Germain Katanga & Mathieu Ngudjolo Chui in court
qui sommes Germain Katanga &
Mathieu Ngudjolo Chui?

Par Sheila Vélez

Nous vous présentons la Chronique Katanga et Ngudjolo #5, qui à l’origine a été publiée sur le site web d’Aegis Trust. Les vues et opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement les vues et opinions d’Open Society Justice Initiative.

La matinée débute par un débat sur des questions de procédure, en présence du témoin. Le procureur a quarante minutes pour terminer son interrogatoire et permettre aux autres parties de procéder au contre-interrogatoire concernant les éléments de preuve présentés par le témoin. Le juge président annonce l’intention des représentants légaux des victimes de poser aussi quelques questions au témoin. Pour ce faire, les avocats sont priés de soumettre leurs questions à la Chambre, qui jugera de leur pertinence. Selon les règles de la Cour, les victimes doivent démontrer que la déposition du témoin couvre certaines questions touchant à leurs intérêts personnels, et leur demande de participation à la procédure doit être faite par écrit au moins sept jours avant la présentation de la preuve. Les choses ne se sont pas passées ainsi dans le cas présent et la flexibilité de la Chambre sur la « décision en 7 jours » sera donc mise à l’épreuve.

« Bonjour, Monsieur, » Le Procureur Eric MacDonald salue le témoin « Nous sommes en séance publique et je voudrais aborder la question dont vous avez discuté vendredi après-midi – la liste des victimes de l’attaque de Bogoro. Comment avez-vous préparé cette liste? » demande M. MacDonald. Le témoin 233 explique que, pour que la liste soit dressée, chaque personne a essayé de se souvenir des personnes décédées ou qui ont disparu. « Nous avons mis ce nom sur la liste », explique le témoin. Deux cents victimes ont été recensées. Ce sont là les pertes résultant de l’attaque du 24 février 2003.

Mais avant cette attaque, il y a eu d’autres agressions sur le village aussi. « Combien d’attaques ont eu lieu avant l’assaut du 24 février? » demande M. MacDonald. « Avant cette attaque, il y en a eu deux autres, en 2001 et en 2002, » dit le témoin. L’Accusation souhaite explorer ces autres dates, mais se rend compte que le témoin 233 a oublié le mois et les jours de l’attaque. « Si je pouvais jeter un coup d’œil sur mon bloc-notes … » souligne le témoin. « De quel bloc-notes parlez-vous? » demande M. MacDonald. Le témoin 233 a pris quelques notes sur les événements de 2001 et 2002. « Il s’agissait d’événements historiques, j’ai pensé qu’on pourrait me poser des questions sur ces épisodes », a-t-il expliqué.

L’Accusation demande que la Chambre montre au témoin son bloc-notes. La Chambre examine cette requête à huis clos et en l’absence du témoin. Les persiennes s’ouvrent encore une fois, et M. MacDonald, debout, tient une feuille de papier. Il s’agit d’une photocopie du bloc-notes du témoin. Il demande que ce document ne soit pas exposé au public. Il doit rester confidentiel. Après une discussion entre les avocats de la défense et ceux de l’Accusation, la Chambre donne son consentement à l’utilisation de cet élément de preuve afin de rafraîchir la mémoire du témoin. Après tout, comme l’ont souligné les juges, il s’agit d’un élément de preuve produit par le témoin lui-même et basé sur sa propre mémoire.

Le témoin 233 entre dans la salle et M. MacDonald reprend son interrogatoie. « Monsieur le témoin, reconnaissez-vous cette page? » demande du Procureur, se référant à son bloc-notes. Sur cette page figurent ces détails concernant les attaques précédentes contre Bogoro: le premier assaut, le 9 janvier 2001, où près de 110 personnes ont trouvé la mort, et la deuxième attaque, le 14 août 2002, où 32 personnes ont été tuées. Selon le témoin, les chiffres se rapportaient uniquement à des civils, et les responsables de ces meurtres étaient d’ethnie Lendu et Ngiti.

Avant de terminer son interrogatoire, M. MacDonald revient sur les événements du 24 février 2003 pour enfin trouver la réponse qu’il recherche depuis le début du témoignage. « Monsieur le Témoin, que signifie cette expression? » demande M. MacDonald, en lisant une phrase en swahili. « Est-ce que ça veut dire ’les tuer de nos propres mains?’ » Objection immédiate de la défense. Le témoin dit qu’il a entendu « les soldats ennemis » prononcer ces mots.

Après la pause en milieu de matinée, la demande des représentants légaux des victimes (RL) conduit à un débat intéressant qui va définir le niveau de participation de leurs clients. Une fois qu’ils divulguent les questions qu’ils ont l’intention de poser au témoin, les autres parties au procès donnent leur réponse. La défense s’oppose à leur demande, faisant valoir que les RL veulent couvrir les domaines de la preuve qui doivent être abordés par le Procureur. Ce commentaire déplaît à l’un des avocats des victimes: « Nous ne sommes pas ici en tant qu’observateurs, nous sommes ici pour représenter les préoccupations et les points de vue des victimes que je représente », explique M. Luvengika. « Toutes ces questions sont conformes à l’intérêt de nos clients. Il y a des éléments de confusion dans la déposition du témoin et nous voulons la clarifier », dit-il.

Pour leur part, les juges affirment qu’ils seront souples avec la « règle des 7 jours », et admettent les questions soulevées par les représentants légaux comme pertinentes dans le cadre de la présente affaire, et par conséquent, ils se disent que ces questions seront posées pendant le contre-interrogatoire mené par la défense. « Si la défense ne pose pas de questions sur ce sujet, la Chambre en posera », dit le juge président Cotte.

Le témoin revient encore une fois. Deux questions posées par la Chambre, et c’est le début du contre-interrogatoire. « Bonjour Monsieur le Témoin. Mon nom est David Hooper et je vais vous poser des questions au nom de M. Germain Katanga », annonce l’avocat de la défense. M. Hooper veut savoir si ce que le témoin a dit lors de l’interrogatoire est vrai. « Vous nous avez dit que la première attaque a eu lieu le 9 janvier 2001, et que l’attaque a duré trois jours et causé 110 décès civils. Est-ce exact? » M. Hooper s’intéresse à ce dont le témoin se souvient maintenant sans se référer à son bloc-notes. Sa première entrevue avec les enquêteurs du BdP a eu lieu été en 2007. Trois ans ont passé et il est possible que cela ait influé sur la capacité du témoin à se rappeler les événements.

« L’attaque d’août 2002 », commence M. Hooper, « qui a eu lieu après l’expulsion [du gouverneur de l’Ituri] Lopondo Mulondo de Bunia par l’UPC? » « Oui », répond le témoin 233. Ce jour-là, parmi les soldats ennemis – les Lendu et les Ngiti – il y avait d’autres combattants. Certains de ceux qui sont entrés sur le village de Bogoro le 14 août 2002 portaient l’uniforme de l’Armée populaire congolaise (APC), la branche armée du RCD-K-ML dirigée par Mbusa Nyamwisi, qui contrôlait des zones au Nord-Kivu et en Ituri, et était alliée à Kinshasa.


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