Germain Katanga & Mathieu Ngudjolo Chui in court
qui sommes Germain Katanga &
Mathieu Ngudjolo Chui?

Par Jennifer Easterday

Le présent résumé comprend des évènements qui se sont déroulés du 18 au 21 avril 2011.

Le troisième témoin de Katanga, Pierre Célestin Mbodina Iribi (également connu sous le nom Pichou), a commencé sa déposition le 18 avril 2011. Iribi, un Ngiti, était un membre haut placé du FRPI (Front de résistance patriotique de l’Ituri), la milice armée qui aurait été dirigée par l’accusé Germain Katanga. Katanga et son co-accusé Mathieu Ngudjolo Chui, chef présumé du FNI (Front nationaliste et intégrationniste), ont à répondre aux charges de crimes contre l’humanité et crimes de guerre devant la CPI.

Iribi et le témoin qui l’a précédé, Floribert Njabu (président de la FNI), sont en détention en République démocratique du Congo (RDC) depuis leur arrestation en 2005. Les juges de la CPI ont donné à Iribi les assurances prévues par le Statut de Rome (articles 74 et 93 (2)). En vertu de l’article 74, le témoin a le droit de refuser de répondre à une question au cas où cette question  pourrait l’incriminer. L’article 93 (2) garantit au témoin que la CPI ne poursuivra pas, ne mettra pas en détention, ou n’exposera le témoin à aucune restriction à sa liberté personnelle pour aucun de ses actes ou omissions datant d’avant son départ de la RDC pour La Haye. Cela signifie que la CPI lui a garanti qu’il ne sera pas poursuivi pour des crimes qu’il a pu commettre en RDC.

Iribi a témoigné au sujet du FNI et du FRPI et d’autres groupes armés opérant en Ituri au cours du conflit. Comme le témoin précédent, Iribi a souligné le rôle joué par le gouvernement de la RDC dans l’attaque de Bogoro.

Le témoin était un agent de la sécurité du gouvernement

Selon le témoin, il a rejoint l’ANR (Agence nationale de renseignement) en 1998, quand elle était sous le contrôle du gouvernement de la RDC. Plus tard, lorsque le RCD-Goma (Rassemblement congolais pour la démocratie-Goma) groupe de miliciens a repris l’Est du Congo, a déclaré le témoin, l’ANR est devenue l’ACR (Agence congolaise de renseignement) et était contrôlée par le RCD-K/ML (RCD-Kisangani / Mouvement de Libération). Iribi a témoigné qu’au fil du temps, il est devenu le directeur du renseignement de l’ACR.

Plus tard, a ajouté Iribi, il a servi à la fois comme officier de renseignement du FRPI et commissaire à la défense du FNI.

La formation du FRPI et du FNI

Selon le témoin, un groupe de réfugiés qui avaient fui Bunia, Mongbwalu, et d’autres zones de la région a créé le FRPI. Le FRPI n’avait pas de structure militaire à sa création, a indiqué Iribi, et ne s’est structuré militairement qu’après le début du processus de paix. Iribi a affirmé que jusque-là, les missions militaires menées par les membres du FRPI leur avaient été confiées par le RCD-K/ML ou l’ÉMOI (État-major opérationnel intégré).

Corroborant le témoignage de Njabu, Iribi dit que d’éminentes personnalités de Kpandroma ont créé le FNI en réponse à une demande des autorités ougandaises pour qu’ils s’impliquent dans les négociations de paix avec l’UPC de Thomas Lubanga (Union des patriotes congolais, Thomas Lubanga est aussi en procès devant la CPI). Iribi, comme Floribert Njabu, a été membre fondateur du FNI.

Il a témoigné que le FNI et le FRPI ont été en contact régulier.

Iribi a également témoigné que le gouvernement de Kinshasa a créé l’ÉMOI en tant que structure militaire à Beni. L’ÉMOI a fourni des munitions, de la logistique, la formation, des soldats, et un soutien stratégique aux milices armées en Ituri, selon le témoin. Comme Njabu, Iribi a témoigné que le gouvernement de la RDC avait des liens avec le RCD-K/ML et avait travaillé avec eux pour bloquer l’avance du RCD-Goma et du MLC (Mouvement de Libération du Congo, un groupe armé dont le chef Jean–Pierre Bemba est également en procès devant la CPI).

L’attaque de Bogoro

Iribi a reproché au gouvernement de la RDC l’attaque de Bogoro. Selon son témoignage, l’ÉMOI, la structure militaire soutenue par le gouvernement et basée à Beni, avait envoyé des officiers pour organiser les troupes dans la région d’Aveba et préparer l’attaque de Bogoro.

Iribi a affirmé que ni lui ni Katanga n’ont participé à l’attaque. Katanga est arrivé à Bogoro un jour plus tard, a-t-il dit. Iribi a également déclaré que Katanga n’était pas très respecté dans la zone de Bogoro, car il était considéré comme un étranger.

L’Ouganda n’a joué aucun rôle dans l’attaque, selon Iribi.

Enfants soldats dans le FRPI

Katanga et Ngudjolo ont tous les deux à répondre des charges de recrutement et d’utilisation d’enfants de moins de 15 ans en vue de participer à des hostilités. Iribi a affirmé que le FRPI n’avait pas de centres de recrutement ou de formation, et n’était pas une armée. Selon le témoin, toute personne de moins de 18 ans qui était avec les troupes du FRPI était là de sa propre initiative et pour sa propre sécurité. Il a affirmé qu’il n’y avait pas d’enfants soldats à Aveba.

Contre-interrogatoire

Présence civile à Bogoro

Dans le contre-interrogatoire, l’accusation a demandé au témoin si oui ou non il savait qu’il y avait des civils à Bogoro au moment de l’attaque. Iribi a répondu qu’il avait entendu dire que des gens ont été tués dans l’attaque de Bogoro, mais a ajouté que selon le Ministre de la RDC pour les droits de l’homme, ces gens étaient des soldats. Il avait présumé que les civils avaient tous fui Bogoro au moment de l’attaque de février 2003, car la ville avait été attaquée à deux reprises (en janvier 2001 et août 2002). Il a pensé que toute personne restée à Bogoro était soit soldat de l’UPC soit autrement associée à l’UPC.

Soutien rwandais à l’UPC

Le témoin a aussi déclaré qu’il y avait bien des rumeurs concernant le soutien du Rwanda à l’UPC, mais qu’il ne savait pas si ces rumeurs étaient fondées. Iribi a déclaré que la coopération entre l’UPC et l’UPDF (Forces de défense du peuple ougandais, l’armée ougandaise) s’est terminée à cause de la coopération entre l’UPC et le Rwanda, mais qu’il ignorait les détails de cette coopération.

L’accusation a attaqué la crédibilité de ce témoignage, en laissant entendre qu’en tant qu’officier de renseignement, Iribi a dû être au courant de la coopération entre l’UPC et le Rwanda.

« Oui, j’étais officier du renseignement à ce moment-là, mais je ne peux pas confirmer quelque chose que j’ignorais, comme les relations entre l’UPC et le Rwanda », a-t-il répondu.

Le témoin a expliqué que les relations entre l’UPC et le Rwanda n’étaient pas évidentes, et le fait qu’il y ait eu des Tutsis dans l’UPC ne signifiait pas que le Rwanda « approvisionnait » l’UPC. Il a admis qu’il y avait eu des rumeurs parachutage de munitions par le Rwanda, mais n’a pas pu confirmer que c’était vrai.

Iribi a également témoigné que, bien que les combattants Lendu RCD-K/ML et de la région aient coopéré, le but des combats était de reprendre la région de l’Ituri des mains de l’UPC. L’attaque de Bogoro n’était pas à caractère ethnique, a-t-il dit, mais c’était une attaque stratégique pour prendre le contrôle de la zone.

Mettant l’accent sur les tensions ethniques du conflit, l’Accusation a interrogé le témoin sur une conversation qu’il aurait eue avec le Ministre des droits de l’homme de la RDC. Le Ministre avait dit qu’il avait rencontré Iribi alors que les soldats ramassaient les corps. Le Ministre a délibérément demandé à Iribi de ramasser le corps d’une jeune fille pour l’enterrer. Iribi aurait répondu que cette fille n’était pas de son ethnie et que les chiens pouvaient dévorer son cadavre.

Iribi a vigoureusement rejeté ces assertions.

« Cela ne me ressemble point … Je ne me souviens pas d’avoir fait une telle déclaration … J’ai mes propres convictions personnelles, et à cette époque, j’étais en réalité beaucoup plus proche de la population Hema », a-t-il dit.

Des allégations sur le comportement contraire à l’éthique de l’Accusation

Fin du contre-interrogatoire de l’Accusation. L’avocat de la défense de Katanga, qui s’était opposé à cette dernière méthode d’interrogatoire, a remis en question l’éthique de l’Accusation qui a soulevé cette question. Il considère que c’était conclure le contre-interrogatoire avec un « effet de manche dramatique » et une injustice immense faite au témoin et que la défense avait été prise de court ou n’avait pas eu la possibilité de prévenir cette injustice.

La chambre a fait remarquer qu’elle était surprise d’apprendre qu’ « une déclaration qui n’est pas neutre a été mentionnée à la fin du contre-interrogatoire. » Mais le témoin avait répondu, avait contesté la déclaration, et son témoignage avait été noté, ce qui, de l’avis des juges, a conclu la question.

Cependant l’Accusation a répondu en faisant remarquer qu’elle « fait son travail en conformité avec les règles établies par cette chambre. » L’Accusation a rappelé la façon dont la défense a traité les témoins à charge, y compris la référence à la vie privée d’un témoin.

Le juge président a rappelé à l’Accusation qu’il y a un problème de transparence dans la procédure et a souligné que le témoin ne doit pas être surpris par quoi que ce soit. Toutefois, le juge président a réaffirmé que la déposition du témoin avait été notée et serait dûment évaluée par la chambre au cours des délibérations.

Questions posées par les représentants légaux des victimes

Le représentant légal des enfants soldats a demandé au témoin d’expliquer la création du centre de démobilisation des enfants soldats à Aveba, à la lumière du témoignage antérieur du témoin selon lequel il n’y avait pas d’enfants soldats à Aveba. Le témoin a répondu que le centre a été créé dans le cadre du programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). Iribi a déclaré que, grâce à ce processus, plusieurs sites de démobilisation ont été créés, dont un à Aveba. Toutefois, la présence des sites de démobilisation dans un lieu particulier ne signifie pas qu’il y avait des enfants soldats à ces endroits, a ajouté Iribi.

Questions des juges

La chambre a concentré ses questions sur le rôle de l’ÉMOI dans l’attaque de Bogoro. Iribi a décrit l’ÉMOI comme un organe de coordination rendant des décisions exécutoires sur les opérations dans la région et dépendant directement de Kinshasa.

Le témoin a déclaré que plusieurs réunions ont eu lieu au siège de l’ÉMOI, y compris une réunion où le colonel Aguru a présenté une carte de l’Ituri et discuté de la façon de reprendre la région. Toutefois, a soutenu Iribi, il n’a pas été invité à des réunions stratégiques ou confidentielles. Ces réunions ont été suivies par le personnel de l’ÉMOI et des représentants des groupes de milices locales, a-t-il dit.

Il a aussi témoigné que Katanga et Ngudjolo étaient tous les deux en contact avec le siège  de l’ÉMOI à Beni. Il a ajouté que Katanga avait une relation personnelle avec le colonel Aguru, et les relations militaires étaient basées sur cette relation personnelle.

Selon Iribi, lors d’une réunion de l’ÉMOI, ils ont discuté de l’attaque de Bogoro. Toutefois, Iribi a fait valoir qu’aucune cible directe n’a été fixée, et l’objectif était de couper la station de l’UPC à Bogoro d’une route d’approvisionnement militaire.

Iribi a également affirmé que la question des civils à Bogoro n’a pas été soulevée lors de cette réunion, mais a dit qu’il y avait eu l’instruction formelle de veiller à ce que le massacre ne se produise pas. Peut-être que ces ordres n’étaient pas assez clairs, a-t-il spéculé, mais il y avait des instructions qui ont été tirées des règles selon lesquelles les civils ne doivent pas être attaqués. Ces instructions ont été données aux commandants, et non aux soldats.

Le juge président a demandé si les planificateurs étaient conscients du fait que l’envoi d’assaillants Lendu pour attaquer Bogoro a créé la possibilité dangereuse que les combattants attaquent également les civils Hema.

« Oui, je pense qu’ils doivent avoir été au courant, parce que le conflit entre les Hema et les Lendu se déroulait à ce moment, et cela a dû les pousser à prendre des mesures auparavant. Je ne sais pas s’ils ont réussi à le faire, mais le risque existait, au cas où ces personnes étaient présentes là-bas », a répondu le témoin.

Le témoin a aussi déclaré qu’il n’y avait pas de stratégie officielle de rassemblement de combattants en vue de l’attaque et que les participants s’étaient eux-mêmes invités au rassemblement. Pour compliquer la question de savoir qui peut être l’ultime responsable de l’attaque, le témoin a dit que d’éminentes personnalités de la région avaient autorité sur les combattants Lendu qui se battaient en Ituri et étaient informés par l’ÉMOI.

« Ce sont ces gens qui disaient que ceci devrait se produire et cela devrait être fait » a-t-il ajouté. « Ce qu’ils disaient était accepté … S’ils avaient dit non à l’attaque, même si Kinshasa avait décidé d’y aller, rien ne serait arrivé. »

Le témoin poursuit son témoignage le 2 mai 2011.

2 Commentaires
  1. Je suis journaliste à LE SOFT INTERNATIONAL, un journal paraissant en RD Congo (www.lesoftonline.net), chargé de la Justice internationale. Je vous félicite pour votre travail qui contribue, non seulement à donner de l’information, la vraie mais aussi à lutter contre l’impunité de crimes graves. Membre de l’Association des journalistes à la Cour pénale internationale – jusque-là le seul journaliste de la RD Congo – je vous prie de bien vouloir me faire parvenir, de manière régulière, des communiquésde presse sur les derniers développements des affaires en instance devant les juridictions internationales.
    Merci
    Désiré
    (00243) 998167713


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