre le 24 février et le 3 mars, alors qu’il pensait qu’Aveba était encore sous la menace d’une attaque de Kisoro. Il a ajouté qu’il était allé à Kagaba pour plus d’informations, juste après l’attaque, le 26 février, et s’est ensuite rendu à Tchey le 3 Mars. C’est à Tchey qu’il a vu Kisoro et s’est rendu compte qu’Aveba ne risquait plus d’être attaquée.

L’accusation a vérifié cette histoire, en demandant à Katanga pourquoi il ne pouvait pas se rendre à Kagaba pour plus d’informations, juste après l’attaque s’il pensait que Kisoro constituait toujours une menace. Katanga a répondu qu’il y avait une distinction entre partir pour une courte période et aller au front. Le juge président a demandé si cette distinction était la raison pour laquelle Katanga a pu quitter Aveba le 3 mars pour Tchey même s’il n’a pas pu aller à Bogoro le 24. Katanga a répondu qu’il avait eu l’intention d’aller à Tchey pour seulement la journée mais a décidé de rester une fois qu’il y a vu Kisoro et s’est rendu compte qu’Aveba était en sécurité.

Il a de nouveau affirmé que c’est l’APC qui a planifié l’attentat.

Contrôle des combattants d’Aveba

Lors du contre-interrogatoire, l’Accusation a présenté une lettre écrite par Kasaki Bandro, sage et leader spirituel à Aveba. La lettre était datée du 9 février 2003, et était adressée à « M. le Président ». Kasaki demandé au « Président » d’aider à contrôler les combattants au cours d’un futur marché de bétail.

L’Accusation a suggéré que la lettre était en fait adressée à Katanga et a allégué que Katanga était à la tête de tous les combattants à Aveba à compter de début février 2003.

Katanga a rejeté cette affirmation. Il a dit qu’il n’avait jamais vu la lettre avant et qu’il n’y avait aucune preuve qu’elle lui était adressée.

Questions des représentants légaux des victimes

Les représentants légaux des deux groupes de victimes – enfants soldats et victimes de l’attentat – ont également interrogé Katanga.

Répondant aux questions du représentant légal des enfants soldats, Katanga a réitéré son témoignage antérieur selon lequel il n’y avait pas d’enfants soldats au camp militaire d’Aveba. Les enfants qui n’avaient nulle part où aller pouvaient rester dans le camp avec leurs familles, a-t-il dit, mais ils ne recrutaient ni ne formaient des enfants.

Parlant de l’attentat du 24 février, Katanga a dit qu’il n’avait pas entendu parler d’enfants présents sur le champ de bataille ce jour-là.

Le représentant légal des victimes de l’attaque de Bogoro a interrogé Katanga sur les crimes commis pendant l’attaque. Katanga a témoigné que les commandants impliqués dans l’attaque ne lui avaient pas parlé d’un massacre de civils, mais a admis qu’il avait appris la mort de civils en écoutant les informations. Toutefois, il a affirmé que bien qu’il y ait eu des morts, il n’était pas sûr qu’on puisse parler de « massacre ».

Katanga a également nié que des pillages aient eu lieu. Il a affirmé qu’après l’attaque, les Ngiti sont retournés à Bogoro pour récupérer leurs biens et les biens qu’ils avaient laissés derrière eux quand ils ont fui.

Questions posées par les juges

Structure de commandement à Aveba

Les juges ont longuement interrogé Katanga. En particulier, les juges ont posé beaucoup de questions sur la structure de commandement de la communauté Aveba, le rôle de l’APC à Aveba, et le rôle du Katanga en tant que « coordonnateur ».

Kakado était au sommet de la hiérarchie des Walendu-Bindi, et Kasaki venait juste après, a expliqué Katanga, qui a ajouté que Kasaki avait beaucoup d’autorité. Katanga a témoigné qu’il a servi comme l’un des nombreux gardes du corps de Kasaki, et Kasaki lui faisait grandement confiance.

Kasaki avait autorité sur les commandants locaux dans la zone de Walendu-Bindi, selon Katanga. Si quelqu’un désobéissait à Kasaki, ce dernier lui enlevait ses fétiches, le privait de traitement, et la personne « mourait sans aucune aide supplémentaire », a déclaré Katanga.

Katanga a également témoigné qu’il était généralement obligé d’obéir à Kasaki, mais qu’avec le soutien de Kasaki, pourrait s’opposer à un ordre du commandant de l’APC, Blaise Koka.

Les juges ont interrogé Katanga sur la présence de l’APC à Aveba. Aveba était une « base logistique » pour l’APC, a répondu Katanga, tandis que d’autres zones, telles que Kagaba et Singo, avait un nombre important de soldats de l’APC. Katanga a déclaré qu’il accompagnait Blaise Koka lorsque ce dernier allait rendre visite aux commandants de l’APC.

Katanga a fourni des éclaircissements sur les divers postes qu’il a occupés à Aveba: garde du corps de Kasaki, commandant d’Aveba, puis coordinateur d’Aveba. Katanga a déclaré qu’en tant que coordinateur, il a servi d’agent de liaison entre les soldats professionnels de l’APC et les combattants locaux. En particulier, il a dû intervenir en cas de différends ou de conflits entre les combattants et les soldats.

« Le poste de coordonnateur servait tout simplement à éviter les étincelles et les escarmouches et permettre aux gens de vivre dans une atmosphère conviviale », a-t-il témoigné.

Katanga a témoigné qu’il avait un groupe d’environ 60 hommes qui lui étaient loyaux. Les juges voulaient savoir si ces hommes avaient été recrutés et s’il y avait des structures formelles. Selon Katanga, les hommes venaient tout simplement à lui – il ne les recrutait pas. Il a cependant ajouté que les hommes étaient plus ou moins organisés en sections.

Le commandant d’Aveba n’avait pas de contrôle sur d’autres commandants, selon Katanga.

« Personne n’avait autorité sur qui que ce soit d’autre sur son propre terrain. J’ai été un chef dans ma région et d’autres étaient des chefs dans leurs zones », a-t-il dit.

Les conflits ethniques

Bien que Katanga ait constamment cherché à minimiser les aspects ethniques du conflit tout au long de son témoignage, il a admis devant les juges qu’il y avait différentes tensions ethniques en Ituri à l’époque. En particulier, il a témoigné que l’UPC, soutenue par l’UPDF (Forces de défense populaires de l’Ouganda) et l’Armée rwandaise, a commencé à lutter contre les Lendus en Ituri, en vue de créer un « Empire Hima-Tutsi ». Selon Katanga, le plan pour créer l’empire Hima-Tutsi consistait à chasser les Lendus de leur terre natale.

Katanga a également admis devant les juges que, parfois, des combattants de sa collectivité n’obéissaient pas aux règles de conduite qui leur interdisaient de prendre les civils pour cible. C’est en particulier ce qui se passait lors qu’ils avaient été témoins de la mort de leur famille, a-t-il ajouté. Katanga a reconnu qu’en de nombreuses occasions, il avait interdit aux combattants Lendu de menacer des civils Hema.

La connaissance de l’attaque de Bogoro

Katanga savait qu’il y avait un plan pour attaquer Bogoro et Bunia en février et mars 2003, a-t-il dit. Le plan avait été en chantier depuis novembre 2002, a-t-il ajouté, et l’opération a été bien définie sur le papier.

« Tout était planifié, votre honneur. Même des renforts pour le personnel de santé », a déclaré Katanga. Il a déclaré que le plan était très élaboré, impliquait une véritable hiérarchie, et était détaillé jusqu’aux hommes, aux uniformes, aux armes, et aux rations.

Son rôle en tant que coordinateur comprenait l’organisation de la distribution de munitions aux combattants et la centralisation des communications, afin de s’assurer que les combattants seraient en mesure de renforcer les soldats de l’APC.

Le juge président a poursuivi et demandé: « Vous avez été informé parce que vous déteniez les moyens de communication, mais y avait-il un rôle spécifiquement prévu pour vous? »

Réponse de Katanga : « Dans le cadre de la vie communautaire, pour assurer la paix, j’assurais un service minimum, je pourrais l’assurer si on me le demandait. »

Cette preuve pourrait aider les juges à décider si Katanga est coupable en tant que co-auteur et si son rôle dans l’attaque du 24 février sur Bogoro avait été essentiel à la réussite de l’attaque.


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