Germain Katanga & Mathieu Ngudjolo Chui in court
qui sommes Germain Katanga &
Mathieu Ngudjolo Chui?

Par Jennifer Easterday

La Chambre de première instance II de la CPI a demandé des informations à la République démocratique du Congo (RDC) et aux Pays-Bas afin de déterminer si elle peut continuer à détenir trois témoins du procès de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui.

Les trois témoins ont été transférés à La Haye en mars 2011 pour témoigner pour la défense de Katanga et Ngudjolo. Ils avaient été emprisonnés en RDC pendant environ cinq ans en attendant les charges liées au conflit en RDC. Ils ont donc été incarcérés au quartier pénitentiaire de la CPI pendant leur séjour à La Haye.

Dans leur témoignage présenté en avril et mai 2011, les témoins ont mis en cause le président de la RDC, Joseph Kabila, dans les crimes commis dans la région de l’Ituri en RDC. Pour cela, disent-ils, ils risquent la torture ou la mort s’ils sont renvoyés en RDC. Ils ont donc demandé l’asile aux Pays-Bas. Pendant que les autorités néerlandaises traitaient ces demandes d’asile, les témoins sont restés au quartier pénitentiaire de la CPI, près de deux ans après leur arrivée.

Leur demande a donné lieu à une bataille juridique de plus en plus complexe. Récemment, les témoins ont demandé à la Chambre de première instance II de déclarer que leur détention par la CPI ne se justifie plus et d’ordonner leur remise en liberté immédiate. À défaut, les témoins ont demandé au tribunal de tenir une conférence de statut pour discuter de leur situation. Les témoins affirment que toute cour de justice devrait avoir le pouvoir d’ordonner la libération de personnes sous sa garde lorsque leur détention viole des normes internationales en matière de droits de l’homme. Ils affirment que leur détention à la CPI a été sans base juridique depuis août 2011, quand le tribunal a décidé qu’ils pouvaient retourner en RDC en toute sécurité. Ils considèrent que leur détention est devenue excessivement longue, principalement en raison de la lenteur de la procédure d’asile néerlandaise. Ils affirment également que la RDC n’a pas de base juridique valable pour leur détention par la RDC.

En attendant, Mathieu Ngudjolo Chui, qui a été accusé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis lors de l’attaque de Bogoro, un village dans l’est de la RDC, a été acquitté de toutes les accusations et remis en liberté. Il a ensuite été placé en détention par les autorités néerlandaises pour non détention de carte de séjour et a déposé sa propre demande d’asile aux Pays-Bas. Germain Katanga, qui fait face à des accusations similaires, est toujours en procès, dans l’attente d’une décision sur les changements potentiels dans les accusations portées contre lui.

Pas de consensus sur la détention

Compte tenu de leur crainte pour leur sécurité, la Chambre de première instance II de la CPI a dû décider si son obligation de protection des témoins lui permettait de retourner les témoins à la RDC. La Chambre a conclu que les témoins pouvaient être retournés à la RDC une fois qu’elle a eu la conviction que les mesures de protection suffisantes seraient en place à leur retour.

La CPI et la RDC ont travaillé ensemble pour concevoir et mettre en place un certain nombre de mesures de sécurité pour les témoins, s’ils étaient retournés. En août 2011, la Cour a décidé que la RDC avait fait suffisamment de garanties de protection des témoins et a donc ordonné que les témoins soient retournés à la RDC. La CPI a cependant estimé que le retour n’était pas possible en raison de la procédure d’asile néerlandaise en cours.

Le tribunal appelé à des consultations entre la Cour, les Pays-Bas et la RDC afin de déterminer si les témoins doivent rester en détention, et si oui, sous la garde de qui. Les néerlandais ont soutenu que les témoins doivent rester sous la garde de la CPI au cours de l’examen de leur procédure d’asile. La RDC a exigé que les témoins soient retournés en RDC, affirmant qu’ils auraient dû être retournés aussitôt après avoir achevé leur témoignage.

La CPI n’est pas en mesure de détenir indéfiniment des témoins, selon la Chambre. Toutefois, compte tenu de ce qu’elle considère comme une situation extraordinaire, la CPI est dans une impasse. Elle est incapable de libérer les témoins soit aux Pays-Bas ou en les retournant à la RDC tant que leur  demande d’asile ne sera pas finalisée. Selon certains, cela pourrait prendre des années. Le tribunal a continué de solliciter la coopération des autorités néerlandaises à propos de la détention des témoins, mais en vain.

La procédure les concernant se poursuit devant les tribunaux néerlandais. En septembre 2012, un tribunal de district de La Haye a jugé que les Pays-Bas ont l’obligation de consulter la CPI avant de mettre un terme à la détention du témoin. Cette décision a été rejetée par la Cour d’appel de La Haye en décembre 2012. Cette décision est portée en appel devant la plus haute juridiction des Pays-Bas, le Hoge Raad. Les demandes d’asile ont été rejetées par le Service d’immigration et de naturalisation néerlandais, mais ces décisions sont également en cours d’appel.

Demande de renseignements

Après avoir reçu la motion des témoins demandant leur libération, la Chambre de première instance a demandé des informations supplémentaires aux Pays-Bas et à la RDC à propos de la détention des  témoins. Le tribunal a considéré que la garde des témoins, fondée sur l’article 93 (7) du Statut de Rome, est liée à leur détention par la RDC et les demandes d’asile en attente.

La Chambre a fait observer qu’elle n’a pas compétence pour examiner la détention des témoins par la RDC, et aussi qu’elle n’a pas eu d’informations sur l’état de leur détention dans ce pays depuis l’arrivée des témoins à La Haye. Le tribunal a donc considéré que les témoins devront rester au quartier pénitentiaire tant qu’ils seront sous la garde du tribunal.

La Chambre de première instance a réitéré sa conclusion précédente selon laquelle la procédure d’asile ne doit pas entraîner une prolongation déraisonnable de leur détention au quartier pénitentiaire de la CPI. Elle a demandé aux Pays-Bas quel était le temps maximum que pouvait prendre la procédure d’asile, soit jusqu’à épuisement de tous les recours et voies procédurales possibles.

S’agissant des réclamations de la RDC concernant la détention des témoins, le tribunal a interrogé la RDC sur la situation exacte des témoins pour ce qui est de leur détention provisoire. La Chambre de première instance a également demandé si les autorités de la RDC estimaient que, compte tenu de la durée de leur détention, le maintien en détention du témoin était toujours justifié. Enfin, le tribunal a posé des questions sur les perspectives de finalisation des procédures de la RDC contre les témoins au cours de leur incarcération au quartier pénitentiaire de la CPI. Le tribunal a fait remarquer qu’il n’avait pas reçu de réponse à des propositions visant à apporter le soutien technique et logistique nécessaire pour faciliter la participation des témoins à la présente procédure à distance.

Le tribunal a demandé des réponses à ces questions d’ici le 1er mars 2013.


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