Nous vous présentons la Chronique Katanga et Ngudjolo #11, qui à l’origine a été publiée sur le site web d’Aegis Trust. Les vues et opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement les vues et opinions d’Open Society Justice Initiative.
Que faire si un témoin est appelé à témoigner à la Cour et fait un témoignage dommageable pour l’appelant? Certaines incohérences dans les récits peuvent être attribuées à l’imprécision des souvenirs. Mais que faire si la déposition du témoin pose clairement des problèmes à la thèse de l’Accusation? C’est ce qui s’est passé avec le témoin 250, un ancien soldat du FNI. Il est maintenant considéré comme un « témoin hostile » par l’Accusation en raison des divergences entre son témoignage et ses déclarations antérieures.
Au cours de l’interrogatoire du témoin 250, M. MacDonald a commencé à noter des incohérences sur diverses questions : la présence de civils à Bogoro, les chansons de haine fondées sur l’appartenance ethnique chantées par les combattants, la façon dont des munitions ont été obtenues et distribuées, et comment les enfants soldats en sont venus à se trouver dans les rangs du FNI et du FRPI.
L’Accusation a maintenant deux options. Si la Chambre est d’accord que le témoin 250 est hostile, alors l’Accusation sera autorisée à procéder au contre-interrogatoire de son propre témoin. Si les juges concluent que le témoin n’est pas hostile, l’Accusation doit continuer à mener un interrogatoire direct.
Finalement, la Chambre conclut que le fait qu’il existe des incohérences dans le témoignage du témoin 250 ne constitue pas un argument suffisant pour le déclarer « hostile ». Les juges estiment que le témoin 250 a répondu aux questions de l’Accusation d’une manière mesurée et calme, et que ces zones de conflit peuvent être explorées par la Chambre elle-même.
Ainsi, le Procureur poursuit son interrogatoire du témoin 250. M. MacDonald cherche des précisions sur : les activités du FRPI et du FNI avant et après l’attaque contre le village de Bogoro, les différences ethniques entre les combattants, la présence de civils dans le village, et les commandants responsables de l’opération. Le Procureur est également préoccupé par d’autres attaques menées conjointement par le FRPI et le FNI, comme celle sur le village de Mandro. Selon le témoin, cette attaque a eu lieu après l’agression contre Bogoro et Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo étaient parmi les commandants qui l’ont planifiée.
Une fois l’examen conclu, la défense de Germain Katanga pose quelques questions au témoin 250. M. David Hooper veut comprendre le climat politique en Ituri de 1999 à 2003, comment le FNI et FRPI en est venu à exister, et comment la mission à Aveba – au cours de laquelle les milices Lendu et Ngiti auraient planifié les attaques contre Bogoro – a vu le jour.
Selon la déposition du témoin, une délégation du FNI A voyagé de Zumbe à Aveba – 50 km au sud de Bunia – pour répondre au FRPI de Katanga. L’objectif était de trouver une « solution » au « problème » de Bogoro. Il leur fallait « chasser les gens qui ont occupé Bogoro », éliminer la présence de l’UPC / Hema dans le village. Un homme du nom de Bahati de Zumbe, qui aurait dirigé la mission, a été le dernier à revenir et celui qui a ramené le plan. Le plan a été partagé avec les combattants Lendu avant l’attaque.
Le témoin 250 a déclaré au tribunal qu’il a entendu parler du nom du FNI, Front des nationalistes et intégrationnistes, après la chute de Bogoro en février 2003. « Donc, lorsque vous avez quitté Zumbe pour Aveba, vous n’étiez pas une « délégation FNI », n’est-ce pas? » demande M. Hooper. « Ce nom n’est venu que plus tard », répond le témoin. C’est au cours des pourparlers de réconciliation à Bunia, en mars 2003 que la délégation Lendu a commencé à utiliser le nom de Front des nationalistes et intégrationnistes: « C’était un nom utilisé non seulement par les citoyens, mais aussi par les représentants. A partir de ce moment le nom ne désignait plus que les combattants Lendu. »
Selon le Procureur le FNI a été créé en décembre 2002, lors de discussions tenues d’abord à Kpandroma, RDC, puis à Arua, en Ouganda. Jusqu’à la création formelle de ces mouvements à la fin 2002, les combattants Lendu ont été sous le commandement de dirigeants locaux qui ont organisé la défense contre les attaques de l’UPC. Pendant cette période, Ngudjolo a consolidé son pouvoir et son autorité sur les combattants Lendu dans la région de Zumbe. À la fin de 2002, la décision a été prise chez certains Ngiti et les Lendu de formaliser la résistance contre l’UPC. Cela s’est traduit par l’alliance formelle entre le FRPI et le FNI. « Monsieur le Témoin, quand avez-vous entendu parler pour la première fois du FRPI? » demande M. Hooper. Le témoin 250 a entendu parler de ce nom lors d’une réunion que les deux groupes, les Lendu et Ngiti, ont tenue à Aveba. « Ce nom était bien connu quand j’étais à Aveba, c’était un nom populaire, » dit le témoin. Le FRPI a été créé fin 2002 et était la première grande tentative d’unir, dans un groupe, les différents groupes Ngiti et Lendu. L’Accusation fait valoir qu’à l’automne 2002, Germain Katanga est devenu chef de tous les combattants Ngiti de la Collectivité de Walendu-Bindi. Au moins sept camps de milices de cette Collectivité ont été impliqués dans l’exécution de l’attaque de Bogoro.