Les procès de Thomas Lubanga, Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo à la CPI touchent à leur fin. Mais qu’en est-il la justice pour les millions d’autres victimes du conflit de la RDC qui n’ont pas fait l’objet d’accusations de la CPI? Dans ce commentaire, Patryk Labuda[i] se livre, à titre d’invité, à une critique des tentatives de la RDC de créer des mécanismes de au niveau de la justice nationale pour rendre justice aux victimes de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et, éventuellement, de génocide. Les vues et opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement les vues et les opinions de l’Open Society Justice Initiative.
Le 19 août 2011, une commission parlementaire du Sénat congolais s’est réunie dans une salle située derrière les locaux du Parlement à Kinshasa. Le seul point à l’ordre du jour ce jour-là était la plus récente d’une longue série de propositions de loi visant à combler une lacune criante dans le processus de réforme du pays – l’impunité continue pour l’assassinat de pas moins de cinq millions de personnes dans un conflit génocidaire qui a duré presque une décennie[ii]. Après une réunion de deux heures, les membres de la commission ont conclu que la proposition du gouvernement de mettre en place un tribunal spécial pour juger les crimes internationaux était inadéquate, et recommandé que cette proposition soit revue. Bien que personne ne l’ait dit ouvertement à l’époque, dans la pratique, la décision signifiait que le Sénat ne serait pas en mesure de se pencher sur cette question avant les élections de novembre 2011. Plus crûment, cela signifiait que dans le cadre de son mandat de cinq ans, le Parlement congolais – la première législature démocratiquement élue de l’histoire du pays – n’avait enregistré aucun progrès sur l’une des exigences les plus pressantes de ses citoyens et l’un des plus grands défis dans la construction de la démocratie dans un pays post-conflit : faire juger les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et – dans le cas de la RDC – peut-être de génocide.
La décision prise trois jours plus tard par l’assemblée plénière du Sénat d’entériner la recommandation de la commission a marqué la fin d’une année d’activité exceptionnelle dans le domaine de la justice internationale en RDC. Pendant des mois, des ONG et des organisations nationales et internationales – y compris acteurs de premier plan tels que l’Open Society Institute pour l’Afrique australe, Human Rights Watch, Amnesty International, l’Union européenne, et l’ambassadeur itinérant américain pour les crimes de guerre – avaient travaillé avec le autorités congolaises à la mise en place d’un tribunal hybride pour juger les crimes internationaux. Ce poste retrace ces évolutions, et analyse les grands débats législatifs, politiques et juridiques de l’année dernière. Ce qu’il montre d’une manière plus générale, c’est que si le résultat des efforts de cette année a été un échec, il ne s’est pas du tout agi d’un échec prédestiné. Il y a place pour un optimisme prudent concernant l’avenir de la justice internationale en RDC.
A coup sûr, avant 2010 la RDC avait déjà eu une longue histoire d’échecs législatifs et propositions sans enthousiasme de l’exécutif visant à mettre fin à l’impunité pour les crimes internationaux[iii]. La Cour pénale internationale, présente dans le pays depuis 2004, avait déclenché la procédure de jugement de quelques-uns des hauts responsables auteurs de crimes, mais il n’a jamais été prévu – comme le gouvernement de la RDC a reconnu à maintes reprises – de rendre justice aux millions de victimes congolaises. Cette tâche incombe en premier lieu au système de justice pénale nationale, conformément au principe de complémentarité du Statut de Rome. Dix ans après l’adhésion de la RDC au Statut de Rome, la triste mais pénible réalité est que les tribunaux nationaux au Congo se sont avérés inefficaces, avec seulement un nombre infime de procès pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Cette situation regrettable aurait pu commencer à changer en 2011. Une combinaison d’événements nationaux et internationaux ont donné un regain d’espoir à la quête de la justice internationale. La publication très médiatisée en octobre 2010 du Rapport Mapping des Nations unies « documentant les violations les plus graves des droits humains et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003 » a presque déclenché une querelle diplomatique, quand il a été révélé que le Rwanda avait fait pression sur l’ONU dans l’espoir de faire retirer le mot « génocide» du document. Le contenu du rapport a été divulgué à la presse dans un effort pour prévenir – avec succès, comme cela s’est avéré – une dilution de son impact grâce à une politique de la petite porte. En rétrospective, la tentative de classification juridique des crimes comme potentiellement constitutifs de « génocide », « … s’ils sont prouvés devant un tribunal compétent » [iv], semble revêtir moins d’importance que l’impulsion soutenue que cette tentative a imprimée à la lutte contre l’impunité en RDC. En réponse à sortie officielle du rapport, le gouvernement congolais, au lieu de s’attarder sur le terme de « génocide » ou d’autres conclusions et classifications discutables, a accueilli ses conclusions et s’est engagé à poursuivre la lutte contre l’impunité.
Les évolutions de la situation au plan national après la publication du rapport de l’ONU a semblé confirmer un effort renouvelé pour mettre une réforme de la justice depuis longtemps en souffrance, en particulier dans le domaine des crimes internationaux. Au début de novembre 2010, à la grande surprise des observateurs internationaux et des ONG nationales, la législation interne de mise en œuvre du Statut de Rome (la proposition de loi de mise en œuvre du Statut de Rome) a finalement trouvé sa place sur l’Ordre du jour l’Assemblée nationale. Le projet de loi avait été proposé par deux membres de l’Assemblée nationale (chambre basse du Parlement), l’Honorable Mutumbe et l’Honorable Nyabirungu, en mars 2008, mais aucun débat législatif n’a suivi – pour des raisons qui restent obscures – au cours des deux années et demie suivantes. Les principaux objectifs du projet de loi étaient la modification des définitions des crimes internationaux en droit pénal congolais, et la réforme du système judiciaire en déplaçant la compétence en matière de crimes internationaux des tribunaux militaires aux tribunaux civils. Ces deux modifications, couplées avec un certain nombre d’améliorations principalement de nature procédurale, étaient destinées à relancer la poursuite des crimes de guerre et crimes contre l’humanité en RDC, en ligne avec les normes internationales en matière de justice équitable.
Les débats sur la loi d’application tenus à l’Assemblée nationale le 3 et 4 novembre 2010, ont révélé une profonde méfiance à l’égard de la communauté internationale et des malentendus au sujet du rôle du Statut de Rome. De nombreux députés se sont opposés à la législation proposée sur la base d’une mauvaise compréhension de ses objectifs, et, en vérité, la proposition a failli voler en éclats pour une raison sans rapport avec l’affaire : l’abolition de la peine de mort. À la fin, après un débat intense, le projet de loi a été déclarée recevable, sous réserve d’un certain nombre d’amendements, et transmis pour examen à une commission technique parlementaire (La Commission politique, administrative et judiciaire – PAJ – de l’Assemblée nationale). Bien que la presse congolaise ait réagi très positivement en apprenant le vote de recevabilité, cet acte essentiellement symbolique avait peu de signification pratique. Ce n’était que la première étape d’un long processus législatif, qui aurait encore besoin de plusieurs commissions parlementaires dans les deux chambres (Haute et basse) du Parlement en vue de l’évaluation et l’approbation du projet de loi. Dans le même temps, les critiques parfois véhémentes formulées contre le projet de loi appelaient à la prudence – la transposition des normes du Statut de Rome vers le droit interne n’était pas une évidente en ce moment-là.
Cependant, une série d’évènements qui ont eu lieu dans les mois suivants font penser qu’un changement plus global d’attitude envers l’impunité se faisait jour. En novembre 2010, à peine un mois après la publication du rapport de l’ONU, le Ministère congolais de la justice a diffusé un projet de loi sur la création de chambres spécialisées pour juger les crimes internationaux dans le cadre du système judiciaire congolais[v]. Il s’agissait là d’une acceptation du modèle de tribunal hybride – à l’instar des expériences similaires au Cambodge, en Bosnie-Herzégovine et en Sierra Leone – que l’ONU avait déjà recommandé dans son Rapport Mapping. Des discussions informelles sur un tel projet en RDC avait en fait commencé bien avant la publication du rapport de l’ONU. Le projet de loi était clairement un produit inachevé à sa sortie, mais le Ministère de la justice, apparemment reconnaissant ses nombreuses lacunes, a immédiatement convoqué une conférence multisectorielle à la fin de novembre 2010 en vue d’aborder les problèmes non résolus et discuter des améliorations possibles.
Le projet de loi proposé par le ministère concernant les chambres spécialisées a marqué le début d’une intense activité dans le domaine de la justice internationale au cours des mois suivants. En réponse à l’appel du ministère pour des commentaires, plus de dix ONG et organisations nationales et internationales ont présenté des recommandations détaillées sur la meilleure façon de créer un organe judiciaire hybride chargé de lutter contre l’impunité dans le contexte très politisé de la justice en RDC. Une synthèse de ces recommandations est disponible en ligne[vi]. Pour ce qui concerne le présent article, il devrait suffire pour seulement mettre en évidence plusieurs questions, car elles restent aussi applicables aujourd’hui qu’elles l’étaient il y a plusieurs mois.
Premièrement, les autorités congolaises ont été exhortées à garantir – par opposition à rendre facultative – la participation du personnel international à la structure des tribunaux hybrides[vii]. Cela, disait-on, allait assurer une plus grande impartialité et l’indépendance de toute influence extérieure dans la réalisation d’enquêtes. Cependant, le personnel international devait rester minoritaire par rapport aux responsables congolais, ainsi que cela se passe avec la structure des CETC au Cambodge (Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens) [viii]. Deuxièmement, les droits de l’accusé devraient être assurés plus efficacement que par la procédure pénale congolaise. Troisièmement, un système complètement nouveau de protection et de participation des victimes et des témoins – inexistant en droit congolais – devra être créé et appliqué. Quatrièmement, les mineurs de moins de 18 ans ne devront pas être poursuivis par les chambres mixtes. Cinquièmement, les chambres devront avoir la compétence principale, mais non exclusive sur les crimes internationaux; en d’autres termes, les crimes de moindre gravité pourront être renvoyés à un tribunal ordinaire congolais pour procès. Sixièmement et à la suite du point précédent, la compétence secondaire sur de tels crimes ne serait plus gérée par des tribunaux militaires – les tribunaux civils devront en être responsables, comme l’exigent les normes internationales en matière de justice équitable. Last but not least – il s’est agi et il s’agit toujours de la question la plus controversée- les chambres spécialisées devront avoir compétence sur tous les crimes commis après 1990 et jusqu’à ce jour. Tout d’abord, le Rapport Mapping de l’ONU n’avait couvert que les crimes commis entre 1993 et 2003, mais le gouvernement et la plupart des observateurs nationaux et internationaux ont décidé que les chambres spécialisées doivent également se pencher sur des atrocités commises après l’instauration de réformes démocratiques en RDC, c’est à dire après 2002/2003.
La liste ci-dessus est l’expression simplifiée et bien ordonnée d’un ensemble extrêmement complexe de problèmes juridiques et politiques. Certaines de ces questions ne se prêtent pas à une résolution facile. D’autres solutions – plus particulièrement, le dernier point concernant la compétence temporelle – créer plus de problèmes qu’elles ne prétendent en résoudre. Le présent article n’est pas le lieu pour discuter de ces subtilités juridiques, et de toute façon il y aura également d’importantes décisions en matière de politiques à suivre à court et à long terme dont il faudra tenir compte[ix]. Cependant, ce qu’il faut noter c’est que le Ministère congolais de la justice semblait reconnaître l’importance de s’attaquer à ces subtilités techniques. Une deuxième conférence multisectorielle a eu lieu en avril 2011 à Goma, et si elle a été co-organisée par la Coalition congolaise pour la justice transitionnelle et Human Rights Watch, le ministre de la Justice, Luzolo Bambi Lessa, et autres fonctionnaires du gouvernement y ont cependant assisté. Par ailleurs, entretemps, la Commission Permanente de Réforme du Droit Congolais avait été officiellement chargé par le Ministère de la justice de proposer des amendements techniques juridiques au projet de loi.
La politique a rapidement encore plus compliqué les débats juridiques et politiques complexes évoqués ci-dessus. Un des principaux défis attendant le Ministère de la justice, ainsi que ses partenaires nationaux et internationaux, a été la contrainte de temps liée aux deuxièmes élections démocratiques de l’histoire du pays prévues pour fin 2011. En janvier 2011, le gouvernement a fait adopter par le Parlement une série d’amendements constitutionnels (bien qu’au moins un de ces amendements ait été lui-même anticonstitutionnel). La modification la plus largement rapportée instituait une élection présidentielle à un tour, que le Parlement devait rendre possible du point de vue logistique, en approuvant un certain nombre de lois liées aux élections. Dans ce contexte de débats électoraux fortement volatiles et politiquement chargés, le Ministère de la justice a mis en œuvre son plan visant à obtenir l’approbation parlementaire pour les chambres spécialisées. Le Conseil des Ministres, organe exécutif, a approuvé l’idée de chambres spécialisées en février, et le projet de loi a été officiellement soumis pour délibération à l’Assemblée nationale en avril.
De sérieux retards dans la préparation des élections – qui, encore aujourd’hui risquent toujours d’être reportés à la dernière minute – signifiaient que le projet de loi instituant les chambres spécialisées n’a été discuté que le 13 juin, deux jours avant la fin de la session législative du printemps. Le Ministre de la justice a présenté le projet en personne au Parlement ce jour-là. Après un bref résumé des principaux objectifs du projet et des points forts, un grand nombre de députés ont refusé de voter sur la recevabilité du projet de loi. Il y avait un sentiment général que l’on était entrain de faire passer la loi en force par le Parlement, sans se donner suffisamment de temps pour en débattre. Les députés n’en voulaient pas, et un débat de fond sur les mérites du projet a dû être ajourné jusqu’au 15 juin, dernier jour de la session législative du printemps. On reparlera du débat du 15 juin plus tard, mais il convient de noter ici qu’en raison des élections de cette année, toutes les propositions législatives devront être approuvées soit à la session de printemps ou en session d’automne (durée : seulement un mois) ou bien ils risqueront d’être abandonnés avec la fin du mandat parlementaire de cinq ans.
À la lumière de ces contraintes de temps, la réticence des députés à approuver les chambres spécialisées comme moyen de mettre fin à l’impunité peut sembler paradoxale, voire carrément sinistre. Pourquoi les représentants du peuple ne veulent pas de responsabilité pour les crimes internationaux commis dans leur pays? En réalité, des ressentiments et des incompréhensions plus profonds se trouvaient au cœur de la décision de l’Assemblée nationale. Selon la procédure parlementaire, les législateurs avaient droit à une pause de deux jours afin de prendre connaissance de la loi sur laquelle ils allaient voter. Plus important encore, de nombreux députés étaient troublés par la soudaineté de la proposition, et par le fait qu’aucune explication n’avait été fournie par le Ministre de la justice quant au rapport entre les chambres spécialisées et la législation de mise en œuvre du Statut de Rome qui avait déjà été déclarée recevable juste quelques mois plus tôt.
Le rapport entre les deux projets de lois – législation d’application du Statut de Rome et législation sur les chambres spécialisées – avait été une source de tension pendant un certain temps, et allait s’avérer être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. La tension provenait du fait que les deux législations avaient des objectifs similaires, mais des moyens d’exécution différents. Ces deux lois ont cherché à réformer le droit et la procédure applicable aux crimes internationaux. Selon la loi d’application, les Cours d’appel civiles congolaises existantes se verraient accorder la compétence, tandis que les chambres spécialisées s’appuieraient à la fois sur l’expertise des congolais et celle de leurs homologues internationaux. La composante internationale – et c’est là que réside la différence fondamentale – était destinée à fournir aux chambres spécialisées un mandat clair et des ressources pour également poursuivre des crimes commis avant 2002 (en plus des crimes commis après cette date). En bref, la loi d’application était une version plus modeste des chambres spécialisées – moins ambitieuse à bien des égards (notamment en matière de crimes du passé), mais probablement plus facile, moins coûteuse et plus rapide en pratique[x]. Pourtant, malgré le caractère urgent de la procédure législative décrite précédemment, la Commission PAJ de l’Assemblée nationale a refusé de travailler sur la loi d’application du Statut de Rome entre novembre 2010 et juin 2011. C’est seulement en juin qu’une sous-commission spéciale de la PAJ a été convoquée, sous la pression significative des acteurs internationaux. Quelques jours seulement avant l’intervention du Ministre de la justice devant l’Assemblée nationale, un atelier d’une semaine avait finalement réussi à rédiger un projet révisé de loi d’application pour approbation (présumée) de l’Assemblée d’approbation.
Voila le contexte dans lequel le Ministre de la justice a présenté le projet de loi sur les chambres spécialisées le 13 juin. Après avoir été témoin d’une forte opposition de nombreux députés congolais ce jour-là, il a pris la décision, qui s’est avérée fatidique, de ne pas revenir à l’Assemblée nationale deux jours plus tard pour défendre la proposition ; mais il a plutôt présenté une loi d’habilitation totalement étrangère et inhabituelle au Sénat. L’unique objectif de la loi était d’accorder à l’exécutif des pouvoirs extraordinaires en vue de légiférer dans un certain nombre de domaines d’une importance accrue avant les élections, y compris la proposition sur les chambres spécialisées. En réalité, la loi d’habilitation revenait à une tentative pas très discrète de contourner le processus législatif prévu par la constitution; en d’autres termes, quelque chose comme un coup d’Etat transférant d’énormes pouvoirs législatifs à l’exécutif, quelques mois avant les élections. Le Sénat n’en voulait pas. Le Ministre de la Justice, qui a de nouveau défendu personnellement au Sénat la loi d’habilitation ainsi que la justification de l’institution de chambres spécialisées, a été repoussé par les sénateurs dans un langage de dérision à peine dissimulé.
Tout n’était pas perdu, cependant. Une session d’été spéciale du Parlement fut convoquée pour août, et encore une fois la loi sur les chambres spécialisées était à l’ordre du jour, vraisemblablement en raison d’un intense lobbying de la part du Ministère de la justice. Au contraire, la loi d’application du Statut de Rome – une proposition parlementaire sans le soutien du gouvernement – était absente de l’ordre du jour de la session d’été. Le Ministre de la justice est retourné au Sénat pour présenter une proposition révisée à la mi-août – entre autres modifications juridiques, la juridiction hybride était désormais reclassée comme « Tribunal spécial » – mais il a encore été accueilli avec hostilité tours aussi affirmée. Un certain nombre de sénateurs ont attaqué le Tribunal spécial comme étant une atteinte illégitime et inutile à la souveraineté du pays, et un signe de l’ingérence internationale dans les affaires intérieures de la RDC. Le projet était considéré par certains sénateurs comme un aveu d’impuissance politique du le gouvernement pour ce qui était d’effectuer un réforme significative de la justice. De nombreuses critiques ont également été exprimées quant à la faisabilité financière et la durabilité d’un tribunal hybride, et en particulier la question de la rémunération du personnel. Plusieurs sénateurs ont décrié ce qu’ils considéraient comme une divergence inévitable et inéquitable de rémunération entre le personnel des tribunaux congolais et leurs homologues internationaux, ce qui ne servirait qu’à perpétuer le ressentiment et l’hostilité entre Congolais et étrangers. Ces critiques et d’autres moins importantes laissaient croire que le projet de loi pourrait être en danger de rejet pur et simple (mais ce n’était guère prédestiné), lorsque, dans un tournant plutôt inattendu des événements, le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, n’a même pas permis un vote sur la recevabilité du projet de loi, comme le lui imposait la procédure. Ce infraction à la procédure parlementaire semblait rappeler d’une manière inquiétante la politique de puissance de l’époque Mobutu. Malgré de violentes protestations, Kengo est resté intraitable sur la question – en soutenant, notamment, que « si vous ne l’approuve pas aujourd’hui, l’ONU va vous forcer à le faire de toute façon » – et le projet de loi a été à la fin passé au forceps au Sénat et envoyé directement à sa Commission PAJ pour complément d’examen (le Sénat congolais avait une Commission PAJ séparée).
Cette bouée de sauvetage temporaire s’set révélée illusoire. Les Sénateurs de la Commission PAJ se sont révolté, en se rappelant qu’en juin le Ministre de la justice avait tenté de contourner la procédure législative, et qu’à cette occasion, le président du Sénat avait utilisé des moyens discutables en matière d’éthique et de procédure pour maintenir le projet de loi à flot. Comme je l’ai noté dans le premier paragraphe du présent article, les membres du comité ont refusé d’approuver le Tribunal spécial le 19 août 2011. Au lieu de cela, ils ont recommandé que la législation sur le Tribunal spécial soit fusionnée avec la loi de mise en application du Statut de Rome, en vue d’effectuer une réforme générale et cohérente de la justice en matière de crimes internationaux. Leur proposition était aussi sage dans l’abstrait qu’elle était irréaliste dans la pratique. En raison de contraintes de temps, ainsi que de la complexité et la sensibilité politique de la tâche qu’ils demandaient, la décision de la Commission signifiait qu’il n’y aurait de progrès tangibles en matière d’impunité qu’après les élections, et que le mandat du Parlement de cinq ans aura expiré sans aucune nouvelle législation sur les crimes internationaux. La justice pour des millions de victimes des guerres dans le pays était de nouveau été mis en attente, sans aucune garantie quant au moment où on allait ou pourrait se pencher sur le problème de l’impunité dans le pays.
C’était un final décevant pour une année bien remplie. On ne peut nier que le rejet par le Sénat de l’idée d’un Tribunal spécial et l’échec du Parlement à adopter une législation de mise en œuvre du Statut de Rome aient tous les deux constitué de sérieux revers pour la poursuite de la justice internationale. Le gouvernement congolais, à travers son Ministère de la justice, a commis une série d’erreurs tactiques dans la lutte contre ce qui est, en fin de compte, une question hautement politisée et volatile. Ce n’est pas par hasard que le premier sénateur à pester contre le Tribunal spécial pendant la session d’été législatives était un représentant de l’ancienne faction du RCD-Goma, dont les membres ont longtemps été soupçonnés de violations graves du droit humanitaire international dans l’Est du Congo. En effet, pour certains responsables et agents de l’État congolais (en particulier dans l’armée), la responsabilité pour les crimes internationaux est à peine une quête abstraite de la justice. C’est choisir entre la liberté et une possible incarcération.
Mais ce serait une erreur que d’attribuer ce recul à la seule politique de pouvoir. Des forces plus profondes, à la fois d’ordre idéologique et institutionnel, étaient en jeu, et il y a des leçons à tirer de ces expériences. Ainsi, il semblerait qu’une plus grande sensibilisation doit être entreprise pour expliquer les idées derrière la justice pénale internationale. Il faut que les parlementaires congolais soient mis au courant de ce qui est en jeu dans le but d’éviter de perpétuer de fausses dichotomies, comme le choix entre la justice pour les victimes et l’ingérence internationale, l’adoption du Statut de Rome ou l’abolition de la peine de mort, l’amélioration du système de justice interne ou l’abdication de la souveraineté nationale. La société civile nationale et la communauté internationale doivent mieux coordonner leurs activités en vue de rendre possible cet effort de sensibilisation. Les Nations-Unies, le grand absent de la plupart des négociations de cette année et de l’année dernière (suite à la publication du rapport Mapping) doivent être plus engagées. Il faut que plus d’attention soit accordée aux anciens centres de pouvoir, tels que le système de justice militaire qui de toute évidence cherche à conserver son pouvoir sur la justice pénale internationale. La neutralisation de la puissance politique et de l’influence judiciaire des militaires n’est pas un objectif facile à atteindre, et beaucoup de choses vont dépendre de la détermination du gouvernement à faire face à des structures de pouvoir bien établies.
Les élections de cette année, qui constituent le second vote démocratique de l’histoire de la nation, sont lourdes à la fois de promesses et de risques. L’entrée en fonction d’un nouveau groupe de parlementaires et, potentiellement, d’un nouveau gouvernement (ce qui est moins probable étant donné que le Président Joseph Kabila devrait se faire réélire) pourrait marquer le début d’une nouvelle ère pour les efforts en matière de justice en RDC. Mais la réforme mise en œuvre dépendra, comme toujours, de l’apprentissage à partir de l’expérience du pays en évitant les erreurs du passé. Malgré l’incapacité du Parlement à mettre en œuvre des réformes au cours de cette législature, les débats de cette année sur la responsabilité pour les crimes internationaux ont accru la sensibilisation à la question parmi les Congolais, et donné naissance à un nouvel espoir et de nouvelles attentes parmi les victimes. Le gouvernement a réagi en prenant des mesures concrètes – certainement pas assez – en vue de traduire en justice les auteurs de graves violations des droits humains. Cela est rassurant. Finalement, la fin de l’impunité ne peut se réaliser qu’avec le soutien du peuple congolais. Mais, en attendant, la communauté internationale doit poursuivre son engagement auprès des acteurs congolais à cette fin en faisant progresser des réformes internes répondant aux normes internationales.
[i] Patryk I. Labuda est un doctorant en Histoire du droit et en Droit international à l’Université de Virginie. Il a travaillé comme expert en justice civile à la Mission européenne de police en République Démocratique du Congo (EUPOL RD Congo) en 2010 – 2011
[ii] Ce chiffre très diffusé de plus de cinq millions de morts peut être attribué une étude d’International Rescue Committee: Mortalité en République Démocratique du Congo. Une crise qui continues, 2007. Ce chiffre a été contesté par certains observateurs, voir Projet Rapport sur le Sécurité Humaine. Rapport sur la sécurité humaine 2009/2010: Les causes de la paix et la baisse des coûts de la guerre. New York: Oxford University Press, 2010, p. 123-131.
[iii] Dans cet article, les termes ‘législatif’ et ‘exécutif’ font référence aux branches respectives du gouvernement congolais. Lorsque le terme ‘gouvernement’ est utilisé tout seul, il fait référence à la branche exécutive par opposition à la branche législative. This distinction may not be clear to American readers.
[iv] Le Rapport de Mapping des Nations Unies qui documente les violations les plus graves en matière de droits humains et de droit humanitaire international commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003, 2010, p. 14.
[v] It est important de noter la distinction essentielle entre projet de loi et proposition de loi au Congo. Dans le premier cas, il s’agit d’un projet de loi du gouvernement appuyé par le Ministre de la justice. Dans le deuxième cas, il s’agit d’un projet soumis au Parlement – en général sans appui du gouvernement, ou pire malgré le désaccord du gouvernement – par un ou plusieurs parlementaires. Les Chambres spécialisées / la Cour spéciale sont un projet de loi. La législation d’application du Statut de Rome est une proposition de loi.
[vi] RD Congo: Commentaires sur l’avant-projet de loi portant création de chambres spécialisées, disponible sur le site web de Human Rights Watch : http://www.hrw.org/fr/node/97326 (dernière visite : 24 octobre 2011). Il est à noter qu’il ne s’agit pas de la version originale des recommandations qui ont été transmises au Ministre congolais de la justice. Les recommandations étaient à l’origine un effort de compilation entrepris par OSISA-DRC and EUPOL RD Congo, et servent de base au document de politique de HRW.
[vii] Le terme ‘hybride’ fait référence à la composition proposée du personnel des chambres spécialisées. Ce personnel sera composé d’experts nationaux et internationaux. Dans d’autres contextes – notamment la Cour spéciale pour la Sierra Leone – le terme ‘hybride’ peut également désigner la loi applicable, c’est-à-dire un mélange de législations nationale et internationale.
[viii] Les similarités entre Cour hybride congolaise / chambres et les CETC devrait faire réfléchir tout observateur critique du processus congolais. On rapporte qu’au Cambodge, les procès CETC ont été gâchés par des interférences politiques. Il se trouve également que la politique semble constituer l’un des principaux obstacles dans la lutte de la RDC contre l’impunité.
[ix] Les questions juridiques sont examinées plus en détail dans : Patryk I. Labuda, Bonne et mauvaise application du Statut de Rome à la législation nationale en République Démocratique du Congo, à paraître 2012.
[x] Il y a beaucoup d’autres différences juridiques plus techniques entre les deux lois, qui ne peuvent pas être décrites dans le présent article. Cependant, il faut bien insister sur le fait que l’autre différence significative était que la loi d’application était une proposition de loi (du parlement), alors que la loi des chambres spécialisées était un projet de loi (du gouvernement – Ministère de la justice).
La République Démocratique du Congo ne s’attaque pas au problème de l’impunité pour les crimes internationaux : la question vue de l’intérieur de la procédure législative 2010-2011
Les procès de Thomas Lubanga, Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo à la CPI touchent à leur fin. Mais qu’en est-il la justice pour les millions d’autres victimes du conflit de la RDC qui n’ont pas fait l’objet d’accusations de la CPI? Dans ce commentaire, Patryk Labuda[i] se livre, à titre d’invité, à une critique des tentatives de la RDC de créer des mécanismes de au niveau de la justice nationale pour rendre justice aux victimes de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et, éventuellement, de génocide. Les vues et opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement les vues et les opinions de l’Open Society Justice Initiative.
Le 19 août 2011, une commission parlementaire du Sénat congolais s’est réunie dans une salle située derrière les locaux du Parlement à Kinshasa. Le seul point à l’ordre du jour ce jour-là était la plus récente d’une longue série de propositions de loi visant à combler une lacune criante dans le processus de réforme du pays – l’impunité continue pour l’assassinat de pas moins de cinq millions de personnes dans un conflit génocidaire qui a duré presque une décennie[ii]. Après une réunion de deux heures, les membres de la commission ont conclu que la proposition du gouvernement de mettre en place un tribunal spécial pour juger les crimes internationaux était inadéquate, et recommandé que cette proposition soit revue. Bien que personne ne l’ait dit ouvertement à l’époque, dans la pratique, la décision signifiait que le Sénat ne serait pas en mesure de se pencher sur cette question avant les élections de novembre 2011. Plus crûment, cela signifiait que dans le cadre de son mandat de cinq ans, le Parlement congolais – la première législature démocratiquement élue de l’histoire du pays – n’avait enregistré aucun progrès sur l’une des exigences les plus pressantes de ses citoyens et l’un des plus grands défis dans la construction de la démocratie dans un pays post-conflit : faire juger les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et – dans le cas de la RDC – peut-être de génocide.
La décision prise trois jours plus tard par l’assemblée plénière du Sénat d’entériner la recommandation de la commission a marqué la fin d’une année d’activité exceptionnelle dans le domaine de la justice internationale en RDC. Pendant des mois, des ONG et des organisations nationales et internationales – y compris acteurs de premier plan tels que l’Open Society Institute pour l’Afrique australe, Human Rights Watch, Amnesty International, l’Union européenne, et l’ambassadeur itinérant américain pour les crimes de guerre – avaient travaillé avec le autorités congolaises à la mise en place d’un tribunal hybride pour juger les crimes internationaux. Ce poste retrace ces évolutions, et analyse les grands débats législatifs, politiques et juridiques de l’année dernière. Ce qu’il montre d’une manière plus générale, c’est que si le résultat des efforts de cette année a été un échec, il ne s’est pas du tout agi d’un échec prédestiné. Il y a place pour un optimisme prudent concernant l’avenir de la justice internationale en RDC.
A coup sûr, avant 2010 la RDC avait déjà eu une longue histoire d’échecs législatifs et propositions sans enthousiasme de l’exécutif visant à mettre fin à l’impunité pour les crimes internationaux[iii]. La Cour pénale internationale, présente dans le pays depuis 2004, avait déclenché la procédure de jugement de quelques-uns des hauts responsables auteurs de crimes, mais il n’a jamais été prévu – comme le gouvernement de la RDC a reconnu à maintes reprises – de rendre justice aux millions de victimes congolaises. Cette tâche incombe en premier lieu au système de justice pénale nationale, conformément au principe de complémentarité du Statut de Rome. Dix ans après l’adhésion de la RDC au Statut de Rome, la triste mais pénible réalité est que les tribunaux nationaux au Congo se sont avérés inefficaces, avec seulement un nombre infime de procès pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Cette situation regrettable aurait pu commencer à changer en 2011. Une combinaison d’événements nationaux et internationaux ont donné un regain d’espoir à la quête de la justice internationale. La publication très médiatisée en octobre 2010 du Rapport Mapping des Nations unies « documentant les violations les plus graves des droits humains et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003 » a presque déclenché une querelle diplomatique, quand il a été révélé que le Rwanda avait fait pression sur l’ONU dans l’espoir de faire retirer le mot « génocide» du document. Le contenu du rapport a été divulgué à la presse dans un effort pour prévenir – avec succès, comme cela s’est avéré – une dilution de son impact grâce à une politique de la petite porte. En rétrospective, la tentative de classification juridique des crimes comme potentiellement constitutifs de « génocide », « … s’ils sont prouvés devant un tribunal compétent » [iv], semble revêtir moins d’importance que l’impulsion soutenue que cette tentative a imprimée à la lutte contre l’impunité en RDC. En réponse à sortie officielle du rapport, le gouvernement congolais, au lieu de s’attarder sur le terme de « génocide » ou d’autres conclusions et classifications discutables, a accueilli ses conclusions et s’est engagé à poursuivre la lutte contre l’impunité.
Les évolutions de la situation au plan national après la publication du rapport de l’ONU a semblé confirmer un effort renouvelé pour mettre une réforme de la justice depuis longtemps en souffrance, en particulier dans le domaine des crimes internationaux. Au début de novembre 2010, à la grande surprise des observateurs internationaux et des ONG nationales, la législation interne de mise en œuvre du Statut de Rome (la proposition de loi de mise en œuvre du Statut de Rome) a finalement trouvé sa place sur l’Ordre du jour l’Assemblée nationale. Le projet de loi avait été proposé par deux membres de l’Assemblée nationale (chambre basse du Parlement), l’Honorable Mutumbe et l’Honorable Nyabirungu, en mars 2008, mais aucun débat législatif n’a suivi – pour des raisons qui restent obscures – au cours des deux années et demie suivantes. Les principaux objectifs du projet de loi étaient la modification des définitions des crimes internationaux en droit pénal congolais, et la réforme du système judiciaire en déplaçant la compétence en matière de crimes internationaux des tribunaux militaires aux tribunaux civils. Ces deux modifications, couplées avec un certain nombre d’améliorations principalement de nature procédurale, étaient destinées à relancer la poursuite des crimes de guerre et crimes contre l’humanité en RDC, en ligne avec les normes internationales en matière de justice équitable.
Les débats sur la loi d’application tenus à l’Assemblée nationale le 3 et 4 novembre 2010, ont révélé une profonde méfiance à l’égard de la communauté internationale et des malentendus au sujet du rôle du Statut de Rome. De nombreux députés se sont opposés à la législation proposée sur la base d’une mauvaise compréhension de ses objectifs, et, en vérité, la proposition a failli voler en éclats pour une raison sans rapport avec l’affaire : l’abolition de la peine de mort. À la fin, après un débat intense, le projet de loi a été déclarée recevable, sous réserve d’un certain nombre d’amendements, et transmis pour examen à une commission technique parlementaire (La Commission politique, administrative et judiciaire – PAJ – de l’Assemblée nationale). Bien que la presse congolaise ait réagi très positivement en apprenant le vote de recevabilité, cet acte essentiellement symbolique avait peu de signification pratique. Ce n’était que la première étape d’un long processus législatif, qui aurait encore besoin de plusieurs commissions parlementaires dans les deux chambres (Haute et basse) du Parlement en vue de l’évaluation et l’approbation du projet de loi. Dans le même temps, les critiques parfois véhémentes formulées contre le projet de loi appelaient à la prudence – la transposition des normes du Statut de Rome vers le droit interne n’était pas une évidente en ce moment-là.
Cependant, une série d’évènements qui ont eu lieu dans les mois suivants font penser qu’un changement plus global d’attitude envers l’impunité se faisait jour. En novembre 2010, à peine un mois après la publication du rapport de l’ONU, le Ministère congolais de la justice a diffusé un projet de loi sur la création de chambres spécialisées pour juger les crimes internationaux dans le cadre du système judiciaire congolais[v]. Il s’agissait là d’une acceptation du modèle de tribunal hybride – à l’instar des expériences similaires au Cambodge, en Bosnie-Herzégovine et en Sierra Leone – que l’ONU avait déjà recommandé dans son Rapport Mapping. Des discussions informelles sur un tel projet en RDC avait en fait commencé bien avant la publication du rapport de l’ONU. Le projet de loi était clairement un produit inachevé à sa sortie, mais le Ministère de la justice, apparemment reconnaissant ses nombreuses lacunes, a immédiatement convoqué une conférence multisectorielle à la fin de novembre 2010 en vue d’aborder les problèmes non résolus et discuter des améliorations possibles.
Le projet de loi proposé par le ministère concernant les chambres spécialisées a marqué le début d’une intense activité dans le domaine de la justice internationale au cours des mois suivants. En réponse à l’appel du ministère pour des commentaires, plus de dix ONG et organisations nationales et internationales ont présenté des recommandations détaillées sur la meilleure façon de créer un organe judiciaire hybride chargé de lutter contre l’impunité dans le contexte très politisé de la justice en RDC. Une synthèse de ces recommandations est disponible en ligne[vi]. Pour ce qui concerne le présent article, il devrait suffire pour seulement mettre en évidence plusieurs questions, car elles restent aussi applicables aujourd’hui qu’elles l’étaient il y a plusieurs mois.
Premièrement, les autorités congolaises ont été exhortées à garantir – par opposition à rendre facultative – la participation du personnel international à la structure des tribunaux hybrides[vii]. Cela, disait-on, allait assurer une plus grande impartialité et l’indépendance de toute influence extérieure dans la réalisation d’enquêtes. Cependant, le personnel international devait rester minoritaire par rapport aux responsables congolais, ainsi que cela se passe avec la structure des CETC au Cambodge (Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens) [viii]. Deuxièmement, les droits de l’accusé devraient être assurés plus efficacement que par la procédure pénale congolaise. Troisièmement, un système complètement nouveau de protection et de participation des victimes et des témoins – inexistant en droit congolais – devra être créé et appliqué. Quatrièmement, les mineurs de moins de 18 ans ne devront pas être poursuivis par les chambres mixtes. Cinquièmement, les chambres devront avoir la compétence principale, mais non exclusive sur les crimes internationaux; en d’autres termes, les crimes de moindre gravité pourront être renvoyés à un tribunal ordinaire congolais pour procès. Sixièmement et à la suite du point précédent, la compétence secondaire sur de tels crimes ne serait plus gérée par des tribunaux militaires – les tribunaux civils devront en être responsables, comme l’exigent les normes internationales en matière de justice équitable. Last but not least – il s’est agi et il s’agit toujours de la question la plus controversée- les chambres spécialisées devront avoir compétence sur tous les crimes commis après 1990 et jusqu’à ce jour. Tout d’abord, le Rapport Mapping de l’ONU n’avait couvert que les crimes commis entre 1993 et 2003, mais le gouvernement et la plupart des observateurs nationaux et internationaux ont décidé que les chambres spécialisées doivent également se pencher sur des atrocités commises après l’instauration de réformes démocratiques en RDC, c’est à dire après 2002/2003.
La liste ci-dessus est l’expression simplifiée et bien ordonnée d’un ensemble extrêmement complexe de problèmes juridiques et politiques. Certaines de ces questions ne se prêtent pas à une résolution facile. D’autres solutions – plus particulièrement, le dernier point concernant la compétence temporelle – créer plus de problèmes qu’elles ne prétendent en résoudre. Le présent article n’est pas le lieu pour discuter de ces subtilités juridiques, et de toute façon il y aura également d’importantes décisions en matière de politiques à suivre à court et à long terme dont il faudra tenir compte[ix]. Cependant, ce qu’il faut noter c’est que le Ministère congolais de la justice semblait reconnaître l’importance de s’attaquer à ces subtilités techniques. Une deuxième conférence multisectorielle a eu lieu en avril 2011 à Goma, et si elle a été co-organisée par la Coalition congolaise pour la justice transitionnelle et Human Rights Watch, le ministre de la Justice, Luzolo Bambi Lessa, et autres fonctionnaires du gouvernement y ont cependant assisté. Par ailleurs, entretemps, la Commission Permanente de Réforme du Droit Congolais avait été officiellement chargé par le Ministère de la justice de proposer des amendements techniques juridiques au projet de loi.
La politique a rapidement encore plus compliqué les débats juridiques et politiques complexes évoqués ci-dessus. Un des principaux défis attendant le Ministère de la justice, ainsi que ses partenaires nationaux et internationaux, a été la contrainte de temps liée aux deuxièmes élections démocratiques de l’histoire du pays prévues pour fin 2011. En janvier 2011, le gouvernement a fait adopter par le Parlement une série d’amendements constitutionnels (bien qu’au moins un de ces amendements ait été lui-même anticonstitutionnel). La modification la plus largement rapportée instituait une élection présidentielle à un tour, que le Parlement devait rendre possible du point de vue logistique, en approuvant un certain nombre de lois liées aux élections. Dans ce contexte de débats électoraux fortement volatiles et politiquement chargés, le Ministère de la justice a mis en œuvre son plan visant à obtenir l’approbation parlementaire pour les chambres spécialisées. Le Conseil des Ministres, organe exécutif, a approuvé l’idée de chambres spécialisées en février, et le projet de loi a été officiellement soumis pour délibération à l’Assemblée nationale en avril.
De sérieux retards dans la préparation des élections – qui, encore aujourd’hui risquent toujours d’être reportés à la dernière minute – signifiaient que le projet de loi instituant les chambres spécialisées n’a été discuté que le 13 juin, deux jours avant la fin de la session législative du printemps. Le Ministre de la justice a présenté le projet en personne au Parlement ce jour-là. Après un bref résumé des principaux objectifs du projet et des points forts, un grand nombre de députés ont refusé de voter sur la recevabilité du projet de loi. Il y avait un sentiment général que l’on était entrain de faire passer la loi en force par le Parlement, sans se donner suffisamment de temps pour en débattre. Les députés n’en voulaient pas, et un débat de fond sur les mérites du projet a dû être ajourné jusqu’au 15 juin, dernier jour de la session législative du printemps. On reparlera du débat du 15 juin plus tard, mais il convient de noter ici qu’en raison des élections de cette année, toutes les propositions législatives devront être approuvées soit à la session de printemps ou en session d’automne (durée : seulement un mois) ou bien ils risqueront d’être abandonnés avec la fin du mandat parlementaire de cinq ans.
À la lumière de ces contraintes de temps, la réticence des députés à approuver les chambres spécialisées comme moyen de mettre fin à l’impunité peut sembler paradoxale, voire carrément sinistre. Pourquoi les représentants du peuple ne veulent pas de responsabilité pour les crimes internationaux commis dans leur pays? En réalité, des ressentiments et des incompréhensions plus profonds se trouvaient au cœur de la décision de l’Assemblée nationale. Selon la procédure parlementaire, les législateurs avaient droit à une pause de deux jours afin de prendre connaissance de la loi sur laquelle ils allaient voter. Plus important encore, de nombreux députés étaient troublés par la soudaineté de la proposition, et par le fait qu’aucune explication n’avait été fournie par le Ministre de la justice quant au rapport entre les chambres spécialisées et la législation de mise en œuvre du Statut de Rome qui avait déjà été déclarée recevable juste quelques mois plus tôt.
Le rapport entre les deux projets de lois – législation d’application du Statut de Rome et législation sur les chambres spécialisées – avait été une source de tension pendant un certain temps, et allait s’avérer être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. La tension provenait du fait que les deux législations avaient des objectifs similaires, mais des moyens d’exécution différents. Ces deux lois ont cherché à réformer le droit et la procédure applicable aux crimes internationaux. Selon la loi d’application, les Cours d’appel civiles congolaises existantes se verraient accorder la compétence, tandis que les chambres spécialisées s’appuieraient à la fois sur l’expertise des congolais et celle de leurs homologues internationaux. La composante internationale – et c’est là que réside la différence fondamentale – était destinée à fournir aux chambres spécialisées un mandat clair et des ressources pour également poursuivre des crimes commis avant 2002 (en plus des crimes commis après cette date). En bref, la loi d’application était une version plus modeste des chambres spécialisées – moins ambitieuse à bien des égards (notamment en matière de crimes du passé), mais probablement plus facile, moins coûteuse et plus rapide en pratique[x]. Pourtant, malgré le caractère urgent de la procédure législative décrite précédemment, la Commission PAJ de l’Assemblée nationale a refusé de travailler sur la loi d’application du Statut de Rome entre novembre 2010 et juin 2011. C’est seulement en juin qu’une sous-commission spéciale de la PAJ a été convoquée, sous la pression significative des acteurs internationaux. Quelques jours seulement avant l’intervention du Ministre de la justice devant l’Assemblée nationale, un atelier d’une semaine avait finalement réussi à rédiger un projet révisé de loi d’application pour approbation (présumée) de l’Assemblée d’approbation.
Voila le contexte dans lequel le Ministre de la justice a présenté le projet de loi sur les chambres spécialisées le 13 juin. Après avoir été témoin d’une forte opposition de nombreux députés congolais ce jour-là, il a pris la décision, qui s’est avérée fatidique, de ne pas revenir à l’Assemblée nationale deux jours plus tard pour défendre la proposition ; mais il a plutôt présenté une loi d’habilitation totalement étrangère et inhabituelle au Sénat. L’unique objectif de la loi était d’accorder à l’exécutif des pouvoirs extraordinaires en vue de légiférer dans un certain nombre de domaines d’une importance accrue avant les élections, y compris la proposition sur les chambres spécialisées. En réalité, la loi d’habilitation revenait à une tentative pas très discrète de contourner le processus législatif prévu par la constitution; en d’autres termes, quelque chose comme un coup d’Etat transférant d’énormes pouvoirs législatifs à l’exécutif, quelques mois avant les élections. Le Sénat n’en voulait pas. Le Ministre de la Justice, qui a de nouveau défendu personnellement au Sénat la loi d’habilitation ainsi que la justification de l’institution de chambres spécialisées, a été repoussé par les sénateurs dans un langage de dérision à peine dissimulé.
Tout n’était pas perdu, cependant. Une session d’été spéciale du Parlement fut convoquée pour août, et encore une fois la loi sur les chambres spécialisées était à l’ordre du jour, vraisemblablement en raison d’un intense lobbying de la part du Ministère de la justice. Au contraire, la loi d’application du Statut de Rome – une proposition parlementaire sans le soutien du gouvernement – était absente de l’ordre du jour de la session d’été. Le Ministre de la justice est retourné au Sénat pour présenter une proposition révisée à la mi-août – entre autres modifications juridiques, la juridiction hybride était désormais reclassée comme « Tribunal spécial » – mais il a encore été accueilli avec hostilité tours aussi affirmée. Un certain nombre de sénateurs ont attaqué le Tribunal spécial comme étant une atteinte illégitime et inutile à la souveraineté du pays, et un signe de l’ingérence internationale dans les affaires intérieures de la RDC. Le projet était considéré par certains sénateurs comme un aveu d’impuissance politique du le gouvernement pour ce qui était d’effectuer un réforme significative de la justice. De nombreuses critiques ont également été exprimées quant à la faisabilité financière et la durabilité d’un tribunal hybride, et en particulier la question de la rémunération du personnel. Plusieurs sénateurs ont décrié ce qu’ils considéraient comme une divergence inévitable et inéquitable de rémunération entre le personnel des tribunaux congolais et leurs homologues internationaux, ce qui ne servirait qu’à perpétuer le ressentiment et l’hostilité entre Congolais et étrangers. Ces critiques et d’autres moins importantes laissaient croire que le projet de loi pourrait être en danger de rejet pur et simple (mais ce n’était guère prédestiné), lorsque, dans un tournant plutôt inattendu des événements, le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, n’a même pas permis un vote sur la recevabilité du projet de loi, comme le lui imposait la procédure. Ce infraction à la procédure parlementaire semblait rappeler d’une manière inquiétante la politique de puissance de l’époque Mobutu. Malgré de violentes protestations, Kengo est resté intraitable sur la question – en soutenant, notamment, que « si vous ne l’approuve pas aujourd’hui, l’ONU va vous forcer à le faire de toute façon » – et le projet de loi a été à la fin passé au forceps au Sénat et envoyé directement à sa Commission PAJ pour complément d’examen (le Sénat congolais avait une Commission PAJ séparée).
Cette bouée de sauvetage temporaire s’set révélée illusoire. Les Sénateurs de la Commission PAJ se sont révolté, en se rappelant qu’en juin le Ministre de la justice avait tenté de contourner la procédure législative, et qu’à cette occasion, le président du Sénat avait utilisé des moyens discutables en matière d’éthique et de procédure pour maintenir le projet de loi à flot. Comme je l’ai noté dans le premier paragraphe du présent article, les membres du comité ont refusé d’approuver le Tribunal spécial le 19 août 2011. Au lieu de cela, ils ont recommandé que la législation sur le Tribunal spécial soit fusionnée avec la loi de mise en application du Statut de Rome, en vue d’effectuer une réforme générale et cohérente de la justice en matière de crimes internationaux. Leur proposition était aussi sage dans l’abstrait qu’elle était irréaliste dans la pratique. En raison de contraintes de temps, ainsi que de la complexité et la sensibilité politique de la tâche qu’ils demandaient, la décision de la Commission signifiait qu’il n’y aurait de progrès tangibles en matière d’impunité qu’après les élections, et que le mandat du Parlement de cinq ans aura expiré sans aucune nouvelle législation sur les crimes internationaux. La justice pour des millions de victimes des guerres dans le pays était de nouveau été mis en attente, sans aucune garantie quant au moment où on allait ou pourrait se pencher sur le problème de l’impunité dans le pays.
C’était un final décevant pour une année bien remplie. On ne peut nier que le rejet par le Sénat de l’idée d’un Tribunal spécial et l’échec du Parlement à adopter une législation de mise en œuvre du Statut de Rome aient tous les deux constitué de sérieux revers pour la poursuite de la justice internationale. Le gouvernement congolais, à travers son Ministère de la justice, a commis une série d’erreurs tactiques dans la lutte contre ce qui est, en fin de compte, une question hautement politisée et volatile. Ce n’est pas par hasard que le premier sénateur à pester contre le Tribunal spécial pendant la session d’été législatives était un représentant de l’ancienne faction du RCD-Goma, dont les membres ont longtemps été soupçonnés de violations graves du droit humanitaire international dans l’Est du Congo. En effet, pour certains responsables et agents de l’État congolais (en particulier dans l’armée), la responsabilité pour les crimes internationaux est à peine une quête abstraite de la justice. C’est choisir entre la liberté et une possible incarcération.
Mais ce serait une erreur que d’attribuer ce recul à la seule politique de pouvoir. Des forces plus profondes, à la fois d’ordre idéologique et institutionnel, étaient en jeu, et il y a des leçons à tirer de ces expériences. Ainsi, il semblerait qu’une plus grande sensibilisation doit être entreprise pour expliquer les idées derrière la justice pénale internationale. Il faut que les parlementaires congolais soient mis au courant de ce qui est en jeu dans le but d’éviter de perpétuer de fausses dichotomies, comme le choix entre la justice pour les victimes et l’ingérence internationale, l’adoption du Statut de Rome ou l’abolition de la peine de mort, l’amélioration du système de justice interne ou l’abdication de la souveraineté nationale. La société civile nationale et la communauté internationale doivent mieux coordonner leurs activités en vue de rendre possible cet effort de sensibilisation. Les Nations-Unies, le grand absent de la plupart des négociations de cette année et de l’année dernière (suite à la publication du rapport Mapping) doivent être plus engagées. Il faut que plus d’attention soit accordée aux anciens centres de pouvoir, tels que le système de justice militaire qui de toute évidence cherche à conserver son pouvoir sur la justice pénale internationale. La neutralisation de la puissance politique et de l’influence judiciaire des militaires n’est pas un objectif facile à atteindre, et beaucoup de choses vont dépendre de la détermination du gouvernement à faire face à des structures de pouvoir bien établies.
Les élections de cette année, qui constituent le second vote démocratique de l’histoire de la nation, sont lourdes à la fois de promesses et de risques. L’entrée en fonction d’un nouveau groupe de parlementaires et, potentiellement, d’un nouveau gouvernement (ce qui est moins probable étant donné que le Président Joseph Kabila devrait se faire réélire) pourrait marquer le début d’une nouvelle ère pour les efforts en matière de justice en RDC. Mais la réforme mise en œuvre dépendra, comme toujours, de l’apprentissage à partir de l’expérience du pays en évitant les erreurs du passé. Malgré l’incapacité du Parlement à mettre en œuvre des réformes au cours de cette législature, les débats de cette année sur la responsabilité pour les crimes internationaux ont accru la sensibilisation à la question parmi les Congolais, et donné naissance à un nouvel espoir et de nouvelles attentes parmi les victimes. Le gouvernement a réagi en prenant des mesures concrètes – certainement pas assez – en vue de traduire en justice les auteurs de graves violations des droits humains. Cela est rassurant. Finalement, la fin de l’impunité ne peut se réaliser qu’avec le soutien du peuple congolais. Mais, en attendant, la communauté internationale doit poursuivre son engagement auprès des acteurs congolais à cette fin en faisant progresser des réformes internes répondant aux normes internationales.
[i] Patryk I. Labuda est un doctorant en Histoire du droit et en Droit international à l’Université de Virginie. Il a travaillé comme expert en justice civile à la Mission européenne de police en République Démocratique du Congo (EUPOL RD Congo) en 2010 – 2011
[ii] Ce chiffre très diffusé de plus de cinq millions de morts peut être attribué une étude d’International Rescue Committee: Mortalité en République Démocratique du Congo. Une crise qui continues, 2007. Ce chiffre a été contesté par certains observateurs, voir Projet Rapport sur le Sécurité Humaine. Rapport sur la sécurité humaine 2009/2010: Les causes de la paix et la baisse des coûts de la guerre. New York: Oxford University Press, 2010, p. 123-131.
[iii] Dans cet article, les termes ‘législatif’ et ‘exécutif’ font référence aux branches respectives du gouvernement congolais. Lorsque le terme ‘gouvernement’ est utilisé tout seul, il fait référence à la branche exécutive par opposition à la branche législative. This distinction may not be clear to American readers.
[iv] Le Rapport de Mapping des Nations Unies qui documente les violations les plus graves en matière de droits humains et de droit humanitaire international commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003, 2010, p. 14.
[v] It est important de noter la distinction essentielle entre projet de loi et proposition de loi au Congo. Dans le premier cas, il s’agit d’un projet de loi du gouvernement appuyé par le Ministre de la justice. Dans le deuxième cas, il s’agit d’un projet soumis au Parlement – en général sans appui du gouvernement, ou pire malgré le désaccord du gouvernement – par un ou plusieurs parlementaires. Les Chambres spécialisées / la Cour spéciale sont un projet de loi. La législation d’application du Statut de Rome est une proposition de loi.
[vi] RD Congo: Commentaires sur l’avant-projet de loi portant création de chambres spécialisées, disponible sur le site web de Human Rights Watch : http://www.hrw.org/fr/node/97326 (dernière visite : 24 octobre 2011). Il est à noter qu’il ne s’agit pas de la version originale des recommandations qui ont été transmises au Ministre congolais de la justice. Les recommandations étaient à l’origine un effort de compilation entrepris par OSISA-DRC and EUPOL RD Congo, et servent de base au document de politique de HRW.
[vii] Le terme ‘hybride’ fait référence à la composition proposée du personnel des chambres spécialisées. Ce personnel sera composé d’experts nationaux et internationaux. Dans d’autres contextes – notamment la Cour spéciale pour la Sierra Leone – le terme ‘hybride’ peut également désigner la loi applicable, c’est-à-dire un mélange de législations nationale et internationale.
[viii] Les similarités entre Cour hybride congolaise / chambres et les CETC devrait faire réfléchir tout observateur critique du processus congolais. On rapporte qu’au Cambodge, les procès CETC ont été gâchés par des interférences politiques. Il se trouve également que la politique semble constituer l’un des principaux obstacles dans la lutte de la RDC contre l’impunité.
[ix] Les questions juridiques sont examinées plus en détail dans : Patryk I. Labuda, Bonne et mauvaise application du Statut de Rome à la législation nationale en République Démocratique du Congo, à paraître 2012.
[x] Il y a beaucoup d’autres différences juridiques plus techniques entre les deux lois, qui ne peuvent pas être décrites dans le présent article. Cependant, il faut bien insister sur le fait que l’autre différence significative était que la loi d’application était une proposition de loi (du parlement), alors que la loi des chambres spécialisées était un projet de loi (du gouvernement – Ministère de la justice).