Chers lecteurs, veuillez trouver ici un commentaire écrit par Olivia Bueno à l’International Refugee Rights Initiative en consultation avec des militants congolais. Les vues et opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement les vues et op inions de l’International Refugee Rights Initiative ou de Open Society Justice Initiative.
A la Cour pénale internationale, Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui sont accusés de l’attaque particulièrement sanglante contre le village de Bogoro en février 2003. Les faits de cette attaque sont particulièrement inquiétants : au moins 200 civils auraient été tués, des femmes civiles ont été violées et détenues comme esclaves sexuelles, et des enfants ont été utilisés pour perpétrer ces atrocités. Contrairement aux poursuites contre Lubanga, qui ont fait l’objet de critiques tant pour leurs irrégularités en matière de procédure que pour la portée limitée des charges, l’affaire Katanga/Ngudjolo a s’est bien déroulée et a embrassé un large éventail de charges. Ce large champ d’application des charges est essentiel pour répondre aux attentes des victimes. Comme le dit un militant congolais, le procès constitue « un processus important parce que la cour a écouté les victimes. »
Dans le même temps, cependant, les militants sur le terrain notent que les activités de Katanga et Ngudjolo ont été soutenues et influencées par un large éventail d’acteurs politiques en République démocratique du Congo (RDC). Le militant se plaint même que « le tribunal n’est pas systématique dans ses investigations » et se demande pourquoi d’autres personnes qui ont participé au crime n’ont pas également jugés. Pourquoi les forces politiques qui ont parrainé Katanga et Ngudjolo et leurs milices respectives ne sont pas non plus présentes à la barre? Aussi horrible que l’attaque de Bogoro ait pu être, elle était partie intégrante d’un réseau complexe d’autres atrocités et d’alliances changeantes de la guerre en RDC. Cette réflexion tente de prendre ces connexions, entre les carrières de Katanga, Ngudjolo, et leurs milices et de les relier à l’ensemble du conflit et aux acteurs politiques en RDC. Bien que le procès constitue une avancée importante pour la justice, il y a un écart significatif en matière d’impunité tant en termes d’autres crimes commis par ces forces et d’autres sources de soutien politique que les militants locaux veulent voir combler.
L’attaque de Bogoro a été un épisode d’une série de combats particulièrement violents entre milices de la région de l’Ituri alignées avec les ethnies Hema et Lendu. Bien qu’il y ait eu des tensions de longue date entre ces groupes, les combats sérieux n’ont éclaté que dans le contexte de la deuxième guerre de RDC. Cette guerre opposait le président Laurent-Désiré Kabila avec le soutien de l’Angola, du Zimbabwe et de la Namibie à ses anciens soutiens le Rwanda et l’Ouganda et les diverses milices que ces deux pays soutenaient. Dans ce contexte, la lutte entre les Hema et les Lendu a été influencée par la dynamique de l’environnement national et international. Alors, comment Katanga et Ngudjolo en sont venus à jouer leurs rôles respectifs et comment ils ont interagi avec ces dynamiques nationales et internationales? Comment ont-ils atterri à La Haye?
Katanga et Ngudjolo ont tous les deux suivi des voies similaires d’engagement avec leurs milices respectives, les Forces de Résistance Patriotique d’Ituri (FRPI) et le Front nationaliste et intégrationniste (FNI). Les deux milices sont distinctes mais apparentées et ont été chargées de planifier ensemble l’attaque de Bogoro.
Mathieu Ngudjolo
Mathieu Ngudjolo (également connu sous son pseudonyme de Chui ou « léopard ») est un ancien soldat de l’époque de Mobutu. Selon des observateurs locaux qui ont suivi sa carrière, il avait déserté l’armée en 1996 et était retourné à son village natal dans la région de l’Ituri Ndjugu. Son expérience militaire fait de lui un choix naturel comme chef de file lorsque sa communauté, dans le cadre de son conflit avec les Hema, a commencé à chercher à renforcer ses capacités militaires. Selon des rapports des ONG locales et des bulletins de nouvelles, Ngudjolo a commencé à organiser des milices ethniquement alignées avant même la création officielle de la FNI et du FRPI, avec le soutien des chefs Lendu. Lors de la création du FNI, il a été nommé commandant militaire, sous l’autorité politique de Floribert Ndjabu. En dépit de sa responsabilité politique pour le groupe et la large reconnaissance des crimes internationaux commis, Ndjabu n’a pas été tenu pour responsable. Au contraire, il a été en prison à Kinshasa au cours des cinq dernières années sans être jugé dans le cadre de ces crimes.
Grâce à son expérience militaire et à son engagement, Ngudjolo est parvenu à contrôler les milices Lendu, en imposant son autorité et, selon les ONG locales, en participant personnellement à des opérations. Sous son autorité, les troupes du FNI auraient participé à un certain nombre d’autres violations graves du droit international. Il s’agit notamment de pillages à grande échelle à Bunia les 7 et 8 mai alors que la ville était sous son contrôle du 6 mars au 12 mai 2003. Les ONG locales et les bulletins de nouvelles ont également désigné Ngudjolo comme étant le commandant en charge des massacres de Tchomi et Kasenyi en 2003.
Ngudjolo a été arrêté par la MONUC à la fin de 2003 et accusé du meurtre d’un homme d’affaires Hema ayant des liens avec l’UPC. Il a ensuite été acquitté de ces accusations, mais est resté en garde à vue alors que l’Accusation interjetait appel. À la demande du gouvernement, Ngudjolo a ensuite été transféré à la prison de Makala. On ne sait pas s’il y a eu des poursuites après son transfert à Kinshasa, mais Ngudjolo a réussi à s’échapper de prison. Il est retourné à Bunia pour former un autre groupe armé appelé Mouvement révolutionnaire congolais (MRC). Suite à un accord avec le gouvernement, Ngudjolo a été intégré dans l’armée congolaise en tant que colonel et arrêté alors qu’il suivait une formation d’officier à Kinshasa.
Germain Katanga
Germain Katanga, autrement connu comme Simba (ou “lion”) a joué un rôle important en tant que Chef d’État Major du FRPI. Selon des observateurs locaux, à la différence de Ngudjolo, qui était très actif sur le terrain, Katanga a rarement quitté son fief au village Ngiti de Kagaba, contrôlant ses forces à une distance discrète. Les militants locaux disent qu’en 2003, il a publié un communiqué de presse dans lequel il affirmait son rôle de président et chef militaire du FRPI. Le communiqué de presse a également affirmé que le FRPI était indépendant du FNI.
Katanga a été investi de l’autorité militaire pour les Ngiti par un chef spirituel et mystique Kakado et préféré au colonel Cobra Matata, qui venait de déserter de l’armée nationale. Après l’arrestation de Katanga, Matata a pris le commandement de ces éléments. Matata a signé un accord de paix avec le gouvernement en 2006, acceptant l’intégration dans l’armée en échange d’une amnistie. Il n’a pas été tenu responsable pour son rôle dans la violence, un fait qui a été décrié par les militants des droits de l’homme. Par exemple, Eugène Bakama Bope, président du groupe ‘Les Amis du droit au Congo’, a selon l’Institut de Reportages sur la Guerre et la Paix a déclaré que « les seigneurs de la guerre comme Peter Karim et Cobra Matata qui occupent toujours des postes de commandement au sein de l’armée congolaise doivent aussi être poursuivis pour leurs crimes. »
Selon des militants locaux, bien que le FRPI soit né comme mouvement communautaire, destiné à la défense de la communauté Ngiti face à des attaques de l’UPC, il en vint bientôt à fonctionner dans la pratique comme une organisation violente, terrorisant les communautés locales. Bien qu’il ait reçu un soutien important de plusieurs intellectuels Ngiti, selon un observateur local, Katanga était le chef en matière d’organisation et de discipline militaires. Il exerçait une forte influence sur ses troupes, qui étaient tristement célèbres pour leur obstination et leur témérité et qui étaient souvent sous l’influence de la drogue. Katanga aurait étendu son contrôle sur le territoire de Walendu Bindi.
En janvier 2004, Katanga a été intégré dans l’armée congolaise avec le grade de général. Cette mesure a été critiquée par les organisations de droits de l’homme, qui l’avait déjà identifié comme un commandant particulièrement violent. Katanga a été arrêté en 2005 suite à une sérieuse pression internationale pour lui faire rendre comptes après l’assassinat de neuf casques bleus servant dans le cadre de la MONUC dans la même année. Il a été détenu sans jugement en RDC pendant un certain temps avant d’être transféré à La Haye.
Connexions
Bien que le FNI et le FRPI aient collaboré dans le cadre de l’attaque de Bogoro, les relations entre les deux groupes sont complexes et pas toujours amicales. Les milices représentent deux groupes distincts, bien qu’étroitement liés, les Ngiti et les Lendu (avec les Ngiti généralement décrits comme un sous-groupe des Lendu). Selon certains le FRPI a servi d’aile politique du FNI avant d’affirmer son indépendance en 2003. Toutefois, dans la même année, International Crisis Group distingue les deux en soulignant les liens du FNI avec l’Ouganda, par opposition au renforcement des liens du FRPI avec le RCD-ML et le gouvernement de la RDC. Il est clair, toutefois, qu’avec le temps cette alliance s’est effilochée.
Quelle que soient leurs rapports, le FNI et le FRPI ont tous les deux fait partie d’un vaste jeu dans lequel les forces politiques nationales ont sollicité l’appui Lendu afin de contrôler l’Ituri et les Lendu ont cherché à être favorisés en vue d’avoir la haute main sur leurs rivaux. Un exemple emblématique de ce jeu a été le conflit entre Wamba dia Wamba et Mbusa Nyamwisi pour le contrôle du Rassemblement congolais pour la Démocratie (RCD). Mbusa Nyamwisi comptait sur le soutien Hema pour prendre ce contrôle et apportait un soutien critique à Thomas Lubanga (un combattant Hema également en procès à La Haye) au début de sa carrière.
Cependant, au fil du temps comme le décrit ‘Couvert de sang’, le rapport de Human Rights Watch sur l’Ituri, Nyamwisi en était arrivé à compter de plus en plus sur le soutien Lendu, ce qui lui a aliéné le chef Hema, Thomas Lubanga. Au moment de l’attaque de Bogoro, le RCD-ML de Nyamwisi a signé l’Accord de Sun City avec le gouvernement de la RDC, obtenant ainsi l’aide du gouvernement qui aurait ensuite été acheminé vers leurs grandes bases d’appui Lendu et Ngiti.
Selon les rapports des ONG locales, le FRPI n’aurait pas pu exister en tant que groupe armé sans le soutien logistique et militaire du RCD-ML. Ce soutien a pris la forme de la formation des milices Ngiti du FPRI au centre de formation du RCD-ML à Nyaleke dans le Nord-Kivu. Dans ce contexte, les militants des droits humains et les intellectuels de la communauté Hema attribuent une responsabilité particulièrement importante à Mbusa Nyamwisi. Ils ont exprimé leur préoccupation lorsque Nyamwisi n’a pas été appelé pour rendre compte de son rôle, mais a plutôt été promu au rang de ministre de la décentralisation.
Certains autres, dont Matata et Ndjabu mentionnés ci-dessus, et certains autres encore, dont des combattants de haut rang du FRPI et du FNI qui siègent maintenant en tant que parlementaires nationaux ont échappé à la justice. Cependant Mbusa Nyamwisi est un emblème particulier de la nécessité d’une plus grande extension de la notion de reddition des comptes en raison du degré élevé de responsabilité qui lui est attribué et du niveau extrêmement élevé du poste qu’il occupe au gouvernement. Pour les militants de la société civile, c’est un signal du fait que, bien que le procès de Katanga et Ngudjolo soit très important, il reste encore beaucoup de travail à faire.
Ngudjolo et Katanga – leur rôle dans le conflit de la RDC et la nécessité d’une plus grande extension de la notion de reddition de comptes
Chers lecteurs, veuillez trouver ici un commentaire écrit par Olivia Bueno à l’International Refugee Rights Initiative en consultation avec des militants congolais. Les vues et opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement les vues et op inions de l’International Refugee Rights Initiative ou de Open Society Justice Initiative.
A la Cour pénale internationale, Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui sont accusés de l’attaque particulièrement sanglante contre le village de Bogoro en février 2003. Les faits de cette attaque sont particulièrement inquiétants : au moins 200 civils auraient été tués, des femmes civiles ont été violées et détenues comme esclaves sexuelles, et des enfants ont été utilisés pour perpétrer ces atrocités. Contrairement aux poursuites contre Lubanga, qui ont fait l’objet de critiques tant pour leurs irrégularités en matière de procédure que pour la portée limitée des charges, l’affaire Katanga/Ngudjolo a s’est bien déroulée et a embrassé un large éventail de charges. Ce large champ d’application des charges est essentiel pour répondre aux attentes des victimes. Comme le dit un militant congolais, le procès constitue « un processus important parce que la cour a écouté les victimes. »
Dans le même temps, cependant, les militants sur le terrain notent que les activités de Katanga et Ngudjolo ont été soutenues et influencées par un large éventail d’acteurs politiques en République démocratique du Congo (RDC). Le militant se plaint même que « le tribunal n’est pas systématique dans ses investigations » et se demande pourquoi d’autres personnes qui ont participé au crime n’ont pas également jugés. Pourquoi les forces politiques qui ont parrainé Katanga et Ngudjolo et leurs milices respectives ne sont pas non plus présentes à la barre? Aussi horrible que l’attaque de Bogoro ait pu être, elle était partie intégrante d’un réseau complexe d’autres atrocités et d’alliances changeantes de la guerre en RDC. Cette réflexion tente de prendre ces connexions, entre les carrières de Katanga, Ngudjolo, et leurs milices et de les relier à l’ensemble du conflit et aux acteurs politiques en RDC. Bien que le procès constitue une avancée importante pour la justice, il y a un écart significatif en matière d’impunité tant en termes d’autres crimes commis par ces forces et d’autres sources de soutien politique que les militants locaux veulent voir combler.
L’attaque de Bogoro a été un épisode d’une série de combats particulièrement violents entre milices de la région de l’Ituri alignées avec les ethnies Hema et Lendu. Bien qu’il y ait eu des tensions de longue date entre ces groupes, les combats sérieux n’ont éclaté que dans le contexte de la deuxième guerre de RDC. Cette guerre opposait le président Laurent-Désiré Kabila avec le soutien de l’Angola, du Zimbabwe et de la Namibie à ses anciens soutiens le Rwanda et l’Ouganda et les diverses milices que ces deux pays soutenaient. Dans ce contexte, la lutte entre les Hema et les Lendu a été influencée par la dynamique de l’environnement national et international. Alors, comment Katanga et Ngudjolo en sont venus à jouer leurs rôles respectifs et comment ils ont interagi avec ces dynamiques nationales et internationales? Comment ont-ils atterri à La Haye?
Katanga et Ngudjolo ont tous les deux suivi des voies similaires d’engagement avec leurs milices respectives, les Forces de Résistance Patriotique d’Ituri (FRPI) et le Front nationaliste et intégrationniste (FNI). Les deux milices sont distinctes mais apparentées et ont été chargées de planifier ensemble l’attaque de Bogoro.
Mathieu Ngudjolo
Mathieu Ngudjolo (également connu sous son pseudonyme de Chui ou « léopard ») est un ancien soldat de l’époque de Mobutu. Selon des observateurs locaux qui ont suivi sa carrière, il avait déserté l’armée en 1996 et était retourné à son village natal dans la région de l’Ituri Ndjugu. Son expérience militaire fait de lui un choix naturel comme chef de file lorsque sa communauté, dans le cadre de son conflit avec les Hema, a commencé à chercher à renforcer ses capacités militaires. Selon des rapports des ONG locales et des bulletins de nouvelles, Ngudjolo a commencé à organiser des milices ethniquement alignées avant même la création officielle de la FNI et du FRPI, avec le soutien des chefs Lendu. Lors de la création du FNI, il a été nommé commandant militaire, sous l’autorité politique de Floribert Ndjabu. En dépit de sa responsabilité politique pour le groupe et la large reconnaissance des crimes internationaux commis, Ndjabu n’a pas été tenu pour responsable. Au contraire, il a été en prison à Kinshasa au cours des cinq dernières années sans être jugé dans le cadre de ces crimes.
Grâce à son expérience militaire et à son engagement, Ngudjolo est parvenu à contrôler les milices Lendu, en imposant son autorité et, selon les ONG locales, en participant personnellement à des opérations. Sous son autorité, les troupes du FNI auraient participé à un certain nombre d’autres violations graves du droit international. Il s’agit notamment de pillages à grande échelle à Bunia les 7 et 8 mai alors que la ville était sous son contrôle du 6 mars au 12 mai 2003. Les ONG locales et les bulletins de nouvelles ont également désigné Ngudjolo comme étant le commandant en charge des massacres de Tchomi et Kasenyi en 2003.
Ngudjolo a été arrêté par la MONUC à la fin de 2003 et accusé du meurtre d’un homme d’affaires Hema ayant des liens avec l’UPC. Il a ensuite été acquitté de ces accusations, mais est resté en garde à vue alors que l’Accusation interjetait appel. À la demande du gouvernement, Ngudjolo a ensuite été transféré à la prison de Makala. On ne sait pas s’il y a eu des poursuites après son transfert à Kinshasa, mais Ngudjolo a réussi à s’échapper de prison. Il est retourné à Bunia pour former un autre groupe armé appelé Mouvement révolutionnaire congolais (MRC). Suite à un accord avec le gouvernement, Ngudjolo a été intégré dans l’armée congolaise en tant que colonel et arrêté alors qu’il suivait une formation d’officier à Kinshasa.
Germain Katanga
Germain Katanga, autrement connu comme Simba (ou “lion”) a joué un rôle important en tant que Chef d’État Major du FRPI. Selon des observateurs locaux, à la différence de Ngudjolo, qui était très actif sur le terrain, Katanga a rarement quitté son fief au village Ngiti de Kagaba, contrôlant ses forces à une distance discrète. Les militants locaux disent qu’en 2003, il a publié un communiqué de presse dans lequel il affirmait son rôle de président et chef militaire du FRPI. Le communiqué de presse a également affirmé que le FRPI était indépendant du FNI.
Katanga a été investi de l’autorité militaire pour les Ngiti par un chef spirituel et mystique Kakado et préféré au colonel Cobra Matata, qui venait de déserter de l’armée nationale. Après l’arrestation de Katanga, Matata a pris le commandement de ces éléments. Matata a signé un accord de paix avec le gouvernement en 2006, acceptant l’intégration dans l’armée en échange d’une amnistie. Il n’a pas été tenu responsable pour son rôle dans la violence, un fait qui a été décrié par les militants des droits de l’homme. Par exemple, Eugène Bakama Bope, président du groupe ‘Les Amis du droit au Congo’, a selon l’Institut de Reportages sur la Guerre et la Paix a déclaré que « les seigneurs de la guerre comme Peter Karim et Cobra Matata qui occupent toujours des postes de commandement au sein de l’armée congolaise doivent aussi être poursuivis pour leurs crimes. »
Selon des militants locaux, bien que le FRPI soit né comme mouvement communautaire, destiné à la défense de la communauté Ngiti face à des attaques de l’UPC, il en vint bientôt à fonctionner dans la pratique comme une organisation violente, terrorisant les communautés locales. Bien qu’il ait reçu un soutien important de plusieurs intellectuels Ngiti, selon un observateur local, Katanga était le chef en matière d’organisation et de discipline militaires. Il exerçait une forte influence sur ses troupes, qui étaient tristement célèbres pour leur obstination et leur témérité et qui étaient souvent sous l’influence de la drogue. Katanga aurait étendu son contrôle sur le territoire de Walendu Bindi.
En janvier 2004, Katanga a été intégré dans l’armée congolaise avec le grade de général. Cette mesure a été critiquée par les organisations de droits de l’homme, qui l’avait déjà identifié comme un commandant particulièrement violent. Katanga a été arrêté en 2005 suite à une sérieuse pression internationale pour lui faire rendre comptes après l’assassinat de neuf casques bleus servant dans le cadre de la MONUC dans la même année. Il a été détenu sans jugement en RDC pendant un certain temps avant d’être transféré à La Haye.
Connexions
Bien que le FNI et le FRPI aient collaboré dans le cadre de l’attaque de Bogoro, les relations entre les deux groupes sont complexes et pas toujours amicales. Les milices représentent deux groupes distincts, bien qu’étroitement liés, les Ngiti et les Lendu (avec les Ngiti généralement décrits comme un sous-groupe des Lendu). Selon certains le FRPI a servi d’aile politique du FNI avant d’affirmer son indépendance en 2003. Toutefois, dans la même année, International Crisis Group distingue les deux en soulignant les liens du FNI avec l’Ouganda, par opposition au renforcement des liens du FRPI avec le RCD-ML et le gouvernement de la RDC. Il est clair, toutefois, qu’avec le temps cette alliance s’est effilochée.
Quelle que soient leurs rapports, le FNI et le FRPI ont tous les deux fait partie d’un vaste jeu dans lequel les forces politiques nationales ont sollicité l’appui Lendu afin de contrôler l’Ituri et les Lendu ont cherché à être favorisés en vue d’avoir la haute main sur leurs rivaux. Un exemple emblématique de ce jeu a été le conflit entre Wamba dia Wamba et Mbusa Nyamwisi pour le contrôle du Rassemblement congolais pour la Démocratie (RCD). Mbusa Nyamwisi comptait sur le soutien Hema pour prendre ce contrôle et apportait un soutien critique à Thomas Lubanga (un combattant Hema également en procès à La Haye) au début de sa carrière.
Cependant, au fil du temps comme le décrit ‘Couvert de sang’, le rapport de Human Rights Watch sur l’Ituri, Nyamwisi en était arrivé à compter de plus en plus sur le soutien Lendu, ce qui lui a aliéné le chef Hema, Thomas Lubanga. Au moment de l’attaque de Bogoro, le RCD-ML de Nyamwisi a signé l’Accord de Sun City avec le gouvernement de la RDC, obtenant ainsi l’aide du gouvernement qui aurait ensuite été acheminé vers leurs grandes bases d’appui Lendu et Ngiti.
Selon les rapports des ONG locales, le FRPI n’aurait pas pu exister en tant que groupe armé sans le soutien logistique et militaire du RCD-ML. Ce soutien a pris la forme de la formation des milices Ngiti du FPRI au centre de formation du RCD-ML à Nyaleke dans le Nord-Kivu. Dans ce contexte, les militants des droits humains et les intellectuels de la communauté Hema attribuent une responsabilité particulièrement importante à Mbusa Nyamwisi. Ils ont exprimé leur préoccupation lorsque Nyamwisi n’a pas été appelé pour rendre compte de son rôle, mais a plutôt été promu au rang de ministre de la décentralisation.
Certains autres, dont Matata et Ndjabu mentionnés ci-dessus, et certains autres encore, dont des combattants de haut rang du FRPI et du FNI qui siègent maintenant en tant que parlementaires nationaux ont échappé à la justice. Cependant Mbusa Nyamwisi est un emblème particulier de la nécessité d’une plus grande extension de la notion de reddition des comptes en raison du degré élevé de responsabilité qui lui est attribué et du niveau extrêmement élevé du poste qu’il occupe au gouvernement. Pour les militants de la société civile, c’est un signal du fait que, bien que le procès de Katanga et Ngudjolo soit très important, il reste encore beaucoup de travail à faire.