Germain Katanga & Mathieu Ngudjolo Chui in court
qui sommes Germain Katanga &
Mathieu Ngudjolo Chui?

Par Judit Algueró Llop

Entretien avec M. David Hooper, conseil de la défense de Germain Katanga. Il parle à www.katangatrial.org des principales lignes de sa défense et des témoins qui vont s’exprimer devant la Cour au cours des prochains mois.

Judit Algueró : Quelles sont les grandes lignes de votre défense? A quoi peut-on s’attendre dans les prochains mois au procès Katanga / Ngudjolo Chui?

David Hooper : Le procureur doit de toute évidence inculper l’accusé et prouver sa culpabilité. Je pense qu’il faut commencer par souligner que nous ne sommes pas là pour prouver quoi que ce soit. C’est à l’accusation de le faire. Nous nous penchons sur l’argumentation de l’Accusation et ce que nous disons, c’est que l’Accusation n’a pas prouvé ce qu’elle avait promis de prouver. Et un élément clé c’est le degré de contrôle que Germain Katanga exerçait sur le plan, d’attaque du village de Bogoro, si vraiment un tel plan existait. C’est essentiellement cela notre argument, nous disons qu’il n’exerçait pas de véritable contrôle sur ce plan. Que c’était un plan créé par d’autres. En particulier, par des gens à Kinshasa, par des gens à Beni, des gens qui connaissaient ces choses, tant politiquement que militairement. Et qu’il n’appartenait même pas à la partie du groupe qui a attaqué Bogoro.

JA : Dans votre déclaration d’ouverture, en novembre 2009, vous avez insisté sur l’état de dégradation dans lequel le président Mobutu avait laissé le pays, qui a permis à d’autres États voisins de piller l’Ituri et la région des Kivus. Vous avez également mentionné la participation du Président Kabila. Allez-vous aborder ces questions?

DH : Comme vous le savez il s’agit essentiellement une attaque contre le village de Bogoro et nous nous concentrons vraiment sur ce point. Mais, les thèmes généraux sont toujours là et nous reviendrons pour nous y pencher. Et c’est exact en partie, l’ingérence du Rwanda et l’Ouganda dans cette région et l’absence de contrôle à un moment donné par le gouvernement central a laissé les gens qui habitent la région où vit Germain Katanga totalement exposés à la dépravation et aux crimes les plus terribles. La population locale de cette région s’est donc vue dans l’obligation de former des groupes d’autodéfense. Ce n’est pas que l’existence de la milice soit elle-même injustifiée, elle constituait en fait une réponse légitime de la population locale.

JA : Combien de temps va durer la plaidoirie de la défense?

DH : Je ne suis pas sûr car il y a tellement de variables, mais je pense que nous aurons terminé notre partie de l’argumentation de la défense à la mi-juin. Puis ce sera au tour du co-accusé. Alors, la plaidoirie de la défense prendra peut-être fin d’ici la mi-septembre.

JA : Et qu’est-ce qui va se passer après la plaidoirie de la défense?

DH : Le Procureur pourrait appeler d’autres témoins, mais ce serait exceptionnel. Après la plaidoirie défense, il nous faudra rédiger le dossier de clôture de la défense, qui, comme vous pouvez le comprendre, est un véritable cauchemar dans ce genre de cas car il y a tellement de choses.

JA : Quel genre de témoins allez-vous appeler à la barre?

DH : Eh bien, nous espérons apporter environ 24 témoins, y compris Germain Katanga s’il témoigne. Je vais lui dire s’il doit témoigner ou non. Je ne pense pas qu’il doive témoigner à moins que cela ne soit nécessaire. Il va devoir compter sur mes conseils.

Les autres témoins sont un mélange de personnes diverses. Nous avons des gens qui étaient assez haut placés dans les différents groupes qui ont été établis à l’époque. Ils vont témoigner dans les prochaines semaines. Tous ces témoins, sauf un ou deux, témoigneront en séance publique. Ils ne se cachent pas derrière des pseudonymes comme le font beaucoup de témoins de l’Accusation. Certains d’entre ceux-ci, à notre avis, ont pu se cacher derrière des pseudonymes pour mentir.

Mais nous allons aussi appeler des gens qui sont proches de Germain Katanga dans sa région. Inévitablement, certaines de ces personnes sont de sa famille. Mais connaissant la situation, il est difficile pour les gens de venir témoigner. Parfois, vous devez appeler des membres de la famille, car ils savent ce qui se passait et ont également un motif pour venir témoigner. Non pas pour mentir, mais pour soutenir un membre de la famille.

Nous appelons également des gens de l’autre bord. Je n’en dirai pas plus à ce sujet parce que nous qu’à l’heure actuelle nous tenons ces choses éloignées des yeux du public, afin de protéger le témoin. Mais le moment venu, l’homme qui va témoigner va le faire en séance publique. Et il sera en mesure de nous dire des choses sur les victimes dans l’affaire, parce qu’ils n’ont pas été, à notre avis, honnêtes. Il s’agira donc de quelques semaines très intéressantes, je pense.

JA : Et ces personnes de haut rang dont vous parlez, s’agit-il des personnes détenues en RDC?

DH : Oui. En fait, il s’agit de trois détenus de la RDC. Pour autant que je sache, ils sont arrivés à La Haye, hier [dimanche, le 27 mars 2011].

Nous avons déjà cité car vous connaissez déjà un témoin. C’est Jonathan, qui était le frère cadet de Germain Katanga. Et je pense, à le regarder, que les gens ont été surpris par sa grande qualité en tant que témoin. Ce n’est pas à moi d’évaluer le témoin, mais j’ai été très heureux de la façon dont il a fait sa déposition.

Donc maintenant nous avons les détenus pour les sept ou huit jours qui suivent. Et la première personne à témoigner est Floribert Njabu, une personne haut placée au FNI. Il est détenu politique depuis les six dernières années et il n’y a pas de charge. Il n’a pas vu un tribunal depuis environ quatre ans. Personne ne le poursuit, il ne fait l’objet d’aucun procès. Lui et les autres sont des détenus politiques peut-être parce qu’ils avaient causé des problèmes dans l’Est ou parce qu’ils ont causé des problèmes politiques.

Judit Algueró travaille actuellement au Tribunal spécial pour le Liban. Elle a d’abord couvert le procès Katanga / Ngudjolo Chui et aussi le procès Lubanga pour Aegis Trust.


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