Germain Katanga & Mathieu Ngudjolo Chui in court
qui sommes Germain Katanga &
Mathieu Ngudjolo Chui?

Par Jennifer Easterday

Cette semaine, les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont entendu les conclusions de l’Accusation au procès de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui. Vous pouvez trouver les principaux arguments du procureur en suivant ce lien. La section suivante résume brièvement des questions supplémentaires des juges.

Comment Katanga exerçait son autorité sur les combattants Ngiti?

Katanga a exercé son autorité en attaquant et en brûlant les camps de commandants qui n’obéissaient pas à ses ordres, a soutenu l’Accusation. Cette assertion est confirmée par des preuves écrites, notamment une lettre décrivant la collecte de « taxes » et où il était dit que personne ne pouvait s’absenter à une réunion convoquée par lui. Le Juge Président Bruno Cotte a demandé si cette preuve montrait que Katanga faisait l’objet d’une obéissance presque automatique. L’accusation a répondu par l’affirmative. Il s’agit d’un élément du mode de responsabilité indirecte par coaction que l’Accusation doit mettre en évidence pour démontrer la culpabilité de Katanga dans le cadre de l’article 25 (3) (a) du Statut de Rome.

L’Accusation a soutenu que la façon dont on lui rendait compte et le système de punition montraient clairement l’autorité qu’il exerçait sur les autres commandants du camp. L’Accusation a fait référence à la déposition du témoin P-28, qui a témoigné qu’il avait accompagné Katanga lors d’une de ses visites des autres camps Ngiti pour voir comment ils fonctionnaient. Selon l’Accusation, ce voyage a été effectué parce que Katanga était l’autorité et le «Président» de tous les commandants Ngiti. Il s’agissait d’un voyage d’inspection pour s’assurer que les commandants exécutaient ses ordres et instructions, a ajouté l’Accusation Le témoin P-219 a également témoigné qu’il y avait une procédure par laquelle les combattants venaient à Aveba pour discuter des problèmes des autres camps, a noté l’Accusation. Bien qu’il n’y ait pas eu de système écrit pour rendre compte, Katanga aurait fait usage d’une procédure orale s’agissant des  problèmes des autres camps.

Comment Ngudjolo a-t-il exercé son autorité sur les combattants Lendu?

Selon l’Accusation les témoins ont déclaré que Ngudjolo était le commandant en chef des combattants Lendu, qu’il était le « numéro un », ou « chef ». Toujours selon l’Accusation, les témoignages prouvent qu’il donnait des ordres, et que même si ces ordres n’étaient pas directement adressés aux soldats, les combattants comprenaient bien que les ordres de leurs commandants « venaient d’en haut », de Ngudjolo. L’accusation a soutenu que son autorité a également été prouvée par le fait qu’il avait des adjoints et du personnel, s’assurait que les nouvelles recrues obéissaient aux ordres, se faisait rendre compte selon une structuration hiérarchique, et aussi parce qu’il y avait un système disciplinaire en place.

Groupe armé organisé: crimes de guerre ou coaction indirecte?

L’accusation a soutenu que, pour prouver le degré d’organisation et l’existence d’un groupe armé il faut s’appuyer sur les capacités militaires du groupe et sa capacité à planifier et à mener des opérations militaires.

En ce qui concerne la coaction indirecte, le niveau d’organisation est complètement différent, a ajouté l’Accusation. Pour attribuer la responsabilité à un « auteur derrière l’auteur » comme cela se fait en cas de coaction indirecte on s’appuie sur le plan commun qui relie ensemble les acteurs et le rôle des accusés dans cette organisation. Les éléments pertinents d’une organisation pour cette question tournent autour de la structure interne et la méthodologie du groupe et la commission du crime, qui peut ne pas être de nature militaire et pourrait être complètement étranger au contexte d’un conflit armé.

Les mêmes faits pourraient être utilisés pour établir les deux questions, mais l’Accusation a fait valoir qu’il était important de maintenir la distinction entre les deux questions juridiques.

Chevauchement des conflits armés internationaux et noninternationaux?                                                   

Le conflit armé en question a été un conflit armé non international en Ituri impliquant des groupes armés locaux en grande partie séparés par des lignes de fracture ethniques, a soutenu l’Accusation. Ce conflit existait à la fois avant et après l’attaque de Bogoro, et en particulier, à partir d’août 2002 jusqu’à au moins la mi-2003.

Que d’autres conflits armés aient existé simultanément, même avec l’implication d’acteurs étrangers, cela ne constitue pas un fait pertinent, selon l’Accusation. Bien qu’il soit prouvé qu’il y avait des ougandais qui combattaient en Ituri à l’époque en question, leur participation n’a pas internationalisé le conflit car les batailles opposaient l’Ouganda à des groupes armés locaux, et non pas au gouvernement de la RDC.

Politique organisationnelle en vue de commettre des crimes contre les civils?

En particulier, les juges ont voulu savoir quelles attaques, au-delà de Bogoro, ont impliqué à la fois le FNI (Front national pour l’intégration) et les FRPI (Forces de résistance patriotique en Ituri). L’Accusation a répondu qu’au nombre des attaques pertinentes démontrant l’existence d’une politique organisationnelle figurent l’attaque de Nyankunde par des combattants Ngiti de Walendu-Bindi, les forces Lendu sous le contrôle de Ngudjolo et l’APC, l’attaque de Mandro et Bunia en mai 2003, entre autres.

L’Accusation a maintes fois affirmé que même si les groupes armés n’étaient pas appelés FRPI et  FNI au long du conflit, ces groupes de combattants Lendu et Ngiti étaient les mêmes groupes organisés, composés des mêmes combattants à partir des mêmes emplacements, même si plus tard ils ont utilisé un nom différent. L’Accusation a estimé que la question pertinente n’est pas de savoir si l’organisation est identique au fil du temps dans tous ses aspects, mais si dans son « essence » elle est restée la même. Sinon, a soutenu l’Accusation, une organisation pourrait toujours dégager sa responsabilité en changeant simplement son nom.

En ce qui concerne l’élément politique des crimes contre l’humanité, l’Accusation a fait valoir que les groupes avaient une politique claire d’attaque contre la population civile. Selon l’Accusation, les initiés des deux groupes armés ont fait un témoignage portant sur une politique de vengeance ciblant tous les Hema comme l’ennemi, sans distinction entre civils et combattants. L’Accusation a fait référence au témoignage selon lequel « ils ne devaient faire preuve d’aucune pitié » et au cours de leur formation militaire, ils ont été informés que « tous les Hema étaient l’ennemi. » Avant les attaques de Bogoro, des chansons ciblant l’ennemi, y compris les femmes, ont été chantées en face des commandants, y compris Katanga et Ngudjolo. En outre, le modus operandi utilisé dans toutes les attaques montre une claire politique organisationnelle.

Les juges ont également demandé à l’Accusation de préciser si, dans toutes les attaques les civils constituaient la principale cible. L’Accusation a soutenu qu’il n’était pas nécessaire que les civils soient la « cible primaire ». Le motif ou le but principal pouvait être de prendre le contrôle d’un territoire ou d’effrayer l’ennemi, mais cela ne change rien à l’élément essentiel : les civils ont été ciblés.

Qui, parmi les Lendu a é en proie à la haine ethnique et a contribué à transmettre cette haine?

Les témoignages ont montré que la haine des Hema était répandue parmi les combattants Lendu et Ngiti, a fait valoir l’Accusation, ajoutant que selon elle Katanga et Ngudjolo partageaient cette haine car ils étaient les chefs suprêmes des groupes Ngiti et Lendu.

Les juges sont intervenus pour préciser si Katanga et Ngudjolo ont été des facteurs d’entretien de la haine ethnique ou s’ils ont contribué à sa diffusion. Le Juge Président Cotte s’est aussi demandé si les accusés étaient en mesure de mettre fin à l’expression de cette haine.  La réponse de l’Accusation a été affirmative, étant donné leur autorité et la structure des deux groupes et leurs chaînes de commandement, les deux accusés avaient l’occasion de bloquer ce qui s’est passé. Les juges ont insisté pour que l’Accusation apporte des éléments de preuve spécifiques concernant la haine qui aurait motivé les attaques. Ils ont également affirmé qu’il y avait des divergences d’opinion sur la question et que c’était une question importante.

La présence de l’APC pendant l’attaque de Bogoro?

La défense a accusé l’APC (Armée du peuple congolais) d’être à l’origine de l’attaque sur Bogoro. L’Accusation a reconnu que même si des témoignages suggèrent qu’il était possible qu’il y ait eu une présence de soldats de l’APC à Bogoro, cela n’enlève rien à l’autorité exercée par Katanga et Ngudjolo sur leurs troupes. En outre, le nombre des soldats de l’APC aurait été inférieur à 25, selon l’Accusation.

Le juge Cotte a fait remarquer qu’il était important de comprendre qui a fait quoi le jour de l’attaque. L’Accusation a répondu que s’il y avait un troisième co-auteur, ce n’était pas quelqu’un qui comparaissait devant le tribunal et cela ne portait pas atteinte aux crimes portés devant la Cour. Il est possible que l’APC ait apporté sa contribution, a ajouté l’Accusation, mais même si la Chambre concluait que cette tierce partie avait participé au plan commun, cela ne diminuerait pas la responsabilité des accusés qui étaient en charge des Ngiti et des Lendu qui ont attaqué Bogoro.

Est-ce que Katanga et Ngudjolo ont donné l’ordre d’attaquer Bogoro?

Les juges ont spécifiquement posé la question de savoir à qui, et quand, les deux accusés ont donné l’ordre d’attaquer. L’Accusation a répondu que le témoin P-279 a déclaré que Ngudjolo avait dit: «  Faisons la guerre « et un autre témoin a déclaré que Katanga avait ordonné l’attaque. Cependant, la question des ordres directs n’est pas importante, selon l’Accusation, car un ordre peut être implicite. L’Accusation a soutenu que, compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve, ce qui montre l’autorité et la chaîne de commandement, il est clair que ces deux étaient bien les chefs de leurs groupes respectifs

L’Accusation a soutenu que les combattants qui sont allés à l’attaque de Bogoro, qui avait déjà été attaqué par des Ngiti et les Lendu, avaient besoin d’une grande force pour déloger le groupe UPC. Il n’était pas possible que ces deux forces aient pu attaquer Bogoro sans le consentement des deux accusés, a fait valoir l’Accusation

 


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