Trois témoins de la défense, qui ont tous comparu dans les affaires Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ont pris l’initiative sans précédent de demander l’asile aux Pays-Bas alors qu’ils étaient à La Haye pour témoigner devant la Cour pénale internationale (CPI).
Katanga et Ngudjolo sont en procès devant la CPI pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, crimes commis lors d’une attaque sur le village de Bogoro en février 2003, dans le cadre d’un conflit en Ituri, République démocratique du Congo (RDC). Les trois témoins, Floribert Njabu, Pierre Célestin Mbodina Iribi et Sharif Manda Ndadza Dz’Na, étaient d’anciens chefs ou membres de milices qui auraient été dirigées par les deux accusés. Ils ont été en détention en RDC depuis plus de cinq années sans être jugés, pour leur rôle présumé dans l’assassinat de neuf soldats de la paix des Nations Unies.
Tous les trois témoins ont mis en cause le gouvernement de la RDC, y compris le président Joseph Kabila en personne, dans l’attaque de Bogoro. Pour cette raison, ils prétendent qu’ils devront faire face à la persécution et à des menaces sur leur sécurité si ont les renvoie en prison en RDC.
Plus précisément, à cause de leur témoignage mettant en cause le président de la RDC dans l’attaque de Bogoro et le conflit en Ituri, les témoins craignent d’être « éliminés » en tant que témoins potentiellement compromettants dans un procès à venir de la CPI contre Kabila ou d’autres fonctionnaires de la RDC ( note: il n’y a aucune indication qu’un tel procès ait jamais lieu). En outre, les témoins craignent d’être persécutés parce que leur témoignage pourrait compromettre les chances du président Kabylie lors des prochaines élections.
Les témoins ont également fait valoir que leurs droits de l’homme seraient violés si on les renvoie en RDC, où selon eux, ils ne pourront pas bénéficier d’un procès équitable et seront victimes de violations de leur droit à l’intégrité personnelle, car ils sont des opposants au régime et en raison de leur témoignage. Selon les témoins, les personnes qui sont considérées comme des opposants au gouvernement sont, soit exécutées soit soumises à un procès sommaire, en violation de leur droit à un procès équitable. Les témoins ont également fait valoir qu’ils ne seraient pas en sécurité dans la prison de Makala, où ils ont été détenus en RDC. Ils ont fait valoir que cela constituerait une violation de leur droit à l’intégrité physique.
Les témoins ont introduit une demande officielle d’asile devant les autorités néerlandaises compétentes. La CPI n’a pas compétence pour statuer en matière de demande d’asile, et ne peut pas non plus mettre les témoins en garde à vue, car elle n’est pas un état. Par conséquent, les témoins ont demandé à la CPI d’appliquer une mesure spéciale de protection: s’abstenir de les retourner à la RDC et les présenter aux autorités néerlandaises afin qu’ils puissent suivre leur demande d’asile.
La demande auprès des juges de la CPI est fondée sur le fait que la CPI a l’obligation de protéger les témoins en vertu de l’article 64 (2) du Statut de Rome. Toutefois, la CPI a également l’obligation, en vertu de l’article 93 (7) du Statut, de retourner les témoins dans leur pays d’origine immédiatement après leur témoignage. Ces obligations se contredisent mutuellement.
La demande porte également sur les obligations plus larges de la CPI en matière de protection des droits de l’homme. Selon la défense, la CPI a également des obligations basées sur son statut de personne morale internationale en vertu de l’article 4 (1) du Statut. Selon la défense, ce statut signifie que le tribunal est lié par les principes du droit international coutumier et a donc un devoir de promotion et de facilitation de la protection des droits de l’homme.
Ce commentaire est le premier d’une série en trois parties qui débattra de cette nouvelle question de droit. Il donne un aperçu général de la déposition des témoins et du contexte de leur demande d’asile en matière de procédure. La deuxième tranche fera une description du droit d’asile néerlandais concerné ainsi que les revendications spécifiques des témoins en matière d’asile, en référence à toute jurisprudence d’autres tribunaux internationaux. Le troisième et dernier article discutera des implications possibles de cette demande et des décisions de la CPI sur cette question.
Dépositions des témoins
Floribert Njabu, l’ancien président de la Front nationaliste et intégrationniste (FNI, le groupe armé qu’aurait dirigé l’accusé Mathieu Ngudjolo Chui), a été le premier témoin détenu à témoigner. Selon le témoin, ce sont les forces de Kinshasa qui ont attaqué Bogoro, pas le FNI ou le Front de résistance patriotique pour l’Ituri (FRPI, milice armée qu’aurait dirigée l’accusé Germain Katanga). Selon le témoin, Kinshasa et l’Ouganda ont tous les deux fourni un appui au FNI dans ses efforts pour reprendre le contrôle de l’Ituri des mains des forces de l’UPC de Thomas Lubanga (Union des patriotes congolais, Thomas Lubanga est aussi en procès devant la CPI).
Pierre Célestin Mbodina Iribi a été un membre de haut rang du FRPI. Dans son témoignage, Iribi a directement accusé le gouvernement de la RDC pour l’attaque de Bogoro. Selon son témoignage, l’État-major Opérationnel (EMOI, la structure militaire soutenue par le gouvernement et basée à Beni, avait envoyé des officiers pour organiser les troupes dans la région d’Aveba et préparer l’attaque de Bogoro.
Sharif Manda Ndadza Dz’Na était aussi un officier de haut rang dans le FRPI et a témoigné que l’EMOI a été créé par le gouvernement de Kinshasa pour lutter contre les forces rebelles et libérer l’est de la RDC. Le témoin a dit qu’il a assisté à plusieurs réunions de l’EMOI, et que de temps en temps, le colonel Aguru des forces militaires gouvernementales, FAC, venait de Kinshasa pour donner des instructions et leur dire en quoi allaient consister les prochaines opérations armées, y compris une opération qui impliquait l’attaque de Bogoro.
Rappel de la procédure
En novembre 2010, la défense de Germain Katanga a informé la cour qu’elle avait l’intention d’appeler à la barre quatre témoins qui se trouvaient en détention en RDC. La défense de Katanga a donc demandé au tribunal d’ordonner au Greffe de prendre des dispositions pour leur transfert à La Haye. A cette époque, la défense de Katanga a également indiqué qu’il était possible que les témoins témoignent sur des questions sensibles liées à la participation du Président Kabila à l’attaque de Bogoro.
Pour le transfert des témoins de la garde de la RDC à la CPI, la CPI a émis une demande de coopération avec la RDC en janvier 2011. Les juges ont également ordonné à l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (« VWU ») de la CPI de s’impliquer étroitement dans le processus de transfert des témoins à La Haye et de proposer des mesures appropriées de protection des témoins. La VWU se trouve dans les bureaux du Greffe de la CPI et n’est donc pas une partie à la procédure et n’est pas subordonnée à la Division des poursuites, ni à la défense ou aux victimes participant à la procédure.
Plus tard au cours de ce mois, la défense a demandé au tribunal de remplacer deux témoins sur les quatre personnes par deux autres témoins. Bien que la sécurité des témoins n’ait pas été invoquée comme raison pour ce changement, la défense a soulevé la question de la peur qu’avaient les témoins de « représailles des autorités congolaises qui devra nécessairement être informées de leur témoignage à La Haye. » Les juges ont accédé à cette demande.
Dans un rapport du Greffe sur le transfert de ces témoins à La Haye, déposé avant leur transfert et avant l’introduction de la demande d’asile, le Greffe a fait valoir qu’il avait examiné avec les témoins différentes questions touchant à la protection, y compris:
Les raisons d’un retour en RDC après le témoignage ; […] la possibilité de soulever devant la Cour la question de leur détention en RDC et le fait qu’ils ont été détenus pendant plus de cinq ans sans procès; […] Leur protection personnelle dans la Prison Centrale avant et après leur transfert à La Haye; […] La protection des membres de leur famille avant et après leur transfert à La Haye; […] Si les autorités de la RDC auront accès à la transcription de les témoignages.
Le Greffe a également fait valoir qu’il avait abordé la question de la sécurité avec des représentants du gouvernement de la RDC, et qu’il procéderait à une étude d’impact sur les mesures de protection possibles.
En début mars, le Greffe a transmis les observations de la RDC concernant la déposition des témoins. A ces observations était jointe une lettre du Ministère de la Justice de la RDC dans laquelle il « encourage » les tribunaux à appliquer des mesures de protection pour les témoins, y compris: une ordonnance de la Cour selon laquelle les dépositions seront faites à huis clos, la non-divulgation de l’identité des témoins et du contenu de leur témoignage, la confidentialité des transcriptions, et d’autres mesures de protection afin de s’assurer de la confidentialité de l’identité des témoins et du contexte de leurs éléments de preuve.
À la mi-mars, avant la date prévue pour les témoignages avant le transfert des témoins à La Haye, la défense de Katanga a retiré l’un des quatre témoins. Aucune raison n’a été donnée pour ce retrait. Plus tard au cours du même mois, la défense de Katanga a informé la Cour que les trois autres témoins étaient prêts à témoigner publiquement. Toutefois, la défense a indiqué que les témoins avaient peur de représailles des autorités congolaises. Bien que les autorités de la RDC aient déjà connu le contenu de leur témoignage, les témoins craignaient qu’elles retardent les représailles dans un effort pour maintenir une apparence initiale de bonne volonté envers le tribunal. La défense a également demandé que la Cour surveille étroitement les témoins après leur retour en RDC et travaille avec les autorités de la RDC pour assurer le respect et la protection des droits et de la sécurité des témoins.
Cependant, dans une déposition ultérieure, la VWU a affirmé que «[n]i le Greffe ni la Cour n’ont compétence pour exercer leur influence sur la gestion par les autorités de la [RDC] d’un centre de détention national. » La VWU dit qu’elle allait entretenir des contacts réguliers avec les témoins pendant une « importante » période après leur retour, et pourra coopérer avec le Comité international de la Croix-Rouge afin de protéger ces trois témoins.
La question clé est que, une fois que les témoins sont de retour dans le centre de détention de la RDC, la CPI n’a pas compétence sur les trois témoins, ce qui limiterait la capacité pratique de la CPI à assurer leur protection et leur sécurité alors qu’ils seront sous la garde des autorités en RDC.
Cette situation se distingue de celle des autres témoins non-détenus qui cherchent des mesures de protection, car les personnes qui ne sont pas détenues par l’État ont une plus grande capacité de choisir de contacter directement la CPI si elles se sentent menacées. En fait, la CPI signe des accords de coopération avec les États prévoyant des mesures de protection et les témoins ont la possibilité de contacter la CPI en cas de changement de leur situation sécuritaire. Dans ce cas, la VWU a semblé indiquer que le meilleur qui puisse être fait dans ces circonstances serait de surveiller la situation et espérer que la Croix-Rouge et le gouvernement de la RDC coopèrent dans la protection des témoins détenus dans le système pénitentiaire national.
Les témoins ont été transférés à La Haye le 27 mars 2011, et ont achevé leur témoignage entre le 30 mars et le 3 mai 2011. À leur arrivée, les témoins se sont vu attribuer un représentant légal pour les questions relatives à leur transfert et les questions de l’auto-incrimination, M. Mabanga. Mabanga a présenté des observations au nom des témoins devant la CPI en ce qui concerne les questions d’asile et de transfert. Toutefois, il ne représente pas les témoins pour ce qui est des demandes d’asile proprement dites auprès des autorités néerlandaises.
La question de la peur que les témoins éprouvent pour leur sécurité est apparue presque immédiatement après leur arrivée. Le 29 mars Floribert Njabu a demandé au tribunal de confirmer que la RDC n’allait pas persécuter les membres de sa famille à sa place et affirmé qu’il était toujours préoccupé par sa sécurité personnelle après son retour en RDC. Puis le 1er avril, Iribi a également fait valoir au tribunal que le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme de la RDC était venu au centre de détention filmer leur départ pour La Haye et a publié un communiqué de presse au sujet du transfert, communiqué sur lequel figuraient leurs noms. Il a affirmé que la RDC pourrait tenter de les assassiner à leur retour et cacher les meurtres en prétendant qu’il s’agissait de crimes ordinaires ou de tentatives d’évasion. Il a également affirmé qu’il craignait pour la sécurité de sa famille.
En réponse à ces observations, la chambre a ordonné au Greffe de tenir la chambre informée des mesures de protection nécessaires et de discuter avec les témoins des mesures de protection pouvant être employées pour protéger adéquatement les membres de leur famille.
Demande d’asile et conférence de mise en état pour entendre les arguments sur la question
Le premier avis que les demandes d’asile allaient être déposées a été déposé le 11 avril, lorsque Iribi demandé au tribunal son transfert aux autorités néerlandaises afin qu’il puisse faire une demande d’asile. Iribi a fait valoir qu’il avait des craintes bien fondées de représailles en raison de la capacité matérielle et juridique que le gouvernement de la RDC avait de l’« éliminer ».
Le 12 avril, le représentant légal de la CPI pour les trois témoins détenus, M. Mabanga, a déposé une demande de mesures de protection pour les trois témoins. Cette requête demandait à la CPI l’autorisation de présenter les trois témoins aux autorités néerlandaises afin qu’ils puissent faire une demande d’asile aux Pays-Bas. La demande faisait valoir que les témoins avaient une crainte bien fondée de représailles de la part des autorités de la RDC et affirmait que les mesures de protection proposées par la VWU étaient insuffisantes.
En réponse, la VWU a fait remarquer qu’à sa connaissance, la RDC n’avait pas encore tenté de nuire à des témoins, même s’il était depuis longtemps de notoriété publique que les témoins avaient l’intention d’impliquer le gouvernement dans le conflit de l’Ituri. La VWU a également noté qu’elle avait évalué la situation politique en RDC, y compris les élections à venir et les efforts pour mettre en œuvre le Statut de Rome.
Des avocats néerlandais représentant les témoins pour leur demande d’asile ont déposé la demande d’asile auprès des autorités néerlandaises le 12 mai 2011.
Également le 12 mai, la Cour a convoqué une conférence pour discuter de l’état de la question. Elle a entendu le représentant légal des témoins, les parties (accusation et défense), le Greffe, et des représentants du gouvernement néerlandais.
Les questions soulevées lors de la conférence de mise en état ont porté sur la double obligation de la Cour de revenir aux témoins de la RDC immédiatement après leur témoignage, [i] et l’obligation de la Cour de protéger les témoins. [ii] Au cours de la conférence de mise en état, le représentant légal des témoins a réitéré les prétendus dangers auxquels sont confrontés les témoins en cas de retour en RDC. Il a fait valoir que le tribunal a l’obligation de protéger les témoins et qu’il s’agissait d’une mesure nécessaire de protection des témoins.
Comme indiqué plus haut, l’avocat de Katanga a également souligné que la Cour est tenue de protéger les droits humains internationaux des témoins en raison de la personnalité juridique de la Cour en tant que personne juridique internationale. L’avocat de l’équipe de défense Ngudjolo s’est également appesanti sur l’obligation de la Cour en matière de protection des droits de l’homme des témoins.
Selon l’Accusation, les témoins étaient des détenus congolais temporairement transférés à la CPI par la RDC pour la durée de leur témoignage, et les autorités des Pays-Bas ont la responsabilité de faciliter leur transfert, et rien de plus. Par conséquent, les témoins restent sous la juridiction de la RDC, a affirmé l’Accusation. L’Accusation a également suggéré qu’il n’y avait pas de preuve objective des risques ou des menaces à la vie des témoins en cas de renvoi en RDC.
Le Greffe semble adopter la même position que l’Accusation : les témoins ont été temporairement sous la garde de la CPI, mais restent toujours de la compétence de la RDC. Selon le Greffe, les témoins sont seulement détenus par les autorités congolaises, et la CPI a seulement temporairement pris cette responsabilité. Les Pays-Bas, en tant qu’État hôte de la CPI, n’a pas de compétence sur ces témoins. Bien que les témoins soient sur le sol néerlandais, ils restent sous l’autorité de la RDC, a affirmé le Greffe. Le Greffe a également fait valoir que si la cour devait accorder cette demande, il se pourrait qu’à l’avenir, les États ne soient plus disposés à accepter les demandes de la CPI pour le transfert temporaire de personnes détenues pour témoigner.
Un représentant du Ministère néerlandais des Affaires étrangères a expliqué que le gouvernement néerlandais a estimé que les témoins n’étaient pas sous l’autorité du gouvernement néerlandais et par conséquent le gouvernement néerlandais n’est pas responsable de la protection des témoins de la CPI qui relèvent de la compétence de la CPI. Il était de la responsabilité de la CPI de prendre les mesures nécessaires de protection pour les témoins.
Toute demande d’asile reçue par les autorités néerlandaises compétentes serait traitée en temps voulu, a-t-elle dit. Toutefois, la représentante a fait valoir que les autorités néerlandaises allaient se fonder sur l’évaluation de la CPI en matière de risque pour la sécurité des témoins. Selon le gouvernement néerlandais, la CPI est la seule autorité compétente pour statuer sur la sûreté et la sécurité des témoins, et, par conséquent, les autorités néerlandaises considéraient qu’elles n’ont pas l’autorité ou l’intention de procéder à une évaluation sur le fond. Une décision allait être prise, mais il n’y allait pas y avoir une nouvelle évaluation du contenu de la demande d’asile. Selon la représentante, si la Cour décide que la sécurité d’un témoin réside dans son déplacement, les Pays-Bas se chargeront du transport de la personne vers un point de départ. Si le tribunal décide qu’il est dangereux pour le témoin de retourner, il s’agira alors d’une question de protection des témoins, ce qui est une responsabilité partagée entre l’Assemblée des États parties (AEP) et la Cour. Dans ce cas, ce qu’elle propose c’est que les témoins restent au centre de détention de la CPI sous l’autorité de la Cour.
Nouvelle évaluation du risque présenté par le Greffe
Dans la semaine suivante, le représentant légal pour les témoins a déposé des observations supplémentaires sur les divers risques auxquels sont confrontés les témoins. Le Greffe a également présenté une nouvelle évaluation des risques, dans laquelle il a réitéré sa précédente analyse de la situation. Le Greffe a souligné qu’il s’était borné à n’évaluer que les risques qui se posent comme une conséquence du statut des témoins en tant que témoins ou de la teneur de leur témoignage.
En réponse à ces observations, le représentant légal pour les témoins a réitéré l’affirmation des témoins selon laquelle ils affrontent de sérieux risques parce qu’ils ont directement mis en cause le Président Kabila lors de leur témoignage. En outre, il a été allégué que la publicité faite autour de leur témoignage n’offre pas aux témoins une protection supplémentaire. Le représentant légal pour les témoins a mis en doute la véracité de l’affirmation du Greffe selon laquelle la RDC a toujours pleinement coopéré avec la CPI et a noté que la RDC ne doit pas être considérée comme un « partenaire » du Greffe ou du Bureau du Procureur.
L’avocat de Katanga a également déposé une réponse à la nouvelle évaluation des risques du Greffe, réponse dans laquelle la défense a soutenu que le Greffe n’a pas fondé son évaluation des risques sur une enquête, et a aussi fait valoir que le risque potentiel doit être replacé dans le contexte plus large des conditions de la prison de Makala, prison où sont détenus les témoins. La défense a également soutenu que, bien que le contenu général de la déposition des témoins ait pu avoir déjà été connu, leur témoignage réel était beaucoup plus détaillé que ce qui était connu avant et renferme des conséquences personnelles et politiques beaucoup plus critiques. La défense a également soutenu que l’évaluation de la sécurité devrait être menée par les autorités néerlandaises, et non pas par le Greffe.
La chambre de première instance a examiné toutes les observations qui lui ont été soumises. Dans une ordonnance rendue le 24 mai 2011, elle a ordonné au Greffe de fournir un rapport sur les garanties en matière de protection des témoins qui pourraient être mises en place en RDC. La chambre a noté que:
[L]a VWU estime que la sécurité physique des témoins n’est pas exposée à un risque accru en raison du fait qu’ils ont témoigné devant la Cour. Bien que la VWU ne confirme pas explicitement que les trois témoins ne courent actuellement aucun risque, la seule conclusion que la Chambre peut tirer de l’évaluation des risques est que la VWU est convaincue qu’à l’heure actuelle, il n’est pas nécessaire que la Cour protège les témoins détenus.
La chambre a conclu que, bien que le risque actuel soit faible, la VWU estime qu’il est important de surveiller la situation, car le risque peut augmenter à l’avenir. La chambre a également noté, cependant, qu’une fois que les témoins seront renvoyés, le Greffe sera sévèrement limité dans sa capacité à prendre des mesures de protection, et ne compterait que sur la coopération des autorités de la RDC. Selon la Cour, il serait opportun que la VWU discute des mesures de protection qui seront mises en œuvre, en plus de la surveillance, afin de contenir les risques encourus par les témoins en raison de leur témoignage. En outre, la VWU doit enquêter sur les mesures de protection susceptibles d’être mises en place avec les autorités de la RDC pour les Cas d’accroissement du risque à l’avenir. Le rapport du Greffe sur ces discussions doit sortir le 7 juin 2011.
Le tribunal n’a pas encore rendu sa décision sur la demande d’asile.
_____________________________________________
[i] Prévu par la Règle 93(7) du Règlement de procédure et de preuve (RPP).
[ii] Prévu par les articles 64(2) et 68 du Statut de Rome et diverses règles du RPP.
Trois témoins de la défense mettent l’attaque de Bogoro sur le dos de la RDC et demandent l’asile aux Pays-Bas
Trois témoins de la défense, qui ont tous comparu dans les affaires Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ont pris l’initiative sans précédent de demander l’asile aux Pays-Bas alors qu’ils étaient à La Haye pour témoigner devant la Cour pénale internationale (CPI).
Katanga et Ngudjolo sont en procès devant la CPI pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, crimes commis lors d’une attaque sur le village de Bogoro en février 2003, dans le cadre d’un conflit en Ituri, République démocratique du Congo (RDC). Les trois témoins, Floribert Njabu, Pierre Célestin Mbodina Iribi et Sharif Manda Ndadza Dz’Na, étaient d’anciens chefs ou membres de milices qui auraient été dirigées par les deux accusés. Ils ont été en détention en RDC depuis plus de cinq années sans être jugés, pour leur rôle présumé dans l’assassinat de neuf soldats de la paix des Nations Unies.
Tous les trois témoins ont mis en cause le gouvernement de la RDC, y compris le président Joseph Kabila en personne, dans l’attaque de Bogoro. Pour cette raison, ils prétendent qu’ils devront faire face à la persécution et à des menaces sur leur sécurité si ont les renvoie en prison en RDC.
Plus précisément, à cause de leur témoignage mettant en cause le président de la RDC dans l’attaque de Bogoro et le conflit en Ituri, les témoins craignent d’être « éliminés » en tant que témoins potentiellement compromettants dans un procès à venir de la CPI contre Kabila ou d’autres fonctionnaires de la RDC ( note: il n’y a aucune indication qu’un tel procès ait jamais lieu). En outre, les témoins craignent d’être persécutés parce que leur témoignage pourrait compromettre les chances du président Kabylie lors des prochaines élections.
Les témoins ont également fait valoir que leurs droits de l’homme seraient violés si on les renvoie en RDC, où selon eux, ils ne pourront pas bénéficier d’un procès équitable et seront victimes de violations de leur droit à l’intégrité personnelle, car ils sont des opposants au régime et en raison de leur témoignage. Selon les témoins, les personnes qui sont considérées comme des opposants au gouvernement sont, soit exécutées soit soumises à un procès sommaire, en violation de leur droit à un procès équitable. Les témoins ont également fait valoir qu’ils ne seraient pas en sécurité dans la prison de Makala, où ils ont été détenus en RDC. Ils ont fait valoir que cela constituerait une violation de leur droit à l’intégrité physique.
Les témoins ont introduit une demande officielle d’asile devant les autorités néerlandaises compétentes. La CPI n’a pas compétence pour statuer en matière de demande d’asile, et ne peut pas non plus mettre les témoins en garde à vue, car elle n’est pas un état. Par conséquent, les témoins ont demandé à la CPI d’appliquer une mesure spéciale de protection: s’abstenir de les retourner à la RDC et les présenter aux autorités néerlandaises afin qu’ils puissent suivre leur demande d’asile.
La demande auprès des juges de la CPI est fondée sur le fait que la CPI a l’obligation de protéger les témoins en vertu de l’article 64 (2) du Statut de Rome. Toutefois, la CPI a également l’obligation, en vertu de l’article 93 (7) du Statut, de retourner les témoins dans leur pays d’origine immédiatement après leur témoignage. Ces obligations se contredisent mutuellement.
La demande porte également sur les obligations plus larges de la CPI en matière de protection des droits de l’homme. Selon la défense, la CPI a également des obligations basées sur son statut de personne morale internationale en vertu de l’article 4 (1) du Statut. Selon la défense, ce statut signifie que le tribunal est lié par les principes du droit international coutumier et a donc un devoir de promotion et de facilitation de la protection des droits de l’homme.
Ce commentaire est le premier d’une série en trois parties qui débattra de cette nouvelle question de droit. Il donne un aperçu général de la déposition des témoins et du contexte de leur demande d’asile en matière de procédure. La deuxième tranche fera une description du droit d’asile néerlandais concerné ainsi que les revendications spécifiques des témoins en matière d’asile, en référence à toute jurisprudence d’autres tribunaux internationaux. Le troisième et dernier article discutera des implications possibles de cette demande et des décisions de la CPI sur cette question.
Dépositions des témoins
Floribert Njabu, l’ancien président de la Front nationaliste et intégrationniste (FNI, le groupe armé qu’aurait dirigé l’accusé Mathieu Ngudjolo Chui), a été le premier témoin détenu à témoigner. Selon le témoin, ce sont les forces de Kinshasa qui ont attaqué Bogoro, pas le FNI ou le Front de résistance patriotique pour l’Ituri (FRPI, milice armée qu’aurait dirigée l’accusé Germain Katanga). Selon le témoin, Kinshasa et l’Ouganda ont tous les deux fourni un appui au FNI dans ses efforts pour reprendre le contrôle de l’Ituri des mains des forces de l’UPC de Thomas Lubanga (Union des patriotes congolais, Thomas Lubanga est aussi en procès devant la CPI).
Pierre Célestin Mbodina Iribi a été un membre de haut rang du FRPI. Dans son témoignage, Iribi a directement accusé le gouvernement de la RDC pour l’attaque de Bogoro. Selon son témoignage, l’État-major Opérationnel (EMOI, la structure militaire soutenue par le gouvernement et basée à Beni, avait envoyé des officiers pour organiser les troupes dans la région d’Aveba et préparer l’attaque de Bogoro.
Sharif Manda Ndadza Dz’Na était aussi un officier de haut rang dans le FRPI et a témoigné que l’EMOI a été créé par le gouvernement de Kinshasa pour lutter contre les forces rebelles et libérer l’est de la RDC. Le témoin a dit qu’il a assisté à plusieurs réunions de l’EMOI, et que de temps en temps, le colonel Aguru des forces militaires gouvernementales, FAC, venait de Kinshasa pour donner des instructions et leur dire en quoi allaient consister les prochaines opérations armées, y compris une opération qui impliquait l’attaque de Bogoro.
Rappel de la procédure
En novembre 2010, la défense de Germain Katanga a informé la cour qu’elle avait l’intention d’appeler à la barre quatre témoins qui se trouvaient en détention en RDC. La défense de Katanga a donc demandé au tribunal d’ordonner au Greffe de prendre des dispositions pour leur transfert à La Haye. A cette époque, la défense de Katanga a également indiqué qu’il était possible que les témoins témoignent sur des questions sensibles liées à la participation du Président Kabila à l’attaque de Bogoro.
Pour le transfert des témoins de la garde de la RDC à la CPI, la CPI a émis une demande de coopération avec la RDC en janvier 2011. Les juges ont également ordonné à l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (« VWU ») de la CPI de s’impliquer étroitement dans le processus de transfert des témoins à La Haye et de proposer des mesures appropriées de protection des témoins. La VWU se trouve dans les bureaux du Greffe de la CPI et n’est donc pas une partie à la procédure et n’est pas subordonnée à la Division des poursuites, ni à la défense ou aux victimes participant à la procédure.
Plus tard au cours de ce mois, la défense a demandé au tribunal de remplacer deux témoins sur les quatre personnes par deux autres témoins. Bien que la sécurité des témoins n’ait pas été invoquée comme raison pour ce changement, la défense a soulevé la question de la peur qu’avaient les témoins de « représailles des autorités congolaises qui devra nécessairement être informées de leur témoignage à La Haye. » Les juges ont accédé à cette demande.
Dans un rapport du Greffe sur le transfert de ces témoins à La Haye, déposé avant leur transfert et avant l’introduction de la demande d’asile, le Greffe a fait valoir qu’il avait examiné avec les témoins différentes questions touchant à la protection, y compris:
Le Greffe a également fait valoir qu’il avait abordé la question de la sécurité avec des représentants du gouvernement de la RDC, et qu’il procéderait à une étude d’impact sur les mesures de protection possibles.
En début mars, le Greffe a transmis les observations de la RDC concernant la déposition des témoins. A ces observations était jointe une lettre du Ministère de la Justice de la RDC dans laquelle il « encourage » les tribunaux à appliquer des mesures de protection pour les témoins, y compris: une ordonnance de la Cour selon laquelle les dépositions seront faites à huis clos, la non-divulgation de l’identité des témoins et du contenu de leur témoignage, la confidentialité des transcriptions, et d’autres mesures de protection afin de s’assurer de la confidentialité de l’identité des témoins et du contexte de leurs éléments de preuve.
À la mi-mars, avant la date prévue pour les témoignages avant le transfert des témoins à La Haye, la défense de Katanga a retiré l’un des quatre témoins. Aucune raison n’a été donnée pour ce retrait. Plus tard au cours du même mois, la défense de Katanga a informé la Cour que les trois autres témoins étaient prêts à témoigner publiquement. Toutefois, la défense a indiqué que les témoins avaient peur de représailles des autorités congolaises. Bien que les autorités de la RDC aient déjà connu le contenu de leur témoignage, les témoins craignaient qu’elles retardent les représailles dans un effort pour maintenir une apparence initiale de bonne volonté envers le tribunal. La défense a également demandé que la Cour surveille étroitement les témoins après leur retour en RDC et travaille avec les autorités de la RDC pour assurer le respect et la protection des droits et de la sécurité des témoins.
Cependant, dans une déposition ultérieure, la VWU a affirmé que «[n]i le Greffe ni la Cour n’ont compétence pour exercer leur influence sur la gestion par les autorités de la [RDC] d’un centre de détention national. » La VWU dit qu’elle allait entretenir des contacts réguliers avec les témoins pendant une « importante » période après leur retour, et pourra coopérer avec le Comité international de la Croix-Rouge afin de protéger ces trois témoins.
La question clé est que, une fois que les témoins sont de retour dans le centre de détention de la RDC, la CPI n’a pas compétence sur les trois témoins, ce qui limiterait la capacité pratique de la CPI à assurer leur protection et leur sécurité alors qu’ils seront sous la garde des autorités en RDC.
Cette situation se distingue de celle des autres témoins non-détenus qui cherchent des mesures de protection, car les personnes qui ne sont pas détenues par l’État ont une plus grande capacité de choisir de contacter directement la CPI si elles se sentent menacées. En fait, la CPI signe des accords de coopération avec les États prévoyant des mesures de protection et les témoins ont la possibilité de contacter la CPI en cas de changement de leur situation sécuritaire. Dans ce cas, la VWU a semblé indiquer que le meilleur qui puisse être fait dans ces circonstances serait de surveiller la situation et espérer que la Croix-Rouge et le gouvernement de la RDC coopèrent dans la protection des témoins détenus dans le système pénitentiaire national.
Les témoins ont été transférés à La Haye le 27 mars 2011, et ont achevé leur témoignage entre le 30 mars et le 3 mai 2011. À leur arrivée, les témoins se sont vu attribuer un représentant légal pour les questions relatives à leur transfert et les questions de l’auto-incrimination, M. Mabanga. Mabanga a présenté des observations au nom des témoins devant la CPI en ce qui concerne les questions d’asile et de transfert. Toutefois, il ne représente pas les témoins pour ce qui est des demandes d’asile proprement dites auprès des autorités néerlandaises.
La question de la peur que les témoins éprouvent pour leur sécurité est apparue presque immédiatement après leur arrivée. Le 29 mars Floribert Njabu a demandé au tribunal de confirmer que la RDC n’allait pas persécuter les membres de sa famille à sa place et affirmé qu’il était toujours préoccupé par sa sécurité personnelle après son retour en RDC. Puis le 1er avril, Iribi a également fait valoir au tribunal que le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme de la RDC était venu au centre de détention filmer leur départ pour La Haye et a publié un communiqué de presse au sujet du transfert, communiqué sur lequel figuraient leurs noms. Il a affirmé que la RDC pourrait tenter de les assassiner à leur retour et cacher les meurtres en prétendant qu’il s’agissait de crimes ordinaires ou de tentatives d’évasion. Il a également affirmé qu’il craignait pour la sécurité de sa famille.
En réponse à ces observations, la chambre a ordonné au Greffe de tenir la chambre informée des mesures de protection nécessaires et de discuter avec les témoins des mesures de protection pouvant être employées pour protéger adéquatement les membres de leur famille.
Demande d’asile et conférence de mise en état pour entendre les arguments sur la question
Le premier avis que les demandes d’asile allaient être déposées a été déposé le 11 avril, lorsque Iribi demandé au tribunal son transfert aux autorités néerlandaises afin qu’il puisse faire une demande d’asile. Iribi a fait valoir qu’il avait des craintes bien fondées de représailles en raison de la capacité matérielle et juridique que le gouvernement de la RDC avait de l’« éliminer ».
Le 12 avril, le représentant légal de la CPI pour les trois témoins détenus, M. Mabanga, a déposé une demande de mesures de protection pour les trois témoins. Cette requête demandait à la CPI l’autorisation de présenter les trois témoins aux autorités néerlandaises afin qu’ils puissent faire une demande d’asile aux Pays-Bas. La demande faisait valoir que les témoins avaient une crainte bien fondée de représailles de la part des autorités de la RDC et affirmait que les mesures de protection proposées par la VWU étaient insuffisantes.
En réponse, la VWU a fait remarquer qu’à sa connaissance, la RDC n’avait pas encore tenté de nuire à des témoins, même s’il était depuis longtemps de notoriété publique que les témoins avaient l’intention d’impliquer le gouvernement dans le conflit de l’Ituri. La VWU a également noté qu’elle avait évalué la situation politique en RDC, y compris les élections à venir et les efforts pour mettre en œuvre le Statut de Rome.
Des avocats néerlandais représentant les témoins pour leur demande d’asile ont déposé la demande d’asile auprès des autorités néerlandaises le 12 mai 2011.
Également le 12 mai, la Cour a convoqué une conférence pour discuter de l’état de la question. Elle a entendu le représentant légal des témoins, les parties (accusation et défense), le Greffe, et des représentants du gouvernement néerlandais.
Les questions soulevées lors de la conférence de mise en état ont porté sur la double obligation de la Cour de revenir aux témoins de la RDC immédiatement après leur témoignage, [i] et l’obligation de la Cour de protéger les témoins. [ii] Au cours de la conférence de mise en état, le représentant légal des témoins a réitéré les prétendus dangers auxquels sont confrontés les témoins en cas de retour en RDC. Il a fait valoir que le tribunal a l’obligation de protéger les témoins et qu’il s’agissait d’une mesure nécessaire de protection des témoins.
Comme indiqué plus haut, l’avocat de Katanga a également souligné que la Cour est tenue de protéger les droits humains internationaux des témoins en raison de la personnalité juridique de la Cour en tant que personne juridique internationale. L’avocat de l’équipe de défense Ngudjolo s’est également appesanti sur l’obligation de la Cour en matière de protection des droits de l’homme des témoins.
Selon l’Accusation, les témoins étaient des détenus congolais temporairement transférés à la CPI par la RDC pour la durée de leur témoignage, et les autorités des Pays-Bas ont la responsabilité de faciliter leur transfert, et rien de plus. Par conséquent, les témoins restent sous la juridiction de la RDC, a affirmé l’Accusation. L’Accusation a également suggéré qu’il n’y avait pas de preuve objective des risques ou des menaces à la vie des témoins en cas de renvoi en RDC.
Le Greffe semble adopter la même position que l’Accusation : les témoins ont été temporairement sous la garde de la CPI, mais restent toujours de la compétence de la RDC. Selon le Greffe, les témoins sont seulement détenus par les autorités congolaises, et la CPI a seulement temporairement pris cette responsabilité. Les Pays-Bas, en tant qu’État hôte de la CPI, n’a pas de compétence sur ces témoins. Bien que les témoins soient sur le sol néerlandais, ils restent sous l’autorité de la RDC, a affirmé le Greffe. Le Greffe a également fait valoir que si la cour devait accorder cette demande, il se pourrait qu’à l’avenir, les États ne soient plus disposés à accepter les demandes de la CPI pour le transfert temporaire de personnes détenues pour témoigner.
Un représentant du Ministère néerlandais des Affaires étrangères a expliqué que le gouvernement néerlandais a estimé que les témoins n’étaient pas sous l’autorité du gouvernement néerlandais et par conséquent le gouvernement néerlandais n’est pas responsable de la protection des témoins de la CPI qui relèvent de la compétence de la CPI. Il était de la responsabilité de la CPI de prendre les mesures nécessaires de protection pour les témoins.
Toute demande d’asile reçue par les autorités néerlandaises compétentes serait traitée en temps voulu, a-t-elle dit. Toutefois, la représentante a fait valoir que les autorités néerlandaises allaient se fonder sur l’évaluation de la CPI en matière de risque pour la sécurité des témoins. Selon le gouvernement néerlandais, la CPI est la seule autorité compétente pour statuer sur la sûreté et la sécurité des témoins, et, par conséquent, les autorités néerlandaises considéraient qu’elles n’ont pas l’autorité ou l’intention de procéder à une évaluation sur le fond. Une décision allait être prise, mais il n’y allait pas y avoir une nouvelle évaluation du contenu de la demande d’asile. Selon la représentante, si la Cour décide que la sécurité d’un témoin réside dans son déplacement, les Pays-Bas se chargeront du transport de la personne vers un point de départ. Si le tribunal décide qu’il est dangereux pour le témoin de retourner, il s’agira alors d’une question de protection des témoins, ce qui est une responsabilité partagée entre l’Assemblée des États parties (AEP) et la Cour. Dans ce cas, ce qu’elle propose c’est que les témoins restent au centre de détention de la CPI sous l’autorité de la Cour.
Nouvelle évaluation du risque présenté par le Greffe
Dans la semaine suivante, le représentant légal pour les témoins a déposé des observations supplémentaires sur les divers risques auxquels sont confrontés les témoins. Le Greffe a également présenté une nouvelle évaluation des risques, dans laquelle il a réitéré sa précédente analyse de la situation. Le Greffe a souligné qu’il s’était borné à n’évaluer que les risques qui se posent comme une conséquence du statut des témoins en tant que témoins ou de la teneur de leur témoignage.
En réponse à ces observations, le représentant légal pour les témoins a réitéré l’affirmation des témoins selon laquelle ils affrontent de sérieux risques parce qu’ils ont directement mis en cause le Président Kabila lors de leur témoignage. En outre, il a été allégué que la publicité faite autour de leur témoignage n’offre pas aux témoins une protection supplémentaire. Le représentant légal pour les témoins a mis en doute la véracité de l’affirmation du Greffe selon laquelle la RDC a toujours pleinement coopéré avec la CPI et a noté que la RDC ne doit pas être considérée comme un « partenaire » du Greffe ou du Bureau du Procureur.
L’avocat de Katanga a également déposé une réponse à la nouvelle évaluation des risques du Greffe, réponse dans laquelle la défense a soutenu que le Greffe n’a pas fondé son évaluation des risques sur une enquête, et a aussi fait valoir que le risque potentiel doit être replacé dans le contexte plus large des conditions de la prison de Makala, prison où sont détenus les témoins. La défense a également soutenu que, bien que le contenu général de la déposition des témoins ait pu avoir déjà été connu, leur témoignage réel était beaucoup plus détaillé que ce qui était connu avant et renferme des conséquences personnelles et politiques beaucoup plus critiques. La défense a également soutenu que l’évaluation de la sécurité devrait être menée par les autorités néerlandaises, et non pas par le Greffe.
La chambre de première instance a examiné toutes les observations qui lui ont été soumises. Dans une ordonnance rendue le 24 mai 2011, elle a ordonné au Greffe de fournir un rapport sur les garanties en matière de protection des témoins qui pourraient être mises en place en RDC. La chambre a noté que:
La chambre a conclu que, bien que le risque actuel soit faible, la VWU estime qu’il est important de surveiller la situation, car le risque peut augmenter à l’avenir. La chambre a également noté, cependant, qu’une fois que les témoins seront renvoyés, le Greffe sera sévèrement limité dans sa capacité à prendre des mesures de protection, et ne compterait que sur la coopération des autorités de la RDC. Selon la Cour, il serait opportun que la VWU discute des mesures de protection qui seront mises en œuvre, en plus de la surveillance, afin de contenir les risques encourus par les témoins en raison de leur témoignage. En outre, la VWU doit enquêter sur les mesures de protection susceptibles d’être mises en place avec les autorités de la RDC pour les Cas d’accroissement du risque à l’avenir. Le rapport du Greffe sur ces discussions doit sortir le 7 juin 2011.
Le tribunal n’a pas encore rendu sa décision sur la demande d’asile.
_____________________________________________
[i] Prévu par la Règle 93(7) du Règlement de procédure et de preuve (RPP).
[ii] Prévu par les articles 64(2) et 68 du Statut de Rome et diverses règles du RPP.