Germain Katanga & Mathieu Ngudjolo Chui in court
qui sommes Germain Katanga &
Mathieu Ngudjolo Chui?

Par Jennifer Easterday

Entretien avec M. Eric MacDonald, premier substitut du Procureur à la Cour pénale internationale (CPI). Il s’est entretenu avec www.Katangatrial.org sur l’importance de l’affaire Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui et ses rapports avec le procès de Thomas Lubanga, premier procès de la CPI.

Jennifer Easterday: À votre avis, quelles sont les caractéristiques déterminantes de ce procès?

Eric MacDonald: Les chefs d’accusation eux-mêmes. Le fait que nous ayons une attaque contre la population civile d’un point de vue des crimes contre l’humanité et aussi des crimes de guerre, qui sont de nature analogue, et le fait que nous ayons accusations de violence sexuelle, et d’utilisation d’enfants lors de l’attaque de Bogoro.

Le fait aussi que nous ayons deux accusés. Il s’agit du premier procès devant cette Cour avec deux accusés.

En outre, une autre caractéristique, c’est qu’il s’agit d’une attaque qui a eu lieu un jour donné, et qui est donc très concentrée dans le temps et géographiquement. Le fait que nous ayons eu deux groupes de miliciens qui ont uni leurs forces pour attaquer le village de Bogoro, je pense que cela correspond à vraiment bien au mandat de la Cour en général, selon les prévisions concernant le Statut. Je dirais donc que nous avons là un cas classique. Voilà donc les principales caractéristiques.

JE: Quand vous dites que cette affaire s’inscrit dans le mandat de la cour et qu’il s’agit d’une affaire « classique », dans votre esprit, est-ce là exactement le genre d’affaire dont le traitement a suscité la création de la CPI?

EM: Bien sûr et d’autres aussi, mais quand on pense à la justice internationale, je pense que cette affaire constituerait un cas classique de poursuites en droit pénal international, parce qu’il s’agit d’une attaque lancée un jour donné par des milices et aussi le fait que des populations civiles ont été tuées au cours de cette attaque … Les gens ont été ciblés en tant que civils.

JE: Que peut-on s’attendre à voir dans les prochains mois dans l’affaire Katanga et Ngudjolo?

EM: La plaidoirie de la défense se poursuivra au moins jusqu’à l’automne. La défense a annoncé 36 témoins, peut-être 37 si Germain Katanga témoigne. […] À l’heure actuelle, nous terminons avec le troisième témoin. […] Malheureusement, nous ne pouvions pas terminer son témoignage aujourd’hui, il sera finalisé le lundi 2 mai, puis nous continuons.

Maintenant, après, la chambre a le pouvoir de demander de sa propre initiative, la déposition de témoins ou la présentation de preuves. Mais ils peuvent également solliciter l’opinion des parties sur la possibilité pour la Chambre d’appeler ce que j’appellerais alors témoins en réplique (comme cela se fait dans le système de Common Law), mais dans ce cas, la demande se ferait par l’intermédiaire de la Chambre et la Chambre déciderait alors d’appeler ces témoins ou non.

Donc, si on considère les choses en termes de calendrier, les témoins de la défense seront bien appelés à témoigner jusqu’à l’automne de cette année, et nous ne saurions donc dire à ce stade, si nous allons finir en septembre [ou en] octobre. Et ensuite, si des témoins sont appelés par la chambre, nous ne savons pas encore. Nous allons voir avec le temps, et puis après vous avez les dossiers finaux, les plaidoiries, et finalement une décision de la chambre et le processus d’appel. Nous nous attendons donc à un éventuel recours en 2012 ou 2013.

JE: N’est-il pas exact que le Procureur aurait la possibilité, après avoir obtenu l’accord de la Chambre, d’appeler des témoins supplémentaires?

EM: La citation d’un témoin supplémentaire par l’Accusation n’est pas automatique. Je pense que l’objectif de cette Chambre est de démontrer que vous êtes en mesure de poursuivre de tels cas dans les meilleurs délais, alors … dans quelle mesure permettra-t-on aux parties de convoquer des témoins ou des preuves supplémentaires, à ce stade nous ne le savons pas. Mais il est plus probable que la Chambre elle-même demanderait la présentation de preuves jugées nécessaires pour la mission de recherche de la vérité.

JE: Pensez-vous que la défense pourrait réduire le nombre de témoins, ou pensez-vous quelle va aller jusqu’à la fin avec tous les 37 témoins?

EM: Au début, ils avaient 37 témoins. Ils en ont enlevé un déjà, la défense de Germain Katanga a enlevé un témoin. Il est possible qu’à mesure que nous avançons la défense décide de ne pas appeler certains des témoins prévus. Mais à ce stade, c’est seulement de la spéculation.

JE: Pourquoi est-ce procès se déroule à une allure plus rapide que le procès de Lubanga, même alors qu’il y a deux accusés et plus de chefs d’accusation?

EM: Une chose à retenir est qu’il s’agit d’une jeune institution. Lubanga, étant le premier cas, ils ont établi des normes qui ont constitué une source d’apprentissage pour cette Chambre, la Chambre de Katanga et Ngudjolo, et dont cette Chambre s’est peut-être éloignée. Et bien sûr, Lubanga, étant le premier cas, certaines questions ont été soulevées qui devait être débattues et tranchées par la Chambre d’appel et avec notre connaissance de ces décisions, nous avons pu adapter nos poursuites à ces décisions. En outre, la Chambre étant alors au courant des questions ayant déjà été décidées par la Chambre d’appel, la Chambre elle-même a un jurisprudence sur laquelle s’appuyer … pour ordonner ou donner des instructions aux parties ou à ceux qui participent à notre instance. Bien sûr, la première affaire est toujours l’affaire la plus difficile, et celles qui viennent après bénéficient des avantages et peut-être des difficultés du premier procès. Il s’agit donc de tirer des leçons pour tous et pour toutes les affaires à venir après Lubanga.

JE: Vous avez mentionné le fait que la Chambre de première instance s’est parfois éloignée de la jurisprudence du procès Lubanga, et sans entrer dans trop de détails, y a-t-il quelques problèmes que vous pourriez signaler?

EM: En fait et de toute évidence, l’une des principales questions au début de […] Lubanga a été pertinente selon l’article 54 (3) et les accords de confidentialité signés avec l’ONU pour leurs documents, par exemple. Nous avons pu adapter notre analyse, utiliser et rechercher dans un premier temps, la suppression des parties expurgées ou la levée des restrictions en matière de confidentialité assez tôt pour ne pas être confrontés aux mêmes défis sur cette question dans notre cas. Voilà donc un exemple. Mais c’est une question très importante parce qu’elle a trait à la divulgation de renseignements à la défense, et le procès Lubanga a été retardé à cause de cela … pendant je ne sais combien de mois. Nous n’avons pas eu besoin de suivre cette voie …

En outre, je pense que dans l’affaire Lubanga, il y avait un arrêt des procédures ou un débat quant à la divulgation de l’identité des intermédiaires, ce qui n’était pas un problème dans notre cas, nous avons eu la chance de ne pas avoir à passer par tous ces débats comme dans l’affaire Lubanga.

JE: En général, trouvez-vous que cette Chambre de première instance est assez conforme à l’autre Chambre de première instance?

EM: Oui, assez conforme. Il peut y avoir des différences, mais en termes généraux, il s’agit de la même procédure. Nous appelons des témoins à la barre et la règle est que c’est le témoignage des témoins qui compte, ce n’est pas la présence de leur déclaration dans les dossiers de la Cour, et ainsi de suite. Donc, en termes généraux les procédures sont appliquées d’une manière similaire. Maintenant, il peut y avoir de petites différences ici et là que vous ne voyez pas nécessairement dans le dossier, mais juridiquement les décisions sont assez constantes.


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