Germain Katanga & Mathieu Ngudjolo Chui in court
qui sommes Germain Katanga &
Mathieu Ngudjolo Chui?

Par Jennifer Easterday

Ce rapport rend compte des témoignages et des questions juridiques abordées durant le procès de Germain Katanga et de Mathieu Ngudjolo Chui qui se tient devant la Cour pénale internationale (CPI) pour la période du 27 juin au 12 juillet 2011.

Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui font face à des chefs de crimes contre l’humanité et à des crimes de guerre survenus lors d’une attaque sur Bogoro, un village de l’Ituri, dans l’est de la RDC, en février 2003. Les accusés ont nié l’ensemble des charges retenues à leur encontre.

Lors de la période couverte par ce rapport, l’équipe de défense de M. Katanga a cité à comparaître ses derniers témoins.

Les témoins qui se sont présentés devant la Cour sont :

  • Leondard Katobe Adisso (témoin 196)
  • Mugangu Awenya (témoin 259)
  • Jean Logo Ndegatchu (témoin 258)

M. Katanga et M. Ngudjolo sont accusés d’avoir utilisé des enfants de moins de quinze ans afin qu’ils prennent activement part aux hostilités. À cet égard, M. Katobe et M. Mugangu ont témoigné sur le même thème que le thème récurrent de la plaidoirie de la défense de M. Katanga, à savoir qu’il n’y avait pas eu d’enfants soldats à Aveba et que les enfants pris en charge par le centre de démobilisation d’Aveba n’étaient pas des enfants soldats mais avaient été « démobilisés » afin de bénéficier gratuitement du kit de démobilisation.

M. Logo, l’enquêteur de l’équipe de défense de Katanga, a expliqué son enquête et a témoigné des nombreuses preuves contenues dans les documents.

La défense de Katanga a maintenant cité à comparaître tous ses témoins, à l’exception de Germain Katanga. M. Katanga témoignera après que l’équipe de défense de M. Ngudjolo ait appelé ses témoins. La présentation des éléments à décharge pour M. Ngudjolo débutera lorsque la CPI reviendra de ses vacances d’été, le 15 août 2011.

Leondard Katobe Adisso (témoin 196)

M. Katobe a travaillé pour l’organisation non gouvernementale (ONG) Terre des Enfants de 2001 à 2004, en tant que surveillant d’enfants non accompagnés. M. Katobe a expliqué que l’objectif de l’organisation était de démobiliser les enfants soldats.

Le témoin a indiqué avoir travaillé dans le site de transit d’Aveba, qui avait été établi en novembre 2004 et qui fonctionnait en collaboration avec plusieurs ONG, notamment Terre des Enfants. Il s’était rendu une première fois à Aveba entre juillet et août 2004. Il a précisé que le but de ce voyage ainsi que celui des deux voyages suivants était de déterminer s’ils seraient reçus par Germain Katanga. M. Katobe a déclaré que M. Katanga a eut une très bonne attitude en ce qui concerne leur rencontre. M. Katobe a indiqué qu’il avait coopéré et n’avait pas « compliqué les choses » pour l’ONG.

Il a précisé que le site avait été installé directement après le troisième voyage, au début du mois de novembre 2004. Selon M. Katobe, le site de transit avait été implanté près du camp militaire. Il a décrit l’aspect de la propriété en détail.

En parlant des enfants qui avaient été pris en charge par le centre de démobilisation, M. Katobe, comme les autres témoins avant lui, a affirmé qu’il n’y avait eu qu’un seul enfant soldat à Aveba.

« Lorsqu’ils sont arrivés, ils ont constaté qu’apparemment, il n’y avait pas d’enfants soldats », a-t-il indiqué. M. Katobe a déclaré qu’il n’avait vu qu’un seul cas d’enfant soldat, le premier jour. Il s’appelait Karido. Il a précisé que, par la suite, aucun enfant soldat ne s’était présenté au centre de démobilisation. Il a ajouté qu’ils avaient alors commencé une campagne de sensibilisation pour trouver d’autres enfants. Par ailleurs, M. Katobe a indiqué que l’ONG avait dû partir.

Le témoin a affirmé que Terre des Enfants avait établi des critères afin de déterminer les enfants à démobiliser. Il a indiqué que, toutefois, ces critères n’étaient pas toujours appliqués.

M. Katobe a déclaré que, lorsque les enfants avaient commencé à arriver à la suite des efforts de sensibilisation, au lieu de procéder minutieusement, l’ONG n’avait pas posé beaucoup de questions aux enfants.

« Nous leur demandions seulement s’ils avaient été dans tel ou tel groupe. L’idée générale était d’augmenter le nombre d’enfants. C’est tout », a affirmé M. Katobe.

Lors de la campagne de sensibilisation, l’ONG avait également visité des écoles. Selon M. Katobe, le site de transit acceptait les étudiants et il affirmé que les parents avaient eu connaissance des informations et envoyaient leurs enfants au centre de transit.

« On leur a dit que s’il y avait des enfants traumatisés, tout particulièrement par la guerre, ces enfants pouvaient également se rendre au site et bénéficier de kits dans le site », a-t-il expliqué.

La sensibilisation a été entreprise sous la direction et la surveillance du directeur de l’ONG, un homme que le témoin a appelé « Charles ».

Les enfants étaient classés en trois groupes. M. Katobe a indiqué qu’il n’y a eu qu’un seul enfant classé en tant qu’« enfant soldat ». Il a expliqué que les autres enfants étaient dénommés « EAFGA »ou « enfants associés à des forces ou groupes armés ». Il a précisé qu’il s’agissait d’enfants qui avaient vécu avec des membres de la milice. Ils ne portaient pas d’armes mais ils pouvaient être des proches parents des membres de la milice ou des enfants qui vivaient dans les camps et qui faisaient des petits boulots comme faire des courses, aller chercher de l’eau, monter la garde ou s’occuper du bétail. Il y avait également des enfants qui « étaient pauvres et qui voulaient des kits de démobilisation. Nous les considérions comme des ‘‘enfants traumatisés par la guerre’’ », a expliqué le témoin.

Le témoin a estimé que, parmi les 952 enfants qui étaient présents sur le site, et hormis le seul ‘’vrai’’ enfant soldat, 10 pour cent (soit 95 enfants environ) étaient des EAFGA et que 90 pour cent restant (soit 856 enfants environ) étaient des enfants qui provenaient de divers villages et qui se présentaient pour obtenir des kits afin de sortir de la pauvreté. M. Katobe a indiqué que Charles considérait que tous les enfants de la région avaient été affectés par le conflit et qu’ils devaient tous être accueillis dans le centre de démobilisation.

Outre les enfants Ngiti, M. Katobe a déclaré qu’il y avait des enfants Hema qui s’étaient rendus au site de démobilisation à la suite des efforts de sensibilisation. Il a précisé que ces enfants avaient été des membres du groupe armé à Boga mais qu’il ne pouvait se souvenir du nom de ce groupe.

Il a affirmé qu’il y avait également des ‘‘pygmées’’ provenant de la forêt qui se rendaient au site de démobilisation. Charles leur aurait appris à lire et leur aurait dit de venir au site pour recevoir des kits de démobilisation. Le témoin a indiqué qu’ils ressemblaient à des enfants de par leur taille mais, qu’en réalité, il s’agissait d’adultes.

Il a déclaré que les enfants qui venaient au site de démobilisation avaient été interrogés pour savoir de quel groupe armé ils étaient issus mais comme les enfants connaissaient les différents groupes qui étaient actifs dans les environs, ils pouvaient donner le nom du groupe associé à leur village d’origine. M. Karobe a également affirmé que les enfants étaient interrogés sur leur âge mais qu’on ne leur demandait pas de papier d’identité et qu’on ne vérifiait pas leur âge.

D’après lui, aucun suivi n’a été fait pour les enfants une fois qu’ils avaient quitté le site de démobilisation.

Lors du contre-interrogatoire, l’accusation a tenté de mettre en cause la déposition du témoin au motif d’incohérences avec ses déclarations antérieures. L’accusation a, par exemple, déclaré que bien qu’il ait témoigné sur des enfants ‘‘traumatisés’’, ce terme n’avait pas été mentionné dans la déclaration précédente qu’il avait faite à l’équipe de défense de M. Katanga. M. Katobe a répondu qu’il avait eu cette idée plus tard et a expliqué que par ‘‘traumatisés’’, il entendait des enfants qui avaient été victimes de la guerre.

Mugangu Awenya (témoin 259)

M. Mugangu est né et a grandi à Aveba. Il a déclaré n’avoir de lien avec aucune milice.

En 2004, lorsqu’il était âgé de 17 ans, des amis de son école s’étaient rendus au site de démobilisation. M. Mugangu a indiqué ne pas savoir à l’époque ce que ‘‘démobilisation’’ signifiait mais ses amis lui avaient précisé qu’on les avaient interrogé pour savoir s’ils étaient dans une milice et qu’ensuite on leur avait donné des kits qui comprenaient des couvertures, des serviettes de toilette, des sacs et des habits. Il a ajouté que ses amis avaient à peu près le même âge que lui.

M. Mugangu a affirmé qu’Aveba était une petite ville et qu’ils connaissaient bien ces enfants. Il a déclaré que ces enfants vivaient avec leurs parents à l’époque et n’avaient aucune relation avec la milice.

M. Mugangu a indiqué que les membres d’une ONG étaient venus à l’école et au terrain de football pour faire de la sensibilisation, indiquant aux enfants que s’ils avaient été associés à une milice, ils devaient venir les voir et recevoir des kits. Ces éléments corroborent la déposition du témoin précédent.

« Après avoir entendu ce que mes amis m’avaient dit sur la démobilisation, j’ai décidé de me démobiliser même si je n’étais pas un milicien », a déclaré le témoin.

Il a indiqué s’être d’abord rendu au bureau de l’ONG Save the Children et de leur avoir dit être venu pour se démobiliser. Il avait ensuite été emmené auprès du CONADER (le groupe de démobilisation du gouvernement de la RDC, Commission Nationale de Démobilisation et de Réinsertion), a-t-il précisé. Il avait fourni une fausse identité mais il n’a pas été en mesure de se souvenir de l’âge qu’il avait prétendu avoir à l’époque. Il a précisé que le CONADER lui avait donné un kit de démobilisation contenant une couverture, une serviette de toilette et un sac.

Lors de son contre-interrogatoire, le témoin a admis connaître très bien la famille de M. Katanga. Le témoin n’a, toutefois, pas confirmé que sa famille et celle de M. Katanga étaient amies. Il a nié avoir parlé du procès au frère de M. Katanga, Jonathan, bien qu’il connaisse ce dernier.

Jean Logo Ndegatchu (témoin 258)

M. Logo, le dernier témoin à se présenter pour la défense de Germain Katanga, est l’enquêteur de l’équipe de défense de M. Katanga. Il a déclaré que son rôle principal était de rechercher des preuves qui aideraient la chambre de première instance à rendre son jugement.

La qualité des enquêtes de la défense de M. Katanga a été un sujet de désaccord pendant tout le procès, l’accusation tentant régulièrement d’accuser les témoins de la défense de M. Katanga en insinuant l’existence d’irrégularités dans le processus d’enquête. Le témoignage de M. Logo pourrait permettre de réhabiliter ce témoignage. De plus, le témoignage de M. Logo pourrait permettre à la défense de M. Katanga de présenter de nombreuses preuves contenues dans des documents.

M. Logo, un Hema, a témoigné qu’en aucun cas il n’avait été lié à un groupe de milice, il n’avait tenu une arme ou il n’avait été impliqué dans des partis ou activités politiques. Il a affirmé ne pas s’être rendu en Ituri pendant le conflit et avoir été basé à Kinshasa à l’époque. Il a précisé être, toutefois, né en Ituri et conserver des contacts dans la région.

M. Logo a décrit la méthodologie utilisée lors de ses enquêtes. Il a indiqué utiliser une approche ‘‘objective et scientifique’’ dans sa mission. Il a expliqué avoir utilisé dans un premier temps des techniques d’observation puis avoir conçu un questionnaire et mener des entretiens et des discussions avant d’entreprendre un récapitulatif historique en se basant sur les preuves contenues dans les documents. Il a indiqué que, pour finir, il analyserait le contenu de sa recherche.

Lorsqu’il a conclu un accord pour rencontrer un témoin potentiel, M. Logo a déclaré qu’il se présentait tout d’abord comme une personne ressource de l’équipe de défense de M. Katanga. Il indiquait avoir besoin de s’entretenir avec la personne afin de rassembler des informations permettant d’aider la défense de M. Katanga. Si la personne acceptait d’être interviewée, il lançait une discussion. Il a précisé qu’il se rendait au domicile de la personne en question, se présentait ainsi que sa mission et demandait à entamer une discussion. « J’ai toujours un carnet sur moi et je prends donc des notes en posant des questions et joins une photo de la personne aux notes », a-t-il expliqué. M. Logo a déclaré qu’il informait l’équipe de défense de ses progrès et que lorsque l’équipe se rendait sur le terrain, il communiquait ses notes et mettait les témoins potentiels en contact avec l’équipe. Il a précisé que si le témoin potentiel était interviewé par un membre de l’équipe juridique, M. Logo pouvait servir d’interprète et d’observateur. M. Logo a affirmé qu’il envoyait la déclaration préparée au témoin, qu’il la lisait entièrement avec le témoin pour la lui expliquer et procédait à tous les ajustements appropriés. Il a indiqué qu’il signait et apposait ses initiales sur les déclarations du témoin, tel que l’exige son équipe de défense.

M. Logo a minimisé son rôle dans le processus d’enquête, arguant que l’équipe juridique poserait les questions et rédigerait les déclarations du témoin. « Les enquêtes, en grande partie, ont été menées par les membres de l’équipe lorsqu’ils étaient au Congo », a-t-il indiqué.

La défense a par la suite demandé à M. Logo des preuves dans des documents spécifiques et a ensuite demandé que ces documents soient consignés dans les minutes.

Lors du contre-interrogatoire, l’accusation a demandé au témoin d’expliquer comment il avait été recruté pour travailler avec l’équipe de défense de M. Katanga. M. Logo a déclaré avoir rencontré M. Katanga avant de rejoindre l’équipe juridique mais a affirmé avoir été recruté par un membre de l’équipe, Caroline Buisman.

M. Logo a indiqué qu’il s’était rendu à Aveba pour la première fois pour ses enquêtes en mars 2008. Il ne s’y était jamais rendu auparavant. Il a précisé qu’il n’avait jamais eu de problèmes pour se rendre dans cette région par ses propres moyens. Il a indiqué n’avoir jamais été dans la région de Walendu Bindi avant février 2008. Le procureur a suggéré qu’il ne s’y était jamais rendu car il était Hema et que cela était dangereux. M. Logo a répliqué que cela était inexact et que « vous ne devez pas donner l’impression à la Cour… qu’il en est ainsi ».

Le témoin a expliqué s’être rendu à Bogoro plusieurs fois seul et quelques fois avec son équipe. Lors de son interrogatoire, le témoin a sous-entendu que cela aurait pu être dangereux. Lors de son contre-interrogatoire, il a expliqué que certaines zones étaient dangereuses car la milice du FRPI était toujours en activité.

Le témoin a également affirmé lors de son contre-interrogatoire avoir rencontré M. Katanga en 2005 et qu’ils étaient ensuite devenus amis M. Logo a toutefois déclaré qu’il ne savait pas à l’époque que M. Katanga était président du FRPI (Forces de Résistance Patriotique d’Ituri, la milice qui aurait été dirigée par Katanga). Il a également indiqué qu’il avait été impliqué dans l’UPC (Union des Patriotes Congolais, une milice dirigée par Thomas Lubanga, qui est également jugé devant la CPI). M. Logo a admis connaître personnellement Thomas Lubanga.

Il a expliqué qu’il n’entretenait pas de contacts réguliers directement avec M. Katanga et qu’il communiquait au sujet de ses enquêtes avec l’équipe de défense.


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