Le procès de Germain Katanga semble avancer à grands pas après un décrochage de près d’un an. La Chambre de première instance II de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé à l’équipe de défense de Katanga de présenter des observations sur un nouveau mode de responsabilité fondée sur les faits actuels de l’affaire. Il semble que la Chambre va alors poursuivre ses travaux vers pour arriver à un jugement définitif. Il apparaît donc que le procès ne sera pas rouvert, et qu’il n’y aura pas de témoignage supplémentaire.
Katanga est en jugement devant la CPI pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis lors d’une attaque contre Bogoro, un village de l’est de la République démocratique du Congo (RDC). À la fin de 2012- après les plaidoiries, la Chambre de première instance avait, à la majorité, informé les parties qu’elle pourrait changer le mode de responsabilité dans le procès de Katanga. Alors qu’il avait été jugé pour les crimes relevant de la « coaction indirecte » en vertu de l’article 25 (3) (a), la Chambre de première instance a envisagé de modifier ces charges en accusations portant sur la responsabilité de « but commun » en vertu de l’article 25 (3) (d).
La Chambre a permis à la défense de mener de nouvelles enquêtes afin d’offrir un moyen de défense contre les nouvelles charges potentielles. Cependant, la défense a fait valoir qu’elle n’était pas en mesure de mener des enquêtes, car elle a eu à faire face à des défis logistiques et de sécurité considérables dans la conduite des enquêtes dans l’est de la RDC, qui a récemment connu un regain de violence. La défense a été incapable de trouver la moindre preuve supplémentaire et a demandé à la Chambre de première instance de s’abstenir de modifier les charges contre Katanga.
Rejet des observations de la défense
La Chambre de première instance a demandé au greff d’enquêter sur la situation sécuritaire et logistique en Ituri pendant la période où défense menait ses enquêtes. La Chambre a voulu savoir si la situation sécuritaire empêchait la défense de mener des enquêtes et si elle était susceptible de s’améliorer de sitôt.
Le greffier a conclu que, même si on ne sous-estimait pas la difficulté de tels voyages, il aurait été possible de mener des enquêtes dans les villages et les villes concernés avant le 23 août 2013 – époque où la défense menait ses enquêtes. Le greffier a également fait remarquer que la défense n’avait pas été réceptive aux demandes de la Division sécurité et sureté du greffe relatives aux mises à jour des plans d’investigation de la défense. Le greffe a cependant conclu qu’en fin août 2013, la situation sécuritaire s’est détériorée et les enquêtes seront impossibles dans un avenir prévisible.
L’Accusation a également rejeté la conclusion de la défense selon laquelle les enquêtes n’étaient pas possibles et fait valoir que la défense n’avait pas pris de mesures adéquates pour informer la Chambre de première instance ou le greffe des difficultés auxquelles elle était confrontée. Les représentants légaux des victimes ont présenté des observations similaires, affirmant que la défense n’avait pas démontré qu’elle avait fait tout son possible pour mener ses nouvelles enquêtes.
La défense a demandé l’autorisation de la Chambre de première instance pour répondre à ces observations et fournir des détails sur les efforts qu’elle a fournis en matière d’enquêtes.
La majorité de la Chambre de première instance décide de poursuivre ses travaux
Dans une décision au sujet des enquêtes de la défense, la majorité de la Chambre de première instance, à l’exception du juge Christine Van den Wyngaert, a rappelé les appels que la Chambre d’appel a lancés à la Chambre de première instance pour qu’elle respecte les droits de la défense et termine le procès dans un délai raisonnable. La Chambre de première instance a conclu qu’elle allait donc se borner à prendre acte de la position de la défense. La Chambre a déclaré qu’elle allait prendre les arguments de la défense en considération, ainsi que les observations des autres participants, lors qu’elle allait décider dans le jugement final si une requalification des charges violerait les droits de Katanga. La Chambre a demandé à la défense de soumettre une réponse aux arguments de l’Accusation, du représentant légal des victimes, et du greffier.
La Chambre a également demandé à la défense de présenter des observations fondées sur les preuves existantes sur trois aspects clés de la modification potentielle du mode de responsabilité : attaques contre d’autres villages de la région (y compris Nyankunde), identification des auteurs, et relation entre les armes livrées aux combattants présumés de Katanga et les crimes de Bogoro.
Opinion divergente du juge Van den Wyngaert
Mme Van den Wyngaert a émis une opinion divergente, en faisant valoir qu’avant de demander à la défense de présenter ses observations sur l’article 25 (3) (d), il faut d’abord décider si la défense pouvait mener des enquêtes efficaces en RDC. La Chambre devrait alors décider si elle allait violer le droit de Katanga à un procès équitable en requalifiant les charges sans procéder à des investigations supplémentaires, a-t-elle affirmé. Si la réponse à ces deux questions est négative, la Chambre ne devrait pas modifier les charges contre Katanga, a-t-elle ajouté.
Selon le juge Van den Wyngaert, tant que ces problèmes ne seraient pas résolus, décider de mesures procédurales supplémentaires serait prématuré. Sinon, a-t-elle soutenu, la majorité est essentiellement – et prématurément – en train de mettre à l’épreuve l’argument de la défense selon lequel elle ne peut pas organiser une défense efficace sans preuve supplémentaire.