Aujourd’hui, la majorité de la chambre de première instance de la Cour pénale internationale (CPI) a condamné Germain Katanga à 12 ans d’emprisonnement pour complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Sa peine sera diminuée du temps qu’il a déjà réalisé lors du procès, sept ans environ. La juge Christine van den Wyngaert a exprimé une opinion divergente.
Il s’agit de la deuxième peine prononcée par la CPI. La première concernait Thomas Lubanga, chef de l’Union des patriotes congolais (UPC), qui a été condamné en 2012 à 14 ans d’emprisonnement pour utilisation d’enfants soldats.
Germain Katanga est l’ancien chef d’une milice armée qui s’est fait connaître sous le nom de Force de Résistance Patriotique en Ituri (FRPI). Il a été accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés en février 2003 lors d’une attaque de la ville de Bogoro située dans la région d’Ituri en République démocratique du Congo (RDC).
L’attaque visait une milice rivale, l’Union des patriotes congolais (UPC) ainsi que la population civile majoritairement Hema qui vivait à Bogoro. Alors que la plupart des villageois dormaient, les soldats Ngiti avaient attaqué le village avec des armes et des machettes. La chambre avait conclu qu’ils avaient assassiné les civils puis détruit et pillé leurs biens.
La majorité a également conclu que M. Katanga avait apporté une contribution importante aux crimes perpétrés par la milice Ngiti en collectant et distribuant des armes et des munitions aux combattants locaux. Ces armes avaient ensuite été utilisées dans l’attaque de Bogoro. La majorité a conclu que M. Katanga savait que les combattants avaient l’intention de commettre des crimes lors de l’attaque.
Les juges ont souligné la nécessité d’une peine ayant un effet dissuasif pour la commission de crimes futurs. La chambre a également affirmé qu’elle avait pris en compte le besoin de vérité et de justice des victimes. Enfin, la peine doit être proportionnée à la gravité des crimes et à l’étendue de la participation de M. Katanga dans ces crimes.
Lors de la détermination de la peine, la chambre a pris en compte tant les circonstances aggravantes que les circonstances atténuantes. La chambre a souligné le fait que l’attaque de Bogoro avait été particulièrement cruelle. La chambre a déclaré qu’il y avait eu de nombreuses victimes dont certaines continuaient à ressentir les effets de l’attaque. La chambre a également souligné la nature nettement discriminatoire des crimes commis à l’encontre des Hema vivant à Bogoro. En outre, la chambre a fait remarquer que M. Katanga avait contribué de manière significative aux crimes.
Ces circonstances aggravantes ont toutefois été contrebalancées par les circonstances atténuantes qui, d’après les allégations de la défense, devraient aboutir à une réduction de peine. La chambre a pris en compte la situation personnelle de M. Katanga, notamment son âge relativement jeune à l’époque de la commission des crimes et le fait qu’il est le père de six enfants. Les juges ont également pris en considération la manière dont M. Katanga avait protégé sa communauté. La chambre a toutefois fait remarquer que, étant donné la gravité des crimes commis à l’encontre des Hema, ces facteurs avaient peu de poids dans la décision sur la peine.
Les autres circonstances atténuantes que la chambre a prises en compte comprennent sa collaboration au désarmement des enfants soldats et sa coopération avec la chambre lors du procès. La chambre a accordé très peu d’attention aux remords qu’il a exprimés vis-à-vis des victimes des crimes qui, selon la défense, devraient atténuer une peine trop longue. De l’avis de la chambre, ses remords ont semblé d’ordre très général. La chambre a déclaré que M. Katanga avait toujours beaucoup de mal à admettre que des crimes avaient été commis à Bogoro.
La majorité a conclu que tous ces facteurs pris dans leur ensemble devaient aboutir à une peine de 12 ans d’emprisonnement. Il faut en déduire le temps que M. Katanga a passé dans le quartier pénitentiaire de la CPI avant et pendant son procès, de septembre 2007 jusqu’à aujourd’hui, soit approximativement sept ans.
La défense a soutenu que le temps passé en prison en RDC devait également être déduit de la peine de M. Katanga. La chambre a indiqué que cela serait approprié s’il était établi que la détention violait ses droits fondamentaux. La chambre a cependant conclu qu’elle n’avait pas pour mandat de statuer sur la violation éventuelle de ses droits qui serait survenue en RDC. La chambre a également conclu qu’elle n’avait pas pour mandat de statuer sur une violation de ses droits qui serait survenue lorsqu’il avait été détenu à la suite du mandat d’arrêt de la CPI, à moins que les violations aient été commises en rapport avec les procédures de la Cour.
Une nouvelle chambre entamera la procédure concernant les réparations destinées aux victimes de l’attaque. De plus, les parties ont toutes deux fait appel du jugement et les appels sont en cours d’examen.