Chers lecteurs – Veuillez trouver ci-joint un commentaire d’Olivia Bueno de l’International Refugee Rights Initiative en consultation avec des activistes congolais. Les vues et opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement les vues et opinions d’International Refugee Rights Initiative ou d’Open Society Justice Initiative.
En Ituri, les victimes des atrocités commises dans le contexte de la violence en 2002-2003, qui a coûté environ 50.000 vies, et les organisations de la société civile qui les représentent réclament un compte rendu complet des crimes commis, en insistant sur leur droit de comprendre notamment les motivations individuelles et institutionnelles du conflit ; elles réclament également la reconnaissance publique de leurs souffrances. Elles soulignent que bien qu’elles soient essentielles à la réalisation de la justice, les affaires actuellement en cours à la Cour pénale internationale (CPI), n’ont que partiellement répondu à la nécessité de la vérité en raison du nombre limité d’accusés et de la nature des chefs s’accusation.
Dans ce contexte, la confirmation par le ministère congolais de la Justice le 28 mars 2011 que quatre chefs de milice de l’Ituri allaient être transférés à La Haye a déclenché un tourbillon de spéculations quant à la possibilité de révéler des faits nouveaux sur la violence. Le Ministère de la justice a affirmé que les quatre, Pierre Célestin Mbodina Iribi (connu sous le nom Pichou), Floribert Ndjabu Ngabu, Charif Manda et Bède Djokaba Lambi Longa sont en train être transférés à La Haye pour servir de témoins dans l’affaire Katanga / Ngudjolo.
Un des témoins, Sharif Manda, a été cité par un journal local, Le Millénaire, décrivant la raison de son témoignage comme ayant un rapport avec les allégations de la défense selon lesquelles les attaques pour lesquelles Katanga et Ngudjolo sont poursuivis ont été effectués sur:
[O]rdres de Kinshasa. Une façon de montrer que les véritables auteurs des massacres en Ituri doivent également se trouver dans Kinshasa. Nous savons beaucoup de choses à ce sujet. Cela pourrait avoir motivé la CPI à nous demander de témoigner.
Cette façon de laisser entendre que les témoignages vont impliquer des fonctionnaires du gouvernement ou d’autres personnes puissantes a créé beaucoup d’anticipation et une certaine appréhension en ce qui concerne leur témoignage.
Qui sont ces témoins?
La défense a caractérisé les témoins qu’elle prévoit d’appeler à la barre comme étant « des gens qui ont occupé un rang assez élevé dans les différents groupes qui ont été créés à l’époque. » Les quatre, qui ont tous été sous la garde du gouvernement congolais, sont en train d’être transférés de la prison de Makala, à Kinshasa et sont décrits par les autorités locales responsables de la société civile de la manière suivante :
- Pierre Célestin Mbodina est un dirigeant du groupe ethnique Ngiti (aussi appelé la branche sud des Lendu), proche de Germain Katanga et instruit en français. Il a été membre fondateur du Front des Nationalistes intégrationnistes (FNI) et a occupé plusieurs postes de haut niveau dans les organisations. Il a été arrêté en 2005, accusé de complicité dans l’enlèvement et l’assassinat de huit soldats de la paix des Nations Unies et reste en détention bien qu’il n’existe aucune procédure engagée contre lui.
- Floribert Ndjabu Ngabu, est un autre membre fondateur du FNI et son président actuel. Il était très proche de Ngudjolo et du Rassemblement congolais pour la Démocratie – Mouvement de Libération (RCD-ML).
- Charif Manda est un autre dirigeant Lendu proche de Ngudjolo, a été arrêté il y a plusieurs mois à Arua en Ouganda et a été remis aux autorités congolaises afin de faire l’objet de poursuites. Après avoir été un commandant de haut rang du FNI, il fut parmi les commandants proches des commandants récalcitrants du FNI et des FRPI qui ont refusé la démobilisation et l’intégration dans l’armée et qui ont rejoint le colonel Cobra Matata en 2005 dans l’insurrection qui a eu lieu dans la collectivité de Walendu Bindi en 2005. Ensuite, le colonel Cobra créé son propre mouvement armé, le Front populaire pour la justice au Congo (FPJC), dont les milices sont encore actives dans la région.
- Bède Djokaba Lambi Longa est Hema et membre influent de l’Union des Patriotes Congolais (UPC), proche de Thomas Lubanga, un autre accusé à La Haye. C’est un théoricien politique et intellectuel.
Réactions aux nouvelles
Le gouvernement s’est glorifié de ce fait qu’il a présenté comme un exemple positif de coopération avec la CPI. Il a noté que les détenus sont transférés volontairement et qu’ils vont retourner au Congo en mai et qu’ils seront ensuite soumis à des évaluations de sécurité supplémentaires et, si nécessaire, bénéficieront de mesures de protection, à leur retour.
Alors que la déclaration du gouvernement traite la question comme un problème technique, la société civile et quelques unes des milices et des mouvements politiques en phase avec elles ont mis l’accent sur les possibilités offertes par le procès en termes de renforcement du dossier historique, en exerçant des pressions en vue de futures poursuites, et en progressant vers d’autres objectifs.
Les attentes de révélations dans les témoignages sont élevées. Il y a des débats dans l’Ituri au sujet de la mesure dans laquelle les identités ethniques constituaient une force motrice dans la conduite du conflit et la mesure où ces identités sont manipulées par d’autres facteurs. Certains milieux intellectuels en Ituri affirment que les allégeances, tant Hema que Lendu ont été manipulées pour cacher d’autres motivations, essentiellement économiques, d’aggravation du conflit. Selon un professeur d’université, le public en Ituri n’est pas bien informé sur le processus de La Haye, ni d’ailleurs sur l’histoire du conflit en Ituri. On espère que ce témoignage de haut niveau peut élucider certaines de ces questions et construire un consensus autour de la compréhension historique de la crise.
D’autres ont mis l’accent sur les capacités potentielles du témoignage à élargir le champ d’application de la reddition de comptes. La société civile locale appelle à la reddition de comptes pour un plus grand nombre d’acteurs depuis un certain temps. En effet, certaines organisations ont déjà souligné qu’il fallait que ces personnes servent de témoins, mais aussi qu’elles rendent compte à la justice pour leurs crimes (voir la réflexion précédente sur cette question, Ngudjolo et Katanga: leur rôle dans le conflit en RDC et la nécessité d’une extension de la reddition des comptes).
Des exemples venus d’ailleurs dans le monde montrent que les éléments de preuve présentés lors d’un procès peuvent susciter un engagement politique en vue du règlement de questions connexes. L’ancien président zambien Frederick Chiluba a été jugé pour corruption après que la preuve de ses transactions illégales ait été révélée dans une affaire de diffamation contre les éditeurs de journaux qui l’avaient traité de voleur. La société civile espère que des informations révélées au cours du procès peuvent augmenter la pression en faveur de nouvelles poursuites. L’environnement semble être mûr pour une telle action compte tenu de la discussion approfondie d’un mécanisme spécialisé de poursuites au niveau national.
Quelles informations peuvent précisément apparaître au cours du témoignage? Un militant a suggéré qu’une lettre de la prison de Makala, qui a été distribuée aux ONG de droits humains en 2006, pourrait donner un aperçu du type de témoignage qui serait susceptible d’être fait. Dans cette lettre, les prisonniers ont impliqué certains hommes politiques de haut niveau dans la création, l’armement et certaines activités criminelles du FNI et du FRPI. Le positionnement de la défense suggère que des accusations similaires pourraient être faites à La Haye.
Certaines autres questions qui pourraient être soulevées sont : quelle réponse pourrait-il y avoir aux révélations de liens entre le FNI, le RCD-ML, et l’ancien gouvernement du Congo? Est-ce que le rôle de l’Ouganda va être exploré? Quel était le rôle de ces acteurs dans la formation, l’équipement et l’exploitation de ces milices? Selon un prêtre catholique interviewé pour une vidéo de sensibilisation adressée au Conseil de sécurité des Nations Unies, il n’y a pas de fabriques d’armes dans l’Ituri et il serait injuste de ne pas demander qui a armé et formé les jeunes de l’Ituri dans un contexte aussi tendu. En plus de demander qui a armé et financé les milices, des militants se demandent qui leur a donné l’ordre d’attaquer les civils? En tant que principaux chefs de milice, ces personnes ont des informations sur des questions telles que les sources de formation et de financement.
Cependant, le gouvernement semble déjà chercher à contrer cette attente. L’annonce publique des transferts a souligné qu’ils ne s’apparentaient pas aux transferts de suspects qui avaient été effectués plus tôt et étaient volontaires et temporaires. Le gouvernement a également noté que le témoignage sera soumis à des restrictions sur l’auto-incrimination. D’autres questions pourraient être posées sur l’intérêt du gouvernement pour ce témoignage et sa volonté de faciliter les transferts s’il y avait une réelle menace d’exposer d’autres dirigeants clés. En effet, le témoignage de Ndjabu selon lequel le Ministre de la justice l’avait menacé avant son voyage à La Haye a déjà soulevé des questions graves.
Dans le même temps, ces comparutions à La Haye attirent l’attention sur la situation des personnes détenues (comme les témoins) pendant de longues périodes à Kinshasa sans procès. Par exemple, l’UPC a déjà utilisé ce transfert comme une occasion de souligner les mauvais traitements infligés à ses membres.
Il y a aussi le risque que le témoignage ne fera qu’ajouter à la confusion. John Tinanzabo, porte-parole de l’UPC, a été cité par Radio Okapi : « Ce que je souhaite, c’est que la vérité éclate autour de cette affaire de l’Ituri. Et nous espérons que ceux qui iront témoigner diront la vérité. La cour en tirera toutes les conséquences. » Cependant, la question est de savoir s’ils espèrent sincèrement que la vérité apparaisse ou cherchent simplement une occasion de minimiser leur propre responsabilité. Est-ce que l’implication de la responsabilité des autres parties va renforcer les efforts visant à les traduire en justice? Ou est-ce simplement pour détourner l’attention de la responsabilité de ceux qui sont actuellement en procès?
Un défi supplémentaire peut être posé par la sécurité. Le gouvernement a promis que ceux qui témoignent bénéficieront d’une protection s’ils témoignent, mais comment cette sécurité peut-elle être assurée si les témoins fournissent des preuves contre les dirigeants qui les maintiennent en détention. Comment la CPI peut-elle garantir la sécurité de ceux qui témoignent s’ils sont ensuite menacés?
Le public attend avec impatience de voir si le témoignage des principaux dirigeants va révéler des réponses à ces questions. Seul le temps dira ce que sera l’impact, mais pour l’instant, les spéculations vont bon train.
La communauté lendu du nord comme du sud s’est illustrée par des massacres sur les hema depuis des lustres pour des raisons psychologiques disait mr THEWI BATSI LARI devant Jean Pierre Bemba à bunia. Les événements de l’Ituri n’ont été qu’un élément suppléméntaire de ce cycle où le lendu s’autominimise et recourt à la vilence, oubliant que le hema est aussi pauvre qu’un autre lendu, tout comme il ya un autre lendu riche et un autre hema riche.