Le présent rapport couvre les témoignages qui ont été présentés du 29 août au 16 septembre 2011 au procès de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui à la Cour Pénale Internationale (CPI).
Au cours de la période traitée, l’équipe de défense de Mathieu Ngudjolo a appelé à la barre les témoins sur les faits, qui ont été appelés pour témoigner au nom de Ngudjolo. L’équipe pourrait aussi appeler un témoin expert, en plus de Mathieu Ngudjolo lui-même.
Au nombre des témoins, il y avait le chef Manu, témoin crucial pour la défense de Ngudjolo une figure marquante de Zumbe, village de Ngudjolo. Parmi les autres témoins, il y avait des collègues de Ngudjolo au centre de santé, le père d’un témoin qui a témoigné pour l’accusation, et un homme qui a affirmé que Ngudjolo a aidé à la naissance de son fils, le matin de l’attaque du 24 février sur Bogoro.
Katanga, chef présumé du FRPI (Force de résistance patriotique de l’Ituri) et Mathieu Ngudjolo, chef présumé de la FNI (Front des nationalistes et intégrationnistes, sont jugés pour crimes commis pendant l’attaque de Bogoro.
La défense Ngudjolo semble se focaliser essentiellement sur les mouvements de Mathieu Ngudjolo, le jour de l’attaque ainsi que son rôle en tant qu’infirmier, non pas soldat. Des témoins ont affirmé qu’il était au centre de santé en train d’aider une femme à accoucher le matin de l’attaque de Bogoro. Des témoins ont également affirmé qu’il n’était pas impliqué dans le groupe d’auto-défense de Zumbe et qu’il n’en était pas le chef.
Parmi les personnes qui ont témoigné au cours de cette période on compte :
• Le témoin 88 – Emmanuel Ngabu Mandro, également connu sous le nom de chef Manu
• Le témoin 100
• Le témoin 410 – Ngabu Gokpa Isakara
• Le témoin 963 – Jeanne Mariannes
• Le témoin 965 – Richard Longa Linjukpa
Leur témoignage est discuté plus en détail ci-dessous. Il n’y aura pas de procès du19 au 26 septembre 2011. Le procès reprend le 27 septembre avec le témoignage de l’accusé Germain Katanga, qui sera suivi du témoignage de l’accusé Mathieu Ngudjolo.
Le chef Manu, qui était chef de Zumbe pendant le conflit de l’Ituri, a poursuivi son témoignage sur les événements de 2002 et 2003 à Zumbe (la première partie du témoignage du chef Manu est discutée ici.) Il a témoigné que des réfugiés, y compris personnes de l’ethnie Hema fuyant la guerre, sont venus à Zumbe,
« Nous avons estimé qu’un civil Hema n’était pas un soldat, alors nous avons des civils Hema chez moi », a-t-il expliqué.
Il a aussi témoigné que des soldats de l’Armée populaire congolaise (APC) ont été cantonnés à proximité et ont passé quelques jours à Zumbe. Selon le témoin, le commandant de l’APC voulait que le chef Manu envoie des jeunes pour aider à l’APC à attaquer Bogoro, afin qu’ils puissent aller à Gety. Le chef Manu a témoigné qu’il a refusé d’envoyer des gens de son village.
Le témoin a déclaré que bien que les jeunes de la zone aient protégé et défendu le village contre les attaques, ces jeunes n’avaient jamais suivi aucune formation militaire. Il a également souligné que par « les jeunes », il entendait les gens qui avaient plus de 18 ans mais qui n’étaient pas vieux. Il a nié catégoriquement qu’il y ait eu des enfants-soldats dans le groupement Bedu-Ezekere en 2002 – 2003.
Lorsqu’on lui a demandé si les enfants prennent part à la guerre dans la culture Lendu, le chef Manu a répondu que c’était interdit.
« Si un enfant meurt dans la bataille, le chef, le chef traditionnel sera accusé et les Lendu sont très sévères à ce sujet. C’est interdit. »
Le témoin a déclaré que le groupe de défense utilisait surtout des flèches comme armes, et a obtenu quelques armes à feu des soldats ennemis.
Ils n’ont jamais quitté leur région pour aller se battre, selon lui.
« Si nous avions décidé d’aller à Bogoro, des gens de Mandro ou Bunia nous auraient attaqué … alors nous avons observé la situation, car nous savions que si nous allions à l’attaque, un autre groupe pourrait venir nous attaquer et nous achever. Nous avons donc décidé de ne jamais quitter notre région », a-t-il dit.
Selon le témoin, avant l’attaque de février contre Bogoro, il y avait une réunion à Beni. Le chef Manu a déclaré avoir assisté à la réunion en tant que membre d’une délégation qui comprenait également Germain Katanga. Il a affirmé qu’il y avait des discussions sur qui devrait conduire la délégation, lui, ou Katanga.
Le chef Manu a dit qu’il avait été invité par le RCD-K/ML (RCD-Kisangani/Mouvement pour la Libération). Il a dit que pendant le vol de retour, il a été témoin de l’incendie de vastes zones de Zumbe et Lagura, et a demandé à Katanga des munitions en vue de préparer son retour à la guerre à Zumbe.
Concernant l’attaque de Bogoro, le chef Manu a dit que le brouillard et les nuages étaient si épais ce jour-là qu’on ne pouvait pas voir ce qui se passait à Bogoro. Ils pouvaient entendre les explosions, mais ils ne savaient pas où se passait l’attaque, a-t-il ajouté.
Le chef Manu a témoigné qu’il avait interdit à quiconque de quitter la localité de Zumbe, et a nié que quiconque ait pu lui désobéir pour partir et rejoindre le combat. Il a témoigné qu’en raison de son autorité, personne n’aurait pu lui désobéir.
Le témoin a déclaré avoir reçu une lettre de l’UPDF (Forces de défense populaires de l’Ouganda) l’avertissant que l’UPC (Union des patriotes congolais), dirigée par Thomas Lubanga) projetait d’attaquer Dele, Zumbe et Bogoro. Le chef Manu a dit qu’en réponse, il a déplacé la population vers Bunia et contribué à soutenir l’UPDF dans sa lutte contre l’UPC.
Le 6 mars 2003, a-t-il ajouté, il y a eu une attaque sur Bunia. Le FNI est arrivé le 18 mars 2003 pour aider à restaurer l’ordre.
Ngudjolo était également à Bunia pendant l’attaque, selon le témoin. Toutefois, Ngudjolo n’était pas le commandant du FNI à l’époque de l’attaque de Bogoro ou l’attaque de Bunia, a déclaré le chef Manu. Le témoin a indiqué que Mathieu Ngudjolo était infirmier au centre de santé de Zumbe, et donc pas en mesure de donner des ordres.
Le chef Manu a déclaré que Ngudjolo n’est devenu le leader du FNI qu’après le 18 mars 2003, environ un mois après l’attaque de Bogoro. A cette époque, il « a conclu un accord » avec le FNI, et est resté à Bunia en tant que chef.
En contre-interrogatoire, le témoin a admis que la délégation se rendant à Beni, qui comprenait Germain Katanga, comprenait également des enfants portant des armes à feu.
En contre-interrogatoire, le témoin a aussi affirmé qu’il n’y avait pas de commandant du comité d’auto-défense de Zumbe, expliquant que les chefs traditionnels avaient une totale autorité sur tout.
Le chef Manu a également témoigné au sujet d’une réunion à Beni entre les commandants Lendu et Ngiti. Selon le témoin, on lui a dit que lors de cette réunion, il a été décidé de s’emparer de Bogoro afin de couper les contacts entre l’UPC et l’UPDF mettre fin aux combats. Il a ajouté que lors de cette réunion, Katanga a reçu une grosse somme d’argent et des munitions afin d’attaquer Bogoro.
Lors de son interrogatoire par les représentants légaux des victimes, le témoin a nié avoir vu ou entendu parler d’enfants de moins de 15 ans portant des armes pendant la période en question. Bien que le représentant des enfants-soldats ait vigoureusement interrogé le témoin sur la question, le témoin n’a pas cessé de nier qu’il y ait eu des enfants-soldats dans sa communauté.
Comme d’autres témoins avant lui, le chef Manu a témoigné que des enfants ont profité des centres de démobilisation en vue d’obtenir les avantages de la démobilisation (100 $, selon le chef Manu), même sans être des enfants-soldats. Il a témoigné que les parents encourageaient leurs enfants à prendre part au processus afin de recevoir les avantages.
Répondant à une question du juge président, le témoin a déclaré qu’il y avait plus de 500 jeunes dans les groupes de défense locale.
Le témoin 100
Le témoin 100 a témoigné avec des mesures de protection. Le témoin était le père de « Baudouin » un témoin de l’Accusation (« Baudouin » est un pseudonyme, puisque le témoin de l’Accusation bénéficiait également de mesures de protection).
Le témoin 100 a déclaré que son fils ne vivait à la maison à Zumbe avec lui et sa femme, mais avait vécu dans la collectivité de Walendu-Bindi. Il a dit qu’en 2002 – 2003, Baudouin était étudiant et les aidait dans leur ferme ; il ne travaillait pas pour Ngudjolo.
Selon le témoin 100, son fils a disparu en 2006. C’est seulement en 2009 qu’il a appris que Baudouin avait témoigné pour l’Accusation.
Quand il a appris que Baudouin avait témoigné pour l’accusation, il a eu très peur, a-t-il ajouté. Il y avait un conflit entre sa famille et la famille Ngudjolo, et il a été encouragé à témoigner pour Ngudjolo par l’enquêteur de l’équipe de défense de Ngudjolo en vue de rectifier la situation.
Il a déclaré qu’au retour de l’enfant, Baudouin était agressif et avait un comportement bizarre. Le témoin a déclaré qu’il était très effrayé par l’enfant, et il avait peur qu’il puisse détenir une arme et les tuer.
Une grande partie de ce témoignage s’est déroulée à huis clos.
Le témoin 410 – Ngabu Gokpa Isakara
Un pasteur à l’église SECA20, Ngabu a témoigné qu’il était à Kathonie en train de travailler avec une autre église à l’époque de l’attaque de Bogoro. Bien qu’il ait entendu parler de l’attaque, il n’était pas présent, selon le témoin.
Le témoin 410 a été appelé pour réfuter le témoignage de l’une des victimes participantes qui ont témoigné, la victime 2 (son témoignage est rapporté ici.) Elle avait déclaré qu’un ancien collègue de ses parents avait dit que Katanga et Ngudjolo étaient en train de former des gens de chez eux, et qu’ils étaient responsables de l’attaque de Bogoro.
Le témoin 410, l’« ancien collègue » qui a témoigné qu’il avait travaillé avec le père du témoin à la construction de sa maison à Bogoro en 2000, a admis qu’il avait discuté de la situation sécuritaire de Bogoro avec le père du témoin à l’époque.
Le témoin 963 – Jeanne Mariana (alias « Mama Jeanne »)
Jeanne Mariana était une sage-femme qui était née à Bogoro, ville d’où elle s’était enfuie à cause de la guerre en 2001. Elle a témoigné avoir travaillé avec Ngudjolo au centre de santé Kambutso.
Selon le témoin, vers 4h00 du matin, le 24 février 2003, on a amené à la clinique une femme qui avait un accouchement difficile. Mariana a témoigné que la femme ne bougeait pas, et qu’elle avait besoin d’assistance pour l’accouchement. Le témoin a appelé Ngudjolo à l’aide, a-t-elle déclaré. Selon elle, ils ont travaillé ensemble au centre de santé jusqu’à environ 06h00 et Ngudjolo est ensuite resté à l’hôpital le reste de la journée.
Mariana a déclaré que Ngudjolo a quitté la clinique après l’attaque de Bunia, en mars 2003.
Le témoin 965 – Richard Longa Linjukpa
Linjukpa témoigné que Ngudjolo avait contribué à faire naître son enfant le 24 février 2003. Le témoin a dit avoir conduit sa femme au centre de santé de Kambutso, parce qu’elle avait des problèmes d’accouchement. Au centre de santé, a-t-il dit, maman Jeanne a appelé Ngudjolo pour qu’il aide dans l’accouchement. Linjukpa a témoigné que Ngudjolo et Jeanne ont aidé sa femme à accoucher, et ont travaillé jusqu’à environ 10h00 du matin, heure à laquelle le bébé est mort, a ajouté le témoin. Le témoin a emporté le corps chez lui pour l’enterrement alors que la mère est restée à l’hôpital. Ngudjolo était encore à l’hôpital lorsque le témoin a quitté à 10h00, a-t-il ajouté.